La politique monétaire américaine
Les perspectives d’un environnement économique dynamique outre-Atlantique ont logiquement imposé le changement de cap de la politique monétaire américaine. Non sans conséquence. Annoncé dès le printemps 2013, mis en œuvre avec conviction depuis le mois de décembre dernier, le ralentissement du programme d’achat d’actifs de la Réserve Fédérale a déjà impacté les marchés obligataires souverains. Les taux core ont intégré assez tôt ce resserrement des conditions monétaires, à tel point que le 10 ans américain a subi une tension non négligeable depuis dix mois, évoluant de 1,6 % à près de 2,8 %. Dans son sillage, mais avec il est vrai moins d’amplitude, le taux à 10 ans allemand s’est tendu d’environ 50 pb sur la même période, pour s’établir aujourd’hui autour de 1,7 %.Et ce mouvement est loin d’être terminé. Les prochains trimestres devraient être encore synonymes de hausse soutenue des taux obligataires, avec les risques de déstabilisation que cela comporte. En atteste la rechute récente des marchés boursiers et des devises de certains pays émergents, qui après avoir bénéficié des flux de capitaux étrangers et d’un repli des taux d’intérêt quand la planche à billet américaine tournait à plein régime, subissent les dommages collatéraux du retour à la normale de la politique monétaire de la FED. Pragmatique, la banque centrale n’en modifiera pas pour autant sa ligne directrice – à condition que la croissance économique US conserve le même rythme – qui semble conduire vers l’arrêt total des injections de liquidités dès cette année, ainsi qu’à une hausse de ses taux directeurs en 2015.
Convergence entre les classes d'actifs
Il est intéressant de constater que cette rupture est en train d’être accompagnée par un renversement significatif du comportement de la courbe des taux, qui ne réagit plus de la même façon par rapport au contexte macroéconomique. Historiquement, on observait jusqu’ici une double corrélation qui influençait sensiblement l’orientation des taux obligataires : l’inflation et la croissance économique avaient tendance à soutenir les taux à la hausse, tandis qu’en situation de désinflation et de décroissance, les taux étaient pressurisés par l’effet baissier de la relance monétaire et de l’appétence des investisseurs pour le caractère refuge des emprunts d’Etat. En résumé, la corrélation était négative entre la performance des obligations souveraines et celle des actions, mais positive entre l’orientation des taux d’intérêt et des actions.Aujourd’hui, ce modèle n’existe plus. On assiste au contraire à une forme de convergence entre les classes d’actifs, qui évoluent de manière coordonnée depuis que les banques centrales ont piloté des achats massifs sur toutes les classes d’actifs. Résultat, les taux obligataires ont désormais de fortes chances d’augmenter quel que soit le scénario économique. En cas de retour marqué et durable de la croissance, ce qui n’est pas forcément l’hypothèse la plus convaincante pour la zone euro, les taux core vont continuer d’augmenter. En cas de déflation et de croissance très modeste, ou plus encore, de coup de frein économique, l’importance des dettes déjà accumulées par certains Etats, notamment en Europe, devraient accentuer les difficultés de ces derniers à rembourser leurs créanciers. Dans cette situation aussi, les taux longs des pays core augmenteront.
Une exposition plus forte
Inévitable à moyen terme, la tension des taux d’emprunt core va nécessiter une nouvelle approche pour les investisseurs, tout particulièrement dans le cadre d’allocations d’actifs diversifiées patrimoniales. Si les emprunts d’Etat américain, allemand ou français perdent de leur statut refuge, si les actions et les obligations évoluent en convergence, il sera désormais bien difficile d’amortir les chocs de certains actifs, par une diversification vers d’autres actifs censés être moins exposés !À propos de l'auteur : Xavier Leroy est président de Quilvest Gestion, la société de gestion de Quilvest Wealth Management, dédiée aux investisseurs institutionnels.