Cela fait déjà des semaines que l’on ne parle que de ça ! Le géant américain Netflix va débarquer en France. Si certains consommateurs semblent se réjouir, voyant dans cette arrivée l’accès à une multitude de contenus, les chaînes de télévision paraissent au contraire quelque peu inquiètes. A tort ou à raison ? Retour en quelques points sur les impacts que pourrait produire l’arrivée de Netflix en France.
Netflix : du DVD à la VOD par abonnement
Tout le monde a entendu au moins une fois le nom de cette société qui – disons le tout haut – fait peur. Elle impressionne tout simplement, car elle pourrait profondément modifier la consommation des programmes et des contenus, et impacter ainsi une économie toute entière. Basée dans la célèbre Silicon Valley dès 1997, Netflix a exploité l’attrait toujours plus important pour le visionnage de contenus. Encore loin des évolutions actuelles, les consommateurs de l’époque se contentaient alors de louer des DVD. A l’arrivée des prouesses technologiques, et surtout face aux nouveaux modes de consommations de la télévision et des contenus, résumés par Médiamétrie sous la forme ATAWAD (Source) pour Anytime (« tout le temps »), Anywhere (« n’importe où »), Any Device (« sur n’importe quel support »), Netflix a su modifier son cœur de métier pour proposer de la SVOD (Subscription Video On Demand, soit de la Vidéo-à-la-Demande par abonnement). Le principe est simple : par le paiement d’un abonnement fixe, le consommateur a accès a tout un catalogue de programmes, allant des films aux séries. Aujourd’hui, la société peut se vanter de recenser 44 millions d’abonnés, dont 33 aux Etats-Unis. En Europe, Netflix a su s’imposer en Grande-Bretagne, en Irlande, aux Pays-Bas et dans les pays scandinaves. Son ambition de développement est sans limite puisque après avoir tenté de s’implanter en Espagne, elle ambitionne de rejoindre un pays où la demande est certes forte, mais où la législation, la régulation, et surtout la protection de l’économie sont bien présentes : la France.
La France : un pays favorable à la création
En France, la loi a été pensée pour protéger une économie qui fonctionne grâce à des stratégies mises en place au niveau étatique. Ainsi, une chaîne de télévision est soumise à plusieurs obligations. Tout d’abord, en terme de diffusion. Les chaînes doivent respecter dans un premier temps la chronologie des médias, qui impose un rythme de diffusion entre les différents supports que sont l’écran de cinéma, les plateformes de VOD, le support matériel avec le DVD, blu-ray etc., l’écran de télévision, ou encore la télévision de rattrapage. Pour favoriser la production française, les chaînes doivent également remplir des quotas de diffusion, à savoir 60% d’œuvres européennes, dont 40% dédiées à des œuvres d’expression originale française (OEOF). Pour plus de visibilité, des heures de grande écoute (HGE) sont imposées et varient en fonction des chaînes généralistes ou cinéma. De plus, les chaînes doivent respecter des obligations de production, dont le détail est compliqué, mais qui représentent en résumé une part de leur chiffre d’affaires en fonction de leur statut (généraliste/cinéma…). La mise en place de ces obligations, fortement contrôlées annuellement par notre organisme de régulation envié, le CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) est une magnifique illustration de ce qu’un pays peut faire pour protéger son économie audiovisuelle et cinématographique, favoriser la création dans ces deux secteurs, et ainsi permettre à des milliers de personnes de vivre d’une production riche et dynamique. Les salles universitaires des formations audiovisuelles et cinématographiques n’ont jamais été autant remplies en France, preuve des possibilités quant à l’avenir de ces étudiants, à force de volonté.
Les dangers liés à l’arrivée de Netflix
Ainsi, les chaînes de télévision s’inquiètent à juste titre des retombées de l’arrivée d’un service de VOD par abonnement. En effet, les modes de consommation se délinéarisent : nous sommes de moins en moins dépendants de la programmation classique, dite linéaire, proposée par les chaînes, puisque nous consommons le produit « programme » de plus en plus suivant notre bon vouloir. L’arrivée d’une société proposant à volonté la consommation de programmes par le simple paiement d’un abonnement, pourrait dès lors entraîner une perte des audiences du média télévision traditionnel. Cette perte d’audience entraînerait irrévocablement une perte des revenus publicitaires, et donc une perte de revenus pour investir dans la création et le respect des obligations. De même, l’arrivée de Netflix induirait une refonte de la chronologie des médias. En effet, il semble impossible que Netflix respecte les délais imposés en France. La société perdrait alors ce qui fait aujourd’hui sa force : son offre de programmes en exclusivité. De plus, et cette problématique en devient presque éthique, Netflix, comme d’autres géants tels que Apple ou Google, sait parfaitement contourner les lois imposées par un pays. Comment ? Tout simplement en localisant son siège social au Luxembourg. En ne créant pas de filiale dans le pays concerné (pratique courante pour ces sociétés), ces grands groupes échappent aux obligations légales. Ainsi, Netflix pourrait profiter du potentiel des consommateurs de contenus, notamment en provenance des Etats-Unis, sans investir et faire profiter la France de ce qui fait notre richesse : la création. Cette semaine, l’information est tombée : Netflix sera bien disponible via les Fournisseurs d’Accès à Internet (FAI) dès septembre et sur le réseau Orange. Il semble difficile que la société américaine accède à SFR (dont le rachat est en cours mais qui appartient à Vivendi qui possède aussi Canal +) et Bouygues (qui possède TF1).