Prendre un mot chargé d’une signification profonde. Disons, amour. Le répéter plusieurs fois, à une demi-seconde d’intervalle. Lisez bien le paragraphe suivant dans son intégralité, mot par mot, à voix haute ou dans votre tête.
Amour, amour, amour, amour, amour, amour, amour, amour, amour, amour, amour, amour, amour, amour, amour, amour, amour, amour, amour, amour, amour, amour, amour, amour, amour, amour, amour.
Au début, vous lisez le mot avec toute sa signification à l’esprit. Vous le prononcez en pensant à tout ce qu’il peut représenter pour vous. Puis vient un moment où cette signification s’en va, où la répétition devient mécanique, où elle devient incantation, évidente dans sa forme et mystique dans son intention. Amour, amour, amour… Vous vous surprenez même à avoir à l’esprit des pensées totalement éloignées de cette tâche étrange qui occupe votre bouche. Amour, amour, amour…Puis viennent les dernières occurrences du mot à répéter, et là il retrouve tout son sens. Vous avez prononcé vingt-sept fois le mot “amour” et alors que vous voyiez la fin du paragraphe arriver, votre concentration s’est rassemblée pour achever cette psalmodie de manière satisfaisante.
Manifestement, alors que vous aviez à répéter vingt-sept fois de suite le même mot chargé d’une signification particulière, vous n’avez pas été de garder le même niveau d’application à le faire, vous avez constaté une fluctuation.
Mais une fluctuation de quoi? Quel est cet élément qui s’est manifesté par son inconsistance au bout de ces vingt-sept répétitions? Quelle est sa nature? Dans quelle unité se mesure-t-il? Quelles possibilités son étude approfondie offrirait-elle? Un pressentiment injustifiable me fait penser qu’il sommeille là une force oublié dotée d’un potentiel incroyable, et je ne parviens pas à y voir plus clair que ce que je viens d’écrire.
Voici ce qui torture mes méninges ce soir.