Tout allait rondement pour Pauline Marois. La première ministre du Québec menait sa campagne électorale selon les stratégies de ses faiseurs d’images, sans anicroche. Ses bordées (tacks) étaient parfaites, pleines voiles dehors. Elle ne voulait pas parler de référendum car elle savait que c’est le talon d’Achille du Parti Québécois dans l’élection générale en cours au Québec. Un sondage tout récent indique, encore une fois, que 61 % des Québécois rejettent la proposition que le Québec se sépare du Canada. Il y a eu deux référendums à ce jour et le NON l’a emporté chaque fois. Assez de perte de temps! Assez, c’est assez !
Pauline Marois sait ce que pensent les Québécois et même si la séparation est la raison d’être du Parti Québécois, elle veut surtout se maintenir au pouvoir au lieu de risquer de retourner dans l’opposition et de subir le rejet de son leadership par les membres du parti. Le pouvoir est plus alléchant et important et c’est la raison pour laquelle elle avait mis stratégiquement de côté la question d’un nouveau référendum. Et pour s’en sortir et réassurer les Québécois, pour ou contre, elle joua le jeu du chat et de la souris, « il y aura peut-être un référendum, il n’y en aura peut-être pas. Nous allons créer une commission d’enquête, et nous verrons… ». Ça semblait suffisant pour calmer les esprits…
Mais soudain, Marois décide d’annoncer fièrement la candidature de l’homme d’affaires Pierre-Karl Péladeau dans le comté de St-Jérôme. Propriétaire de médias intégrés (télévision, journaux, internet), homme de succès, très riche, c’est une grosse capture et Marois, avec raison, avait hâte de l’annoncer. Malheureusement, elle et ses conseillers semblent avoir minimisé l’impact qu’auraient PKP et le contenu de son discours. Il veut que le Québec soit un pays. Il est pressé. Il veut le plus vite possible un autre référendum et veut être le négociateur pour le Québec auprès du Canada pour régler les accords de la séparation. D’un coup, subitement, la stratégie électorale de Marois de camouflage de la question référendaire s’écroula. Le référendum devenait le sujet principal du débat électoral et cela confirmait ce que disait, depuis le début, le chef libéral Philippe Couillard. Les journalistes entourèrent PKP, il devenait l'élément nouvelle, l’homme de la situation, l’homme adulé, celui qui comblait les journalistes avec des nouvelles percutantes qui faisaient valoir un différend entre lui et sa chef. Marois disparut subitement des radars. Toutes ses sorties électorales de la journée et depuis ne furent pas rapportées par les médias, seuls comptaient la nouvelle vedette, le séparatiste PKP et la question d’un nouveau référendum.
Qu’arrivera-t-il de tout cela ? Il me semble clair que la tenue d’un nouveau référendum est l’enjeu principal de l’élection et, à mon avis, doit l’être car une victoire majoritaire péquiste sèmera à nouveau la zizanie entre nous et nous lancera tête première dans une nouvelle confrontation avec Ottawa, contrairement à ce que désire une très grande majorité de Québécois. Philippe Couillard doit démontrer ses qualités de chef et prendre le « lead » dans ce débat. C’était son argument principal depuis le début de la campagne, mais peu de personnes ne l’écoutaient. Maintenant que Péladeau a confirmé ce qu’il avançait, il doit y aller visière levée et profiter de l’occasion pour faire valoir ses politiques. C’est la voie à une victoire libérale, ou à un gouvernement péquiste minoritaire qui ne pourra ainsi tenir un référendum et approuver la charte inutile des « valeurs québécoises » qu’il propose et qui divise profondément le peuple québécois.
Merci PKP d’avoir permis que le vrai enjeu de l’élection du 7 avril devienne clair pour l’ensemble des Québécois.
Claude Dupras