Guerre commerciale et défis technologiques

La guerre n’en fini pas de s’(auto)alimenter. Je parle ici de guerre commerciale bien évidemment, loin de moi de donner dans la politique en cette période d’élections municipales.
Mais enfin, alors que tous les trimestres sinon tous les mois s’affichent publiquement aux compteurs des constructeurs aéronautiques, le nombre d’avions commerciaux qu’ils ont placés, les deux principaux belligérants sont au coude ŕ coude sur une base annuelle.
L’an passé, Boeing a certes livré 648 appareils contre 626 pour Airbus, mais dans le męme temps, c’est Airbus avec 1 503 prises de commandes nettes qui arrive en premičre position face ŕ Boeing qui en comptabilise 1 355. C’est du coude ŕ coude entre les deux avionneurs qui d’une année sur l’autre se transmettent la pole position.
Alors aurait-on trouvé un autre indicateur que celui des livraisons ou des ventes pour décerner le prix du plus grand avionneur au monde, cela bien sűr avant que n’apparaisse une concurrence qui piaffe d’impatience de se jeter dans l’arčne ?
Car dčs qu’un souci technologique survient dans le développement d’un appareil et męme lorsqu’il a été mis en service comme c’est le cas du Boeing 787 qui accumule les déboires, tous les journaux en font leurs choux gras. Et ceci n’est pas l’apanage du mal nommé Ť Dreamliner ť. Car aussi tôt que des fissures sont apparues sur les voilures du trčs gros porteur européen A380, la presse s’est déchaînée. Le constructeur européen a travaillé ŕ développer une procédure de réparation pour les 120 appareils déjŕ livrés ou en cours d’assemblage lors de la découverte des fissures en mars 2012. Une intervention qui a elle seule (sans compter les coűts d’immobilisation des appareils en compagnies aériennes) approche des 450 M€ car le nombre d’avions concernés s’est avéré plus élevé. On serait tenté de dire pas grand chose par rapport ŕ tous les provisionnements auxquels a dű faire face Boeing au vu des problčmes technologiques qu’il a rencontré, sans compter le coűt des 3 premiers avions d’essais en vol qui, au lieu d’ętre reconfigurés et vendus ont été passés par pertes et profits… Pardon, ils ont été passés en frais de recherche et développement.
Mais aucun des avionneurs ne se gausse des déboires rencontrés par un confrčre. Car tout le monde sait que nul n’est épargné et que les revers de fortune sont toujours possibles. Ainsi, alors qu’Airbus se montre inquiet car des essais menés en usine sur une maquette révčle un niveau de fatigue du métal insoupçonné, et qu’il préconise donc d’augmenter les fréquences des contrôles, Boeing a fait savoir que les derničres nées des voilures des 787, laissent apparaître des fissures de la taille d’un cheveu. Cette révélation a été faite par Boeing le 7 mars alors que son fournisseur, le japonais Mitsubishi Heavy Industries l’a prévenu en février dernier alors que celui-ci a apporté des changements de procédures dans la fabrication destinés ŕ alléger les ailes. Certes, il va falloir intervenir, mais les 40 voilures concernées étaient en cours de jonctionnement chez Boeing et ne concernent donc pas des appareils en service ce qui ne met pas en jeu la sécurité de passagers, mais ce qui signifie néanmoins qu’il y aura du retard dans les livraisons. Ce dont les clients ont été informés.
Certes la guerre commerciale est toujours aussi vive entre les deux ennemis jurés, mais lorsqu’il s’agit de technique, on s’aperçoit qu’ils rencontrent des problčmes souvent similaires sinon identiques. Surtout que ces nouveaux matériaux que l’on nomme les composites donnent de la fibre ŕ retordre aux spécialistes. Et ŕ l’heure oů se déroule le salon JEC Europe ŕ Paris, bien peu de protagonistes sont pręts ŕ jurer que les futurs avions commerciaux feront appel ŕ autant de carbone que ce qui est le cas (50 et 53 % respectivement) pour les 787 et A350. L’avenir nous le dira.
La Chronique d’Aeromorning par Nicole B.