Théorie #2
Miroir, mon beau miroir, qui est la plus belle ?
(c) nawden
Nous aurions une classification mentale de la beauté, étalonnée sur la perception de notre propre physique et de celui de nos proches.
On dit que la beauté est affaire de proportion, de régularité, d’équilibre. Sans doute cela participe-t-il, dans le défié des Miss ou des Misters, à se faire un avis relativement objectif sur la beauté d’une personne, puisqu’on nous demande de la juger selon ce seul critère.
La beauté est une affaire de perspective, de subjectivité, de préjugés culturels(Joyce Carol Oates)
De beaux cheveux longs pour les femmes, une silhouette élancée, poitrine et taille marquées, yeux de biche parfaitement maquillés, belle ligne de sourcils et lèvres pleines sont autant de représentations culturelles de la féminité.
Comme chez le Mister, on attendra des épaules larges, une mâchoire carrée, des sourcils marqués soulignant un regard ombrageux ou limpides. Les concours nous préparent à attendre des attributs masculins ou féminins contrastés, affirmés, reconnus par le plus grand nombre (ou presque !).
Mais la littérature nous a, elle aussi, bercés de clichés sur la beauté – pas que des clichés, puisqu’il s’agit d’atours dont on s’accorde à dire qu’ils sont plus avantageux pour celui qui en est doté (et à l’inverse, plutôt un désavantage quand on n’en dispose pas) !
Nous avons une représentation du beau chez l’Homme très formatée. Si un extra-terrestre débarquait sur terre, ne serait-il pas étonné de nous trouver avec une prépondérance au milieu de la tête (« un pic, un cap… »), des circonvolutions de chaque côté, au bout desquels nous prenons l’habitude de suspendre des objets en métal plus ou moins lourds. Sans doute s’interrogerait-il sur l’utilité du menton ou du front et voudrait-il s’avoir pourquoi les yeux vont de pair quand la bouche est unique…
Bref, rien ne serait plus objectif que le regard d’un étranger à l’humanité, puisque dénué d’attente et de préjugés (si ce n’est ceux de sa propre espèce)… Mais je m’éloigne du sujet !
Il n’y a donc pas d’objectivité en matière de perception de la beauté. Ce que je m’en vais vous raconter concerne un ressort psychologique bien intégré et qui ordonne chez tout un chacun un système de classification mentale de la beauté.
Cette carte mentale qui se construit en même temps que notre apprentissage du monde nous situe par rapport à autrui (c’est donc un phénomène social !). J’existe dans le regard de l’autre, parce qu’il me considère, parce qu’il me désire ou parce qu’il m’ignore. Je suis donc le point central, le curseur de cette carte.
Avant de continuer, nous serons sans doute d’accord sur un point : la question de la confiance en soi est prépondérante dans notre construction psychique et dans l’appréhension de notre propre apparence. Cette confiance se renforce ou se délite au contact de nos proches, mais aussi d’inconnus, et ou cours des événements qui ponctuent nos vies.
Rien n’est bon ni mauvais en soitout dépend de ce que l’on en pense (William Shakespeare)
Nous avons donc une représentation de nous-mêmes et des autres, de nos rapports, dans un esprit de comparaison et de concurrence. Nous nous fabriquons des catégories mentales dans lesquels nous allons classer les personnes dont on vante les mérites physiques (les très beaux ou plus encore) et celles qui nous semblent les plus éloignées des critères de beauté. (Attention, on ne parle ni de charme ni d’attrait ici !) Et sur cette échelle, nous nous situons nous-mêmes selon ce qu’on comprend du miroir que nous renvoie le monde.
Imaginons de manière un peu schématique que mon échelle va de 100 à 0, 100 étant la personne la plus belle que je suis capable de me représenter (ou que j’ai vue) et 0 la plus laide. Imaginons que je me situe à 60. Nous serions quelques milliards à travers le monde à nous situer dans cette catégorie 60. Au moins autant que ceux qui sont à 70 ou ceux qui sont à 50.
Naturellement, les catégories aux extrémités sont moins fréquentées. Si je rencontre quelqu’un que je situerais au grade 50, que vais-je me dire ? « Il est pas mal, mais bon… ». Si je rencontre un 60, je me dirais : « Il a un bon physique ». Avec un 70 : « Il est très bien, peut-être trop beau pour moi ». Quant au 80 : « On ne joue pas dans la même catégorie ». Un bel exemple de classification mentale.
Une collègue me disait une fois, à propos d’une autre collègue dotée d’un physique plutôt ordinaire (discrète, grosses lunettes sous une frange épaisse) : « Elle est jolie ». J’avais envie de demander « par rapport à qui ? », avant de réaliser que c’était par rapport à elle-même (ou à moi peut-être ?).
Dans tous les cas, il est clair qu’en disant cela, elle l’a « catégorisée ». Son « Elle est jolie », qui peut être employé par tout le monde (il ne s’agit que de terminologie), ne couvrira pas la même réalité selon la personne qui le prononce. Si un « bogosse » dit d’une fille « Elle est jolie », on n’imaginera pas spontanément qu’il s’agit de ma collègue.
La beauté des choses existe dans l’esprit de celui qui les contemple(David Hume)
(c)Fanja - cerisiers en fleurs
Un autre biais à considérer dans cette réflexion de ma collègue : celui de la tendresse projetée. Une personne qui nous est sympathique, qui nous fait bonne impression, pourra être « surclassée ».
Exemple : une fille aux instincts de « marieuse » qui voudra faire se rencontrer deux de ses amis ne sera pas forcément très objective (et heureusement). Pour avoir assisté à une telle scène et eu l’occasion d’en discuter avec les autres personnes présentes, nous étions d’accord pour dire qu’en l’occurrence, il y avait un décalage entre le physique du garçon (dont on se disait qu’il était plutôt agréable) et celui de la fille (plus disgracieux). Mais comment la copine marieuse se percevait-elle elle-même ? Comment percevait-elle son amie et ce garçon ?
Qui ne s’est jamais trouvé interloqué face à un couple « mal assorti » ? Encore nos représentations mentales ! Elles sont d’ailleurs souvent néfastes puisqu’elles peuvent réduire le champ des possibles. C’est ainsi qu’on se ferme à soi-même des portes, ou au contraire, qu’on les ouvre…
L’envie de se fondre dans le groupe ou de prendre l’ascendant, quand on est adolescents plus particulièrement, nous oriente vers des personnes d’un certain type, d’un certain physique, soit qui nous ressemblent, soit non.
A l’inverse, il peut être difficile de se situer par rapport à ses amis : comme on l’a dit plus haut, la tendresse peut modifier notre regard sur eux, les rendre les plus beaux, les plus forts, juste les meilleurs, mais cela peut aussi nous enlever toute faculté de discernement –incapable de porter un jugement sur leur apparence physique. D’autant moins qu’on a grandi ensemble. Ne se voit-on pas toujours tel que nous étions ?
(c) Copie de Martinique Queens
Ceci étant dit, comme l’a dit Voltaire, « la beauté plaît aux yeux, la douceur charme l'âme ». Aussi, ne nous défendons pas d’être douceur et charme…
Virginie Hywey
La Théorie #2 de Virginie : "Miroir, mon beau miroir, qui est la plus belle ?" vous interpelle ?
Réagissez et commentez-la sur notre page Facebook !
Mais qui est Virginie Hywey ? C'est encore elle, qui en parle le mieux !
« Dans ma besace, j’ai des théories en nombre et dont je ne sais plus que faire. Après avoir exténué la plupart de mes amis en leur exposant, au troquet du coin, les méandres de mes cheminements personnels, j’ai eu l’idée de partager aux lecteurs d’Hi-Zine, dont j’apprécie beaucoup l’orientation éditoriale, quelques-unes d’entre elles.
Celles-ci ne s’appuient pas sur des études scientifiques ou philosophiques. Pour autant, elles ne sauraient être perçues –je l’espère- comme du prosélytisme.
Elles entendent juste ouvrir la porte, à l’aide d’hypothèses, de questionnements, de balbutiements et parfois de babillements, à quelques réflexions ordinairement partagées.
Mon crédo : faire sourire et penser.
Mon crédit : je ne suis candidate à aucun siège.
Mon crédu : même pas peur d’inventer.
Bonne lecture à tous ! V.H »