Petit événement dans ma mailbox, le nouveau Liars, Mess – à paraître le 24 mars prochain toujours sur Mute Records – m’attend tel un jouvenceau avide de se faire déflorer. Autant dire les choses crument, je branche mon casque et prépare l’écoute de la même façon que lors de la réception du dernier Sasha Grey – un paquet de mouchoirs, une bière bien fraiche et le paquet de clopes à portée de main. On parle quand même de la bande d’Angus Andrew, celle dont on ne cesse de ressasser le génie, que ce soit pour ses deux ultimes efforts – le ferrailleur Sisterworld (lire) et le synthétique WIXIW (lire) – que pour l’ensemble de leur sinueuse discographie (lire) entamée en 2001 avec They Threw Us All In A Trench And Stuck A Monument On Top. Et dès cette fatidique première écoute on sent poindre l’agitation médiatique sur les couvertures des magazines telle une trainée de tâches jaunâtres sur le canapé d’un célibataire endurcit : un onanisme presque contrit, morne et éculé car dénué de toute excitation primesautière. Le constat est violent mais évident, dire le contraire ne pouvant qu’intimer l’allégeance. Plutôt que d’assener le boulard sensoriel habituel, aussi affriolant qu’inattendu, Mess – pourtant si bien pitché par l’érectile single Mess On A Mission (lire), conjuguant beat dopaminé et vocalises trippée, le tout sustenté de relectures signées Silent Servant, SFV Acid, Black Bananas et Nest Of Teens – n’est pas sans rappeler ce rendez-vous implacablement nauséeux à huit heures du matin, où, pour vérifier la nature de sa semence, l’on se retrouve placardé dans un box exiguë – la queue dans une main, un gobelet en plastique dans l’autre – avec un film X rappelant combien les codes esthétiques de l’érotisme peuvent évoluer d’une décennie à l’autre. Et cette télécommande que l’on ose à peine effleurer de dégoût.
L’entrée en matière de Mess en est presque flippante : pas un mais trois titres euro-dance sauce spaghettis, où il ne se dégage rien sinon cette étrange impression de vide abyssal à peine masquée par la répétitive machinerie rythmique éviscérant une bassline linéaire de toute imperfection. On se dit que baiser sous MDMA confère le même vil plaisir à mesure que le chant d’Angus s’arnache péniblement à cette mouise incongrue : on imagine celui-ci tenir le micro en pleine séance de gym tonic. Pro Anti Anti donne enfin du grain à moudre, sonnant telle une face B d’WIXIW – ce qui n’est déjà pas si mal -, impression vite sapée par l’indigeste balade Can’t Hear Well, tout juste bonne à émouvoir un eunuque en plein délire phallocratique. L’instrumentale Darkslide, qui succède à la précitée Mess on A Mission, grossit quant à elle l’obsession de ces mecs troquant guitares contre synthétiseurs : ça vivote, ça tripote, mais ça capote contre un mur d’inutilité. Comme si on en avait quelque chose à foutre de la vie du Tom Yorke d’après Radiohead, ou du Radiohead d’après Kid A. S’ensuit une cohorte de morceaux entonnée par Boyzone dont la seule échappatoire tient dans l’acceptation d’un long voyage jusqu’au bout de l’ennui : lorsque l’ultime boucle de Left Speaker Blown retentit après sept interminables minutes de rabâchage, consécutives aux neuf précédentes de Perputual Village à peine plus folichonnes, on se sent libéré de cette pression qu’engendre le dernier kilomètre sur tout marathonien. Bordel. Si l’on ne sait à jamais quoi s’attendre avec les trois Liars, cette fois, c’est à du gros n’importe quoi sous toutes ses formes – ce qui est déjà un art en soi -, sorte de pénible digestion sous Xanax après un lendemain d’excès en tout genre. Les quelques spasmes extirpant Mess de sa torpeur n’y changeront rien : on peine à imaginer l’album singé sur scène. Dur.