Il est des vignobles dont l'accès n'est pas si facile, en termes de temps. Depuis des années, j'attendais bêtement l'occasion de visiter les Abruzzes du vin, particulièrement la propriété de la famille Valentini qui produit 3 crus :
- le Trebbiano d'Abruzzo (blanc) - un cépage proche cousin de l'ugni
- le Cerasuolo - un rosé qui n'en est pas et rouge encore moins. Plus proche d'un Vosne sous cet angle
- le Montepulciano d'Abruzzo, un rouge difficile et donc produit seulement dans les années plus que bonnes.
La fière commune de Loreto Aprutino. Entre le Château (actuellement un Hôtel) et la demeure saumon, la vaste demeure de la famille Valentini. Pourquoi cet intérêt si particulier pour cette propriété ? Dans les années 80, du temps des grandes heures, avec Hervé Bizeul, nous avions organisé le lancement du WHO'S WHO du vin au Taillevent que Jean-Claude Vrinat avait mis à notre disposition dans un moment de grand égarement. L'idée était de faire venir 12 grands chefs et placer chacun avec les mets qu'il avait préparés dans un "corner" du restaurant en y associant 3 vignerons de référence sans oublier qu'on ne fait pas du vin qu'en France. Ainsi, avec Mouton-Rothschild et Opus One, on avait placé Luciano Sandrone : vous voyez le paysage ! J'avais donc téléphoné à Luigi Veronelli, un homme qui a tant fait pour les grands vins transalpins et pour un blanc italien, il m'avait immédiatement cité le Trebbiano d'Abruzzo des Valentini. Je ne vous raconte pas à quel point le Père de Francesco, maintenant décédé, m'avait expliqué ses vins, comment il fallait les servir, les déguster et tutti quanti. Plus d'une heure au téléphone ! Cette soirée au Taillevent avait eu un succès fou et Marc Haeberlin a été dévalisé en 5-7, en quasi panique. Heureusement que le grand Guillou, un breton installé à Luxembourg, easy **, a pris en mains les cuisines de Vrinat pour pouvoir assurer une belle continuité dans cette soirée où tout fut séché fissa : mets et vins ! Ma mémoire défaille : peut-être qu'Hervé nous donnera les noms des autres chefs qui étaient là. Senderens, Haeberlin, Guillou, Dutournier (?) …Bref : me voilà donc hier à Loreto Aprutino chez Francesco Valentini qui se définit comme "agriculteur - artisan", et avouant encore plus de passion pour l'huile d'olive et le grano, ce blé qui permet à ses amis Verrigni de produire des pâtes de référence qu'on trouvera très vite à la Grande Epicerie et dans les restaurants de Robuchon. La famille Valentini est d'origine espagnole, et l'ancêtre est venu en Italie pour être le précepteur de Lucrèce Borgia !!! Bon, avec les campagnes napoléoniennes, un peu de sang français est venu harmonieusement donner une nouvelle dimension sympathique à cette famille installée donc dans ces collines des Abruzzes depuis ces temps immémoriaux. Enzo Vizzari et Francesco Valentini La Famille possède une chronologie unique de documents traitant de ses activités Déjà le coût des traitements ! Le 1977 servi en apéritif : une jeunesse confondante. On notera : 12° seulement. Etat du bouchon de cette bouteille plus de 35 ans ! On peut s'étonner de faire tant de salamalek pour un vin qui est à base d'un cousin du très commun ugni blanc. Et bien, il faut simplement dire qu'ici, ce cépage a pris une dimension singulière dans le contexte climatique, dans le terroir de ces collines des Abruzzes. Toutes proportions gardées, un peu comme le pinot noir qui a en Bourgogne une dimension qu'il n'a simplement pas ailleurs. Chez les Valentini, la malo se fait en bouteille ! Je ne suis pas expert pour vous dire les avantages et inconvénients de cette méthode qui me paraît risquée, mais toujours est-il que c'est systématique chez eux, de même qu'il est évident de ne sortir un Montepulciano rouge que dans les années où ce cépage est à la hauteur des exigences qualitatives de Francesco. Quelques autres singularités du domaine : plus de 200 hectares, mais seulement autour de 70 en vignes, et culture en pergola.95 % des ventes en Italie, donc un vin pratiquement inconnu ailleurs. Autour de 35.000 bouteilles en blanc. Prix de sortie : autour de € 40 pour le Trebbiano et € 60 pour le Montepulciano. Le Cerasuolo mérite d'être mieux connu tant il étonne par sa plénitude.Depuis 100 ans, impressionnant de voir le graphique montrant la date du début des vendanges : une chute quasi vertigineuse ! Le fiston doit me l'envoyer et donc je le rajouterai ici. Depuis 100 ans, quand la grêle ne se présentait qu'une fois par décennie en moyenne, en ce moment, c'est une fois par an ! Bref : ici on n'a pas besoin de scientifiques diplômés pour reconnaître que le climat change, et pas qu'un peu ! A l'entrée du restaurant La Bandiera (*) totalement perdu en pleine campagne
Le fiston, Madame Valentini, Francesco, io, le fiston Simone Vizzari, Enzo et Madame Verrigni qui produit ces pâtes de référence ! L'étiquette des vins est une copie d'un EX-LIBRIS.Le "Vin Santo" 1954 est une expérience unique du Domaine. Entre les "vin santo" toscans et l'aleatico de l'Île d'Elbe. Le chef et son fiston : une très belle maison "La Bandiera", avec trois chambres… On ne dira pas que l'Europe fourmille de domaines dans ce style, avec des familles discrètes travaillant avant tout la qualité avant le compte en banque, mais ici on a un exemple de référence. Je rêve du prochain dîner de gala à Villa d'Este où ces vins seraient servis sur la pasta Verrigni. Mais faire bouger une telle famille… c'est comme demander à Alain Vauthier d'aller de St-Emilion à Bordeaux… Bon, les choses changent, j'exagère, j'exagère… En tout cas, promesse faite devant notre tablée qu'il viendra à Paris, un peu son voyage de noces toujours reporté vu les exigences imprescriptibles de l'agriculture érigée en art sans concession ! On vous dira tout…