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Drôle de toux !!

Publié le 12 mars 2014 par Dubruel

LA TOUX (d'après Maupassant)

Mon cher Onésime,

Je suis impuissant à trouver comme vous

De délicats synonymes

Pour parler de la toux.

J’ai besoin de périphrases.

Néanmoins, je me lance avec audace :

Une de mes cousines dormait

Auprès d’un homme enflammé.

Elle le connaissait peu

Ou plutôt depuis peu.

Avec un vieil ami, on ne se gêne pas.

On peut se retourner,

Lancer des coups de pied,

Occuper les trois quarts du matelas,

Ronfler, grogner, tousser,

( Je dis tousser ; transposez ! )

Ou éternuer.

( Que pensez-vous du synonyme éternuer ? )

Mais quand il s’agit d’une nouvelle relation,

Il faut faire un peu attention

Pour ne point incommoder son voisin de lit

Et maintenir…une certaine poésie.

( Je n’ai pas, Onésime, votre manière

Pour traiter …cette matière )

L’indisposition de ma cousine débuta

Dans le creux de son estomac

Par un discret bruit intérieur

Puis descendit vers les gorges inférieures.

Elle voulut prendre des précautions

Elle regarda son voisin avec circonspection.

Il dormait. Elle tenta d’expectorer

Mais la démangeaison étant trop forte.

Elle se mit à tousser.

Elle tenta avec sa bouche ( la véritable ),

De produire un bruit semblable

Pour…dérouter une éventuelle supposition

De son compagnon.

Elle se retourna, s’agita,

Le poussa. Il ne remuait pas.

Alors, elle chanta une chanson.

L’homme ne bougeait toujours pas.

Elle l’appela : -« Fortunat…»

Il lui dit :

-« Que veux-tu, chérie ? »

Elle demanda :

-« Tu ne dors pas ?

Tu n’as rien entendu ? » –« Non. »

-« Il m’a semblé qu’on marchait dans le salon. »

-« Ah ! Oui, j’ai entendu…On a toussé ! »

-« Où ça ? Qui est-ce qui a toussé ?

Tu es fou. Réponds donc…»

-« Est-ce bientôt fini cette scie, voyons !

Tu sais bien que c’est toi. »

Elle s’indigna, hurlant : -« Moi ?

Moi,…J’ai toussé ?

Ah ! Tu veux m’insulter.

Je n’ai jamais été traitée ainsi ! »

L’amant, voulant avoir la paix, reprit :

-« C’est moi qui ai toussé. »

-« Comment ? Vous,… à mes côtés ?…

Vous avez osé tousser…

Pendant que je dormais…

Et vous croyez que je vais rester avec vous

Si vous toussez toujours ainsi près de moi ? »

Furieuse, elle voulut se lever.

Il la retint par les pieds

Et lui dit :

-« Tu as toussé, voyons ! C’est toi !

Mais moi, je ne me plains pas.

Je ne me fâche pas. »

Alors Fortunat se dressa

Et…toussa

Par quintes, par roulements,

Avec des silences, des ralentissements,

Des reprises, des accélérations, avec brio,

Pétulance et soubresauts.

À la fin, il demanda : -« En as-tu assez ? »

Et il recommençait

Avec vivacité,

Impétuosité.

Elle se mit à rire comme une folle :

-« Ah ! Qu’il est drôle ! »

Elle le saisit dans ses bras :

-« Je t’aime, mon chat ! »

Mon cher Onésime,

Fi des synonymes !

Pardonnez mon incursion

Dans votre domaine de prédilection

Où je n’ai pas vos compétences

Ni même vos succulences

Mais je n’ai pu résister

Au désir d’empiéter

Sur votre fond de placement.

Merci de m’avoir ouvert la voie, céans.


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