Daniel Mesguich à l'honneur ici.

Par Mademoizela
Ceci est ma deuxième participation au challenge d'Eimelle. Pour comprendre le principe du challenge, visitez son blog ici
Pour consulter ma première participation sur Molière, c'est .
Comment commencer? Que faut-il dire sur Daniel Mesguich qui rendrait bien compte de l'admiration que je porte à cet homme -dont j'ai implicitement et virtuellement demandé la main dans l'article sus-lié?
Elégant, charismatique, une voix sensuelle et envoûtante. (Je n'envisage pas d'épouser n'importe qui...)

Pour se délecter une fois encore de sa voix délicate et suave: voici un poème de Baudelaire lu par Mon Chevalier à la légion d'honneur (je lui aurais aussi et surtout donné celle des arts, mais bref la Légion d'honneur lui sied à ravir quand même!):
  https://www.youtube.com/watch?v=fWsm2OQ2RKQ#t=15
J'ai découvert ce metteur en scène grâce à la pièce de théâtre Dom Juan que j'avais étudiée avec mes Premières l'an passé. J'ai trouvé la pièce formidable, originale, bien pensée. Daniel Mesguich est aussi un excellent comédien. Ouah! Et cela a été le début d'une ribambelle d'acquisitions culturelles liées à ce Grand Monsieur.
Bilan des achats sur Amazon:- le DVD de sa pièce de théâtre: Du cristal à la fumée.- le DVD d'un film dans lequel il a joué: La Femme fardée.- un essai sur le théâtre et sa représentation. Aujourd'hui, je me contenterai de parler d'une part de Dom Juan et d'autre part Du cristal à la fumée. 
Dom JuanL'histoire est celle d'un séducteur invétéré, impie, hypocrite, malveillant, en un mot un "diable". C'est un mécréant qui se moque du Ciel, de Dieu, des Enfers auxquels il ne croit nullement. C'est un fils indigne qui méprise l'autorité paternelle, qui défie son Père en permanence, qui lui ment sans vergogne. C'est un amant infidèle, volage qui collectionne les aventures féminines, qui donne plus de valeur à la conquête qu'à la proie. C'est aussi un mauvais maître qui se sert de son fidèle compagnon Sganarelle comme un pion de plus dans son jeu mesquin, il n'hésite pas à le battre, à le terroriser comme il terrorise ce pauvre Monsieur Dimanche. Cet "épouseur du genre humain" défie les hommes, il parjure en clamant haut et fort son impiété. C'est aussi un mécréant cruel qui fait office du Tentateur dans la scène du Pauvre. Il croise un ermite et ne comprend pas qu'il ne soit pas attiré par l'argent. L'homme fait l'aumône et Dom Juan la lui accorde à condition qu'il parjure. Premier échec de Dom Juan dans la pièce: le pauvre religieux résiste à la tentation de ce Dom Juan diabolique.
Dom Juan séduit, il enrôle, il enjôle, il leurre mais aussi et surtout il tyrannise son monde. La vengeance ne tarde pas à arriver grâce à l'intervention de la Statut érigée de l'homme qu'il a tué avant le début de la pièce: la statut du Commandeur. Cette statut s'anime. Sganarelle, le valet loufoque, en informe Dom Juan qui n'y croit pas puisqu'il ne croit en rien jusqu'à ce que le commandeur l'invite à souper. Par défi, il accepte....
Voici l'histoire de Molière.
Ce qu'en a fait Daniel Mesguich est un spectacle de haute voltige.
On a une accumulation de détails qui font sens et qui donnent à l'interprétation une modernité, une atemporalité et une force exceptionnelles. Il y a aussi la fusion de tous les arts scéniques :
- A plusieurs reprises Dom Juan met un gramophone en marche et la musique qui se joue est celle de Don Giovanni de Mozart.
- Dans la scène du Pauvre: chaque geste de l'ermite est effectué selon une "chorégraphie", une gestuelle précise. Le Pauvre apparaît comme un automate "régi" par Dieu. Le seul qui le "coupe dans son élan", c'est Dom Juan. Le duel entre la force du Bien et la force du Mal place l'ermite dans un dilemme: accepter l'aumône et renier Dieu ou bien continuer de servir Dieu et rester pauvre. Parallèlement, on a un Dom Juan prétentieux, sûr de son pouvoir qui se retrouve défié par un "sous-fifre" de ce Dieu auquel il ne croit pas. C'est un double affront pour lui. - Les scènes drôles sont vraiment servies par les comédiens et la mise en scène spectaculaire: lorsque Dom Juan et Sganarelle échangent leurs vêtements, Sganarelle se retrouve déguisé en médecin. Dans la pièce de Mesguich, il est en travesti en infirmière frivole. Il faut dire que Christian Hecq excelle dans ce rôle: il porte la pièce. Dur dur pour les éventuels Sganarelle à venir de lui succéder!
- La scène de la double séduction de Dom Juan avec les deux paysannes Charlotte et Mathurine est incroyable. Changement de décor: on se retrouve dans un ailleurs, un autre temps avec des personnages hauts en couleur comme dans la commedia dell'arte: Pierrot sur sa lune, Charlotte et Mathurine maquillées comme des poupées et qui ne sont que des Colombine, on retrouve Arlequin. Une scène paradisiaque (sauf pour le pauvre pierrot Cocu): une halte dans la pièce avant le pire qui reste à venir. - La scène avec Monsieur Dimanche est la plus poignante. Dans la pièce de Molière, je n'avais pas senti toute son importance alors que dans l'adaptation de Monsieur Mesguich, elle est nécessaire. Monsieur Dimanche a prêté de l'argent à Dom Juan qui s'engage à le lui rendre mais on sait tous qu'il ne rendra rien. Dans la mise en scène de Daniel Mesguich:  Monsieur Dimanche est un juif. La tension dramatique augmente entre les deux personnages: Dom Juan devient cruel, cynique alors que le pauvre Monsieur Dimanche est un homme terrorisé, victime de la machination de Dom Juan. Et qu'entend-on en arrière-plan sonore? La voix d'hitler. Certains crieront au scandale : "Anachronisme!! Mesguich au cachot!!!"  Ce n'est pas tant l'anachronisme qui compte mais la dimension humaine et universelle du personnage de Dom Juan. Il est cruel, il déshumanise l'autre, décrédibilise le pauvre homme, prend possession pour mieux humilier l'usurier et le faire ramper.
La sortie de Monsieur Dimanche fait froid dans le dos et anticipe l'effroi qu'ont pu éprouver des millions de Juifs des siècles plus tard.
Pourquoi voir en Dom Juanun néonazi? Parce que c'est un détracteur du genre humain, parce qu'il démolit ses semblables et quelle a été la  figure contemporaine la plus atroce, la plus furieuse et la plus démoniaque?  Bien sûr qu'on ne dit pas que Molière anticipe le nazisme mais il a mis en lumière une part d'ombre que l'homme a en lui. Mesguich ne met pas en scène une pièce du XVII° dans le contexte classico-baroque. Il réutilise la pièce de Molière en la replaçant dans notre monde contemporain, ce qui inclut de glisser autant références historiques, culturelles, artistiques liées à notre mémoire collective de nous autres vingtièmistes et vingt-et-unièmistes. - Enfin, la Statut du Commandeur de Molière est métamorphosée ici: ce sont trois femmes nues qui font office de statut. Qui est mieux placée que la gent féminine pour rendre justice à ce Libertin de mœurs et d'esprit? Les femmes ont raison de lui dans cette scène érotico-macabre représentée en ombres chinoises.  C'est très sommaire: j'ai vraiment fait cela de mémoire. J'ai oublié de mentionner Done Elvire, la femme-phare du texte qui représente toute la gent féminine. Il y a tant à dire sur le texte et sur la pièce. C'est une adaptation à voir absolument tant elle est riche!
Daniel Mesguich a également mis en scène une pièce de Jacques Attali: Du cristal à la fumée.
C'est une pièce de théâtre, si on veut. Il s'agit de la reconstitution de La nuit de cristal où les nazis se réunissent après de nombreux pillages de boutiques juives pour mettre au point la machination hitlérienne. On voit naître toutes les idées de la solution finale, de la haine raciale, de l'antisémitisme qui sévit et qui grandit. C'est horrible! On s'aperçoit que pour chaque "homme" présent, il s'agit d'un jeu et non d'une réalité.
    "Et si on interdisait aux Juifs l'accès à la piscine"!/ - Non j'ai mieux: si on leur interdisait tout accès dans les lieux publics./ - Et si on s'en débarrassait définitivement.."
On voit que le jeu prend de l'ampleur, et on est impuissant face à ce discours complètement fou. Dans cette pièce, le mot "extermination" est tabou par chaque protagoniste parce qu'ils ne veulent pas tuer les Juifs juste les utiliser et les faire disparaître.
Et dire que tout cela n'a pas été qu'un jeu. Que ce n'est pas une pièce. Tout cela a été réel. Cette réunion des différents nazis: himmler, goering et autres goebels, etc.

On en ressort profondément marqué. Je dis cela alors que je ne l'ai vue qu'en DVD. En réalité, cette sensation doit (a dû) être décuplée.
Il y a aussi un détail de la pièce qui est purement interprétatif de la part du génialissime Metteur en Scène: la scène de goebels jouant avec le globe. Je ne pense pas que goebels a réellement joué avec cette sphère mais il s'agit d'une référence à Chaplin dans Le Dictateur. Quand j'ai vu la pièce, j'ai juste trouvé bizarre cette scène. Et quelques mois plus tard, je tombe sur la scène de Chaplin et là tout s'est mis en place dans ma petite tête.

Voilà, c'en est fini. Je ne sais pas s'il n'y a plus rien à dire ou s'il y a tant à dire que les mots ne suffisent pas. C'est une pièce à voir également.
Dans cette même pièce, le personnage de goebels susmentionné est joué par un comédien charismatique et sensationnel. Xavier Gallais.
Comme pour Daniel Mesguich, la groupie qui sommeille en moi est partie en quête des pièces ou films dans lesquels ils figuraient. J'ai donc acquis un film: Bienvenue parmi nous (s'il apparaît 3minutes, c'est un grand maximum; mais il joue tellement bien qu'il prend une grande place. Quel talent!) Si Daniel Mesguich  m'éconduit, cher Xavier Gallais, sache que tu pourras le remplacer au pied levé.
Trêve de plaisanterie, Xavier Gallais a aussi joué dans une pièce qui s'appelle Les Grecs. Pour une grande fan de mythologie Grecque (et de Xavier Gallais), je me suis régalée.
Les Grecs dans mon prochain billet pour ce challenge!