- 13 mar 2014
- Gilles Rolland
- CRITIQUES
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Titre original : The Monuments Men
Note:
Origine : États-Unis/Allemagne
Réalisateur : George Clooney
Distribution : George Clooney, Matt Damon, Bill Murray, Cate Blanchett, John Goodman, Jean Dujardin, Hugh Bonneville, Bob Balaban, Dimitri Leonidas, Justus Von Dohnanyi…
Genre : Aventure/Drame/Comédie/Histoire vraie/Adaptation
Date de sortie : 12 mars 2014
Le Pitch :
Alors que la Seconde Guerre Mondiale touche à sa fin, sept hommes décident de partir à la recherche des œuvres d’art volées par les nazis afin de les restituer à leurs propriétaires. D’âge mur et absolument pas rompus au combat armé, ces hommes sont des directeurs de musées, des conservateurs, des artistes ou encore des historiens. Ensemble, ils vont risquer leur vie pour sauvegarder un patrimoine menacé, en allant jusqu’à pénétrer le territoire ennemi. Histoire vraie…
La Critique :
George Clooney est un homme ambitieux, généreux et concerné. Très vite, alors qu’il débute la deuxième partie de sa carrière d’acteur (la partie post-Urgences), le beau gosse cherche autre chose. En toute logique, il passe derrière la caméra. Monuments Men est ainsi le cinquième long-métrage de Cloney, le metteur en scène. Sur le papier, cette cinquième livraison s’annonçait comme la plus ambitieuse, car elle permettait à priori à Clooney de traiter d’un sujet fort et passionnant, tout en lui laissant l’opportunité de mêler les genres, en un ensemble bénéficiant d’un souffle vintage.
Quand il apparaît à l’écran affublé de sa fine moustache et de sa coiffure old school, Clooney annonce qu’il assume définitivement la filiation avec les grands acteurs américains, Clark Gable et Cary Grant en tête. Nombreux sont ceux à avoir fait le rapprochement, et Clooney accepte totalement cet état de fait. Avec Monuments Men, il apparaît comme une sorte de réincarnation de ces icônes immortelles et utilise cette image désormais ancrée dans l’inconscient collectif pour nourrir le souffle épique et vintage qu’il souhaite conférer à son long-métrage.
George Clooney, c’est un peu la classe incarnée. La classe à l’américaine. Le petit sourire en coin, l’air malicieux, le comédien et le réalisateur se retrouvent au sein d’une épopée qui ne jurerait pas si on la confrontait à des films cultes comme De l’or pour les braves ou Les Canons de Navaronne. Oui, sur le papier, Monuments Men avait tout pour relier le Hollywood d’aujourd’hui à celui de jadis.
Dans les faits, c’est un peu plus compliqué. Compliqué car au fond, Clooney n’arrive jamais à concrétiser totalement ses désirs. Pour tout dire, il a carrément le cul entre deux chaises. Une fesse du côté de l’aventure propre au film de guerre et l’autre du côté de la comédie. Une fesse du côté du drame historique et une autre du côté de la pantalonnade entre potes. Monuments Men choisit rarement son camp et quand il le fait enfin, il n’assume pas jusqu’au bout.
Cette scène qui voit Jean Dujardin et John Goodman faire face à un tireur embusqué constitue un très bon exemple, tant elle se voit désamorcée par un twist voulu comique, qui tombe comme un cheveux sur la soupe. Parfois, cette bande de soldats trop âgés pour combattre, rappelle carrément les mésaventures de Pierre Mondy et de ses amis dans Où est donc passée la Septième Compagnie ?. On pense aussi à M.A.S.H., ce qui, vu le contexte, n’est malheureusement pas une bonne nouvelle.
La faute à cet esprit de bande, très Ocean’s Eleven dans l’âme, qui persiste à rompre très souvent le ton, quand celui-ci se fait plus sombre. Peut-être doit-on déceler là une volonté de mettre le spectacle à la portée du plus grand nombre afin de diffuser en masse le message, mais au fond, cela ne fonctionne que très rarement. Idem pour cette fâcheuse tendance à rameuter les trompettes quand l’émotion tient le devant la scène. Quand Cloney intervient en voix off pour expliquer en substance la mission de ces hommes prêts à mourir pour préserver ces œuvres d’art dérobées.
Le montage lui non plus n’aide pas, tout comme ce scénario qui passe son temps à survoler l’action, sans jamais rentrer dedans de plein fouet. Truffé d’ellipses, le récit se résume, surtout dans sa première partie, à une succession de scènes plus ou moins drôles et/ou dramatiques. Quelquefois, c’est carrément maladroit, à l’image de ces deux courtes séquences qui voient Hitler surplomber la maquette de son futur musée. Des ellipses -on y revient- et un humour, qui ruinent l’empathie que l’on devrait éprouver pour les personnages. Rarement le danger, pourtant omniprésent dans cette Europe encore occupée par les nazis, n’est vraiment palpable et rarement on saisit la portée de l’engagement de ces soldats en pleine « guerre de l’art ».
Heureusement, dans la seconde moitié du film, les choses rentrent peu à peu dans l’ordre. Certes, rien ne change au niveau de la mise en scène, qui reste trop sage, trop académique et posée pour capter à la fois l’urgence et la gravité de la situation ; mais les personnages commencent réellement à exister. Pas tous, mais la plupart. Leur engagement est mieux expliqué, le montage se fait plus fluide et l’émotion en devient plus palpable. Est-ce un hasard si l’humour est beaucoup moins présent lors de cette seconde moitié ? Pas du tout.
Mais peut-on vraiment en vouloir à Clooney ? Pas vraiment car malgré son caractère bancal et maladroit, Monuments Men reste attachant. De par son sujet bien évidemment, même si on se prend souvent à rêver de ce qu’un metteur en scène comme Spielberg aurait pu en tirer, et grâce à son casting. Un casting impérial pour un film qui ne laisse malheureusement pas à tout le monde l’occasion de briller de la même façon. On retiendra les sympathiques duos (Goodman/Dujardin, Balaban/Murray, Blanchett/Damon) et quelques scènes malgré tout assez intenses.
Il est clair que Clooney n’a pas résisté à exploiter la fibre comique de ses comédiens. Même Matt Damon est l’objet d’un running gag relativement drôle.
George Clooney sait s’entourer, pas de doute là-dessus. Même quand il tourne ses pubs pour Nespresso, il ne peut pas s’empêcher de rameuter ses potes (Matt Damon en l’occurrence). Ici, dans un contexte grave, cet esprit collégial ne sert pas toujours le film comme il le devrait. À l’écran, forcement, Monuments Men a de la gueule et une sacrée classe. Une classe qui permet d’excuser pas mal de défauts et qui sauve les meubles. Un peu comme cette fin, en l’occurrence très réussie et émouvante, qui confirme au passage qu’il a fallu une bonne heure avant que Clooney ne trouve la bonne tonalité. Malheureusement, le film dure 2 heures et les erreurs de la première ont tendance à déteindre sur la seconde. Écrasés par ce fantastique sujet, les Monuments Men font ce qu’ils peuvent. En ressort un véritable amour de l’art et plus spécifiquement du cinéma. Un amour impulsif et généreux, complètement à l’image du chef de bande. Cet héritier de Gable et de Grant, pétri de bonnes intentions, auquel il est tentant de pardonner beaucoup.
@ Gilles Rolland