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Une bière, un boulot, une volonté...

Publié le 13 mars 2014 par Philippejandrok

ballade avec Emilio.jpgHier, j’ai aidé, à ma manière, un homme qui bénéficie de l’aide sociale, son appartement est pris en charge, il a son RMI, enfin, tout ce que d’autres n’ont pas, ce n’est pas une critique, mais un simple constat, malgré cela, il se laisse aller, traine, boit des bières à la terrasse des cafés, achète son « shit », le fume tranquillement en regardant la Dordogne défiler comme sa conscience qui se perd, parfois, lorsqu’il n’a plus sa tête, il n’est pas heureux, comme des millions de français sans emploi qui vivent cette situation comme une honte. Ils sont souvent jugés, par ceux qui travaillent, qui ont la chance de travailler, certains d’entre eux ont même été placé dans l’entreprise familiale, sans jamais avoir eu besoin de se battre pour trouver un emploi, de rédiger mille lettres de candidatures, essuyé mille autre refus… la critique est facile pour celui qui ne souffre pas, qui n’a jamais souffert d’une telle situation, d’une telle dérive.

C’est pourquoi, ceux qui regardent de haut de plus malheureux qu’eux, devraient réfléchir avant de juger, car le malheur frappe à la porte de chacun sans demander son reste, il peut arriver n’importe quand à n’importe qui, alors qu’ils ne jugent pas et qu’ils apprennent à reconnaître la souffrance pour éprouver la compassion et l’entre aide.

Je l’ai rencontré sur la terrasse d’un café, car mon ami Daco y prenait sa collation en profitant de ce merveilleux soleil qui nous illumine depuis quelques jours. Daco, qui est revenu dans le monde des vivants après une chute dans la rue qui l’a mené à l’hôpital, cassé de partout, pendant plusieurs semaines. Aujourd’hui, il va mieux, beaucoup mieux, il recommence à nous agacer avec ses discours politiques fastidieux, sur le fond, il a raison, et quelques fois, il a tort, mais c’est un brave homme et c’est mon ami.

Assis à ses côtés, un homme d’une quarantaine d’années à l’air d’un éternel adolescent, il est négligé, ses dents sont sales, il ne les lave pas souvent, ses cheveux gras, confirment la perception que j’ai de lui. Il fume une cigarette roulée et boit une bière. Daco fait les présentation et indique à son camarade que je suis inscrit sur la liste de Pierre Machemy, je m’éloigne pour commander un café et je l’entends dire me concernant :

- C’est un bosseur, tu sais c’est un brave gars…

Daco ne dit jamais de mal de personne, sauf des politiques corrompus, et ils sont nombreux à ses yeux. Je reviens, il me pose des questions sur le rôle d’une mairie, je lui réponds en lui expliquant que les mairies ne fonctionnent plus sans la communauté de communes, ce qui, d’une part limite leur pouvoir, mais leur donne certains avantages qu’elles n’avait pas avant. Alors, son camarade m’interpelle :

-   Et les entreprises, il faut faire venir le boulot ici.

-   Bien sûr qu’il faut faire venir l’emploi, mais ce n’est pas chose facile, avec les lois votées par les socialistes sur les entreprises, il faut avoir les reins solides pour créer son entreprise en France, combien de jeunes entrepreneurs disent : En France je travaille pour l’état, en Angleterre, je travaillerais pour moi. Et ils partent, et on les comprend, alors, pour les empêcher de vendre, on les impose à 70%, mais ils partent tout de même. Alors, que faire ? Les Maires peuvent proposer des aménagements fiscaux aux entreprises qui s’installent, pour les pousser à venir, c’est possible, c’est faisable, mais il semble, j’ignore pourquoi que nos dirigeants actuels à Souillac n’ont pas saisis leur chance, pourquoi ont-ils laissé passer des entreprises qui souhaitaient s’installer ici et qui sont parties à Martel où on leur proposait un terrain et un pont d’or ??? Ce sont les incohérences et les mauvaises gestions, celle d’esprits médiocres, qui poussent les villes à mourir.

-   Mais vous feriez quoi ?

-   J’irais chercher les entreprises par la main pour les faire venir à Souillac, voilà ce que je commencerais à faire. C’est le principe essentiel de la réussite, le démarchage ; et vous, vous cherchez du travail dans quel domaine ?

-   Moi, je suis éducateur sportif breveté, cavalier enseignant d’équitation et vice champion de France de style et de saut d’obstacle. 

-   Avec de telles compétences comment se fait-il que vous ne trouviez rien ? Vous avez un centre hippique ici…

-   Oui, mais je ne m’entends pas avec le responsable.

-   N’y en a-t-il pas d’autres ?

-   Si à Martel, d’ailleurs j’attends une réponse pour la semaine prochaine, mais c’est pas certain.

 -   Bon avez-vous un CV ?

 -   Oui, mais pas sur moi.

 -   Je m’en doute. Pourriez vous me l’amener ?

 -   J’y vais.

 Il revint quelques minutes plus tard, je partis faire des copies de son dossier en lui précisant bien que je ne lui promettais rien, mais que j’allais essayer et faire des recherches.

Notre candidat avait rencontré des gens possédant une ferme équestre, je tentais de les mettre en contact, puis, en cherchant sur Internet, je trouvais une liste de tous les clubs hippiques de la région, j’imprimais le dossier. Le lendemain, je l’appelais au téléphone pour lui fixer RDV au centre ville, celui-ci se montra hésitant, il aurait fallu que je passe chez lui, mais je suis resté ferme et lui ai dit :

-   Dans 10 minutes au café du Beffroi, j’y serais avec le dossier.

10 minutes plus tard, je m’y trouvais, il arriva nonchalant, peu soigné et prit place face à moi, il était bien disposé à prendre une bière, mais je remarquais qu’il avait soit déjà bu, soit consommé des stupéfiants ; son discours était faussement cohérent, haché, il faisait des efforts pour que je ne m’en m’aperçoive pas, mais qu’importe, mon devoir était de lui remettre ce dossier, libre à lui de faire les démarches nécessaires s’il voulait quitter la spirale infernale dans laquelle il était plongé. Mais j’étais surpris qu’il n’ait pas lui-même fait cette démarche depuis le temps qu’il trainait cette galère, comme si il se complaisait dans son malheur, mais je devais m'abstenir de lancer des hypothèses.

Je pris la liberté de lui dire qu’il devait être fier de ce qu’il était et marcher la tête haute et surtout, cesser de se laisser aller ; il fut surpris, hésitant, j’ajoutais que l’alcool n’allait pas lui rendre cette fierté, au contraire, mais qu’elle allait plutôt le détruire, il ne commanda pas sa bière, pourtant, je sentais bien qu’il avait soif, et il partit en ne sachant pas s’il devait me remercier ou me casser la gueule, je crois, dans mon discours avoir touché quelque chose de profond en lui, enfin, je l’espère, l’avenir nous le dira, peut-être.

Un consommateur qui se trouvait à proximité, et qui était un habitué, se leva pour me rejoindre et me parler spontanément :

-   Ne perdez pas votre temps avec cet homme, ce type là ne vaut rien, il passe son temps à faire la morale à tout le monde, alors que c’est un profiteur, un parasite, il ne vous rapportera rien en retour.

 -   Je vous remercie de m’informer, mais je ne fais pas les choses en attendant un retour, je n’ai pas été éduqué de la sorte, cet homme est en souffrance, il a besoin d’aide, j’ai fait ce que j’avais à faire, après, libre à lui d’aller de l’avant, s’il en est incapable cela ne me concerne plus, c’est lui qui vit sa vie, pas moi.

 -   Je vous dis cela parce que je vous aime bien, et je trouve que ce que faites est très louable, mais ce type là ne vaut rien.

 -   Peut-être maintenant, mais qui sait, il peut trouver les ressorts qui lui permettront de grandir au fond de lui et si j’ai pu au moins l’aider un peu, alors c’était nécessaire.

 -   À présent je suis gêné de vous avoir dit cela, me confia l’homme d’âge mûr.

 -   Ne soyez pas gêné, je suis touché par votre sollicitude à mon égard, mais je suis ainsi fait, si quelqu’un souffre, je l’aide de mon mieux, c’est mon devoir, c’est notre devoir à tous.

Nous nous sommes quittés bons amis. Le lendemain, j’ai croisé cet homme à qui j’avais donné le dossier, j’étais d’un côté de la rue, il était de l’autre, il m’a fait un signe de la main et a baissé la tête, j’ai compris, celui qui m’avait mis en garde avait peut-être raison, mais cela n’a pas freiné ma volonté d’aider ceux qui ont besoin de soutien, et si chacun agissait ainsi, le monde serait meilleur.

Nous vivons une époque formidiable…


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