Il y a des histoires d'amitié qui durent. Celle-ci ne date pas d'hier, presque 50 ans qu'ils sont avec moi, dans les moments d'euphorie comme dans des périodes difficiles, ils m'ont suivie partout. J'ai parcouru des milliers de kilomètres avec leurs sons dans ma voiture, j'ai retourné mon jardin en hurlant leurs chansons, baladeur sur les oreilles, pour adoucir la tâche ingrate... Je ne suis pas née avec eux, mais mon entourage sait depuis longtemps que Gimme shelter est le morceau à passer à mon enterrement. Parfois je les ai critiqués de se reposer sur leurs lauriers. Parfois je les ai un peu oubliés. Parfois je suis allée à leur rencontre, à Londres, à Knebworth, à Paris. Et voilà qu'ils venaient à la mienne, je me devais de respecter ce signe d'amitié.
Depuis janvier, je me réjouissais comme une folle de cette soirée du 12 mars. Inutile de me dire que tout ça ne fait pas très chinois, je le sais. A Shanghai, traditions et modes de vie et de consommation à l'occidentale cohabitent en permanence. On pourrait dénoncer une forme d'impérialisme occidental, mais gardons certains sujets pour une autre fois et revenons à nos pierres.
J'étais prête, j'avais révisé mes textes, je m'étais testée sur les intros (juste les reconnaître, pas les jouer...). En route pour la Mercedes-Benz Arena. Je ne le répéterai jamais assez : comme c'est agréable de sauter dans un métro et d'arriver à bon port à un concert des Stones en moins de 30 minutes !
Le logo de John Pasche a la vie longue (depuis 1971)
Première fois dans ce vestige de l'Expo 2010, pas de doute la salle est très agréable, chacun a sa place numérotée, nous sommes en face de la scène, de quoi observer et laisser monter la tension. Le concert peut commencer, la salle est comble.
Ce sont bien eux, ils sont tous là, tous ceux qui les accompagnent, Daryl Jones l'impressionnant bassiste, Bobby Keys le saxophoniste, Chuck Leavell au claviers, Bernard Fowler et Lisa Fischer donnent de la voix (et quelle voix!)
Dans un premier temps je me dis que c'est bien, c'est agréable, c'est "ma" musique, mais je ne suis pas transportée. J'ai tout le loisir de m'extasier devant les effets visuels, chapeau les gens !
Et puis arrive le tournant du concert sous la forme de Midnight Rambler, avec Mick Taylor, l'ancien Stones qui s'était retiré en 1975. Il a pris de l'âge lui aussi, mais n'a pas oublié de savoir jouer de la guitare.
On a droit au changement de tenue de Mick Jagger, et donc de deux morceaux chantés par Keith Richards, comme d'hab. Le côté un peu frisquet du début a quitté la scène, et du coup le public. Il ne doit plus y avoir grand monde assis. Et j'attends, j'applaudis, j'attends...
Il manque l’ingrédient qui, pour moi, fait que les Rolling Stones sont un groupe à part, une musique qui fait frissonner la colonne vertébrale, le blues. Quand ils s'y mettent, c'est magnifique, c'est leur base. Alors, ça vient ? Eh bien non, pas de Love in Vain, pas de Little Red Rooster, pas de blues ce soir. Dommage...
Mais bien sûr que c'était bien, forcément... J'ai réalisé qu'avec eux, j'ai toujours 20 ans, même morceaux ou presque, même émotions. Peut-être qu'eux aussi, dans le fond.
Rideau avec Gimme Shelter...