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Schopenhauer

Publié le 13 mars 2014 par Dubruel

AUPRÈS D’UN MORT (d'après Maupassant)

Par hasard, j’ai rencontré hier,

Un ami de Schopenhauer.

Je ne l’aime pas, lui dis-je.

Ce jouisseur désabusé

Me donne le vertige.

Il a renversé

Les espoirs, les croyances, la poésie.

Par son irrésistible ironie.

Ce sceptique a saccagé les illusions du cœur.

Ce philosophe moqueur

A ravagé la conscience des âmes.

Il a tué le culte de la femme.

Cet homme me confia un de ses souvenirs :

« Schopenhauer venait de mourir.

Nous l’avons veillé avec un ami.

Sa chambre était éclairée par deux bougies.

Sa pensée nous avait tant emballés 

Que nous nous sentîmes envahis

Par l’atmosphère de son génie.

Il semblait qu’il allait nous parler.

Tout bas, nous causions de lui,

De son incomparable esprit,

Nous rappelant ses préceptes surprenants.

Mais nous devînmes vite mal à l’aise,

Oppressés, défaillants.

L’odeur fort mauvaise,

Ecœurante, du corps décomposé

Nous envahissait.

Mon compagnon me proposa alors

De passer à-côté

En laissant la porte entrebâillée

De sorte que nous puissions voir le mort

Et continuer de le veiller.

Au bout d’un moment,

Nous vîmes quelque chose de blanc

Courir sur le lit

Et tomber sur le tapis.

Un frisson nous passa dans les os.

Nos regards furent sur lui aussitôt.

Saisis,

Nous nous approchâmes de son lit.

Il avait les joues creusées,

La bouche serrée. Il grimaçait.

Effarés, nous le regardions

Comme devant une apparition.

Mon ami se pencha

Puis me toucha le bras :

À côté du lit, par terre,

Il me montra le râtelier de Schopenhauer !

Ce fait n’est pas le fruit de mon imagination.

Vous pouvez me croire.

Le travail de décomposition

Avait desserré les mâchoires

Permettant à l’appareil de s’éjecter

Et de rouler à son chevet. »


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