Difficile de rester objectif quand il s’agit de parler de HTRK. Le groupe a su conquérir le cœur de la rédaction, que ce soit grâce à Marry Me Tonight, condensé d’énergie punk catalysé dans un alliage de sonorités noisy et électro, ou Work (Work Work) entrelacs d’atmosphères putrides suintant le sexe et le sang. Ce dernier, marqué par la disparition tragique du membre fondateur Sean Stewart, sonnait comme un cri sourd, une envie de se perdre avec déliquescence, étreignant la mort avec lascivité. Il se dégageait de l ‘album un climat humide (l’eau et le sexe étant étroitement lié dans l’imaginaire collectif), oppressant, voire suffocant, donnant une teinte particulière à ce qui reste à ce jour le meilleur album du duo australien. Dans ces conditions, pas évident pondre un successeur à ce chef-d’œuvre tant celui-ci bouleversait l’auditeur de ses thématiques dérangeantes et de sa trame rythmique poisseuse. Et si Psychic 9-5 Club semble s’inscrire dans une certaine continuité, il a bien du mal à égaler la performance extrême de son aîné.
Pourtant dès l’ouverture, on ressent bien la patte des Australiens : dub viscéral, mélodies en downtempo et surtout le timbre de voix lancinant de Jonine Standish reconnaissable entre tous. Mais quelque chose manque indubitablement. Bien que troublant, Give It Up n’atteint jamais la portée émotionnelle de Bendin ou Eat Yr Heart. L’absence de cette rage renfrognée autrefois illustrée par la présence de sonorités vrillées ou de relans acides clairsemant des mélodies d’une profonde noirceur fait défaut à ce qui nous apparaît trop souvent comme un chapelet de morceaux plats, presque sans âme (Blue Sunshine, Soul Sleep…). Et pourtant, c’est peut-être là où réside le charme de ce Psychic 9-5 Club qui chante l’amour de façon désincarnée, enroulé dans son voile funeste. Ici l’amour est aussi omniprésent que lointain, comme un vague souvenir qui s’efface avec le temps ou comme un acte sans émotion, contact de chairs mortes et de sentiments évaporés (Love Is Distraction). Pourtant, on ressent parfois un véritable appétit d’être consumé, de sentir ses entrailles vibrer intensément une dernière fois (Wet Dream) avant de sombrer une nouvelle fois dans la désillusion. Et si Work nous apparaissait comme l’entreprise d’exploration de profonds traumas afin de compenser (comprendre) une disparition, Psychic 9-5 Club est marqué par le deuil, instant fragile ou la vie reprend ses droits mais nous laissant souvent seul face à notre solitude.
Face à la lourdeur et la noirceur assumée de Work, ce nouvel opus s’imprègne de teintes plus grisâtres, laissant l’auditeur partagé entre espoir et mélancolie. On pourrait presque appeler cela le syndrome post-Mezzanine tant l’album renvoi au 100th Window de Massive Attack. Alors entre semi-déception et admiration sans faille, difficile de se faire un avis précis sur ce qui reste le disque le plus accessible d’HTRK à ce jour. N’en demeure pas moins que Psychic 9-5 Club devrait diviser leurs fans de la première heure, pour le meilleur comme pour le pire.