Cela fais quelques années que je tiens le discours suivant : Linux sera un acteur majeur du desktop (=à l'inverse du serveur, où c'est déjà gagné) quand les applications phares d'Adobe seront portées sur cet OS. Je veux dire, en particulier, les programmes d'excellence que sont Photoshop, Illustrator, InDesign. Et maintenant que depuis quelques années Macromedia = Adobe, on peut faire entrer dans cette catégorie un programme comme Dreamweaver, l'outil de composition web.
Le jour où Linux s'éveillera
Mon argument principal est de dire que les utilisateurs à défaut d'être des geeks, sont souvent des professionnels particulièrement sensibilisés à l'informatique. Un obstacle de moins pour accompagner au changement que représente celui du changement de système d'exploitation courant.
Imaginez, aux utilisateurs virtuoses de ces programmes :- aux adeptes de PC, on apporte la stabilité de l'OS, avec une meilleure gestion de la mémoire, la plus grande légèreté au niveau du matériel requis (je ne connais aujourd'hui aucun graphiste sous PC/Windows Vista) et la stricte rigueur des normes (W3C, fichiers, etc.);
- aux adeptes des MAC, pour lesquels PAO est strictement inséparable de MAC, on apporte les mêmes armes qu'ils connaissent mais sur Linux : celles déjà évoquées ci-dessus, c'est-à-dire stabilité et efficacité. Mais sans avoir à acheter du MAC, matériel indiscociable du logiciel (=tout comme Microsoft Windows) et illogiquement plus cher : en quelques mots, la prise de conscience que NON, MAC n'est pas le sauveur de l'humanité en matière d'informatique. [nb : petite précision utile, pour la PAO aujourd'hui, et pour une utilisation intense, et quand on en a les moyens, un seul choix s'impose... c'est un MAC).
La question est plus de savoir quand Adobe fera le grand saut, car qui dit rentabilité de développements et d'adaptation de produits sous Linux dit aussi nombre de clients potentiel suffisant pour assurer un succès économique. Or, pour l'instant, beaucoup trop peu de clients potentiels sous Linux. Et pas de produits "classiques", donc pas d'utilisateurs. Donc pas de clients potentiels. Etc. ad vitam eternam, l'avenir le dira. Mais c'est une autre question.
J'ai introduit ce petit point parce que si vous suivez la catégorie "les trépidantes aventures du libre", vous savez que la longue marche vers la victoire finale ;-) est ponctuée de virages et de petites révolutions. Or, ces derniers temps, j'en ai noté quelques unes...
Adobe commence à s'investir sous Linux
...c'est presque beaucoup dire, mais quand-même... Sur la page d'Adobe Labs, on apprend que sont désormais disponibles en version alpha (alpha, certes) pour Linux :- AIR (Adobe Integrated Runtime), qui permet de faire fonctionner des applications AIR (un de ces fameux Rich Internet Applications ou RIA). C'est annoncé compatible les grandes distributions Linux actuelles (c'est-à-dire Red Hat, Novell, SuSE et Ubuntu);
- Flex Builder (en version alpha 3, courage !), qui est un plugin d'Eclipse (la plateforme de développement open source, voir ici et voir là), et qui permet on l'aura compris de développer des applications FLEX et AIR sous Linux.
On doit aussi mentionner qu'Adobe a rejoint le 31 mars dernier la Linux Foundation, un consortium faisant la promotion de Linux et en accélérer sa croissance (et donc notez que l'on sait très bien que l'on y va, et que ce qu'on souhaite c'est y aller plus vite !) et de l'usage des standard.
Microsoft fonctionne à 100% sur son inertie
...et depuis quelques jours on lit ici et là que le système d'exploitation Microsoft Windows serait, comme je l'ai lu je ne sais plus où, "has been". J'avais lu la news concernée, et oubliée aussi vite, n'apprenant rien de plus que les critiques habituelles sur l'OS.Le lendemain, j'apprend que c'est le cabinet Gartner, qui est à l'origine de ce terme dont il ne nous a pas habitué. Puis l'info enfin relayée et un peu détaillée par ZDNet puis par 01Net.
En cause, le fait que la sortie de Windows Vista a démontré que l'adoption du nouvel OS de Microsoft n'était plus adopté systématiquement par défaut :
- après son lancement en janvier 2007 (eh oui, déjà plus d'un an), Vista peine à trouver sa place : les entreprises préfèrent utiliser Windows XP...
- ...parce que Windows Vista n'apporte pratiquement pas de nouvelles fonctionnalités, et n'apporte rien de révolutionnaire;
- ...parce que Windows Vista est particulièrement gourmand en ressources système, qu'on est pratiquement obligé de racheter une machine complète et surpuissante pour faire fonctionner l'OS. Alors que la demande aujourd'hui porte sur une machine légère, "low-cost", et écologique comme le démontre l'achat de mon dernier PC mais surtout le succès de l'EEEPC (fonctionnant sous... Linux), pour lequel une version "Windows" a été mise au point. Qui fonctionnera avec... Windows XP bien sûr...
- ...parce que Windows Vista dans son concept de vente est incompréhensible : il existe en je ne sais pas combien de versions (home, pro, basic, gold...);
- ...parce que Windows Vista est (aussi, accessoirement) cher.
Loin aussi les considérations sur les tendances de l'informatique qui veulent qu'on externalise tout ce qu'il est possible d'externaliser : les applications sont maintenant souvent web-isées (ex : outils de travail collaboratif, comptabilité, sauvegardes, bientôt la production documentaire, etc.) et ne nécessitent plus d'ordinateur client lourd comme nous a habitué Microsoft depuis des années.
Aujourd'hui, pour 90% des usages classique d'un ordinateur, un bon ordinateur dispose d'une connexion réseau, d'un écran 17' ou 19', d'une sortie son et d'un navigateur web. Tout le reste est superflu ou relève de nécessités professionnelles. Voir ma réflexion sur ce billet puis sur celui-ci. Et même des tests d'efficacité sur celui-là !
Microsoft doit faire front simultanément à la montée inexorable et annoncée depuis des années du logiciel libre et de ses "dommages colatéraux" (développement et utilisation de plus en plus prégante des standard ouverts, marchés des collectivités en souffrance, retranchement presque obligé dans le secteur de l'innovation, etc.) et à celle des éditeurs concurrents qui jouent sur ce même terrain.