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Hubble a observé la lente désintégration de l’astéroïde P/2013 R3.
Traquant les astéroïdes et comètes en circulation dans notre système solaire, les programmes Catalina Sky Survey et Pan-STARRS ont épinglé le 15 septembre 2013 un petit corps céleste d’allure inhabituelle. Nommé P/2013 R3, il fut débusqué dans le large domaine de la ceinture d’astéroïdes, sur son orbite qui le sépare en moyenne de 480 millions de kilomètres de notre étoile. Identifié comme un astéroïde de type carboné (type C), comme nombre de ses semblables dans cette région, sa masse est estimée à quelque 200 000 tonnes. Apparaissant flou, son comportement puis la fragmentation observée au cours des semaines qui ont suivi sa découverte ont attiré l’attention des chercheurs spécialisés.
Apparence trompeuse
Moins de deux semaines après la première observation, une équipe scientifique emmenée par David Jewitt (UCLA) obtenait des images avec l’un des télescopes géants (10 m de diamètre) de l’Observatoire Keck à Hawaï. A leur grande surprise, le corps céleste nimbé d’un halo de poussières aussi grand que la Terre — rappelant en cela l’atmosphère ou coma des comètes —, apparaissait cette fois fragmenté en trois gros morceaux. « Keck nous a montré que cette chose serait intéressante à regarder avec Hubble » raconte le professeur. Et en effet, dès le 29 octobre, l’acuité visuelle du télescope spatial leur a permis de distinguer pas moins de 10 fragments prolongés chacun par une longue queue de poussière. La taille des quatre plus gros atteignait approximativement 180 mètres de longueur.
Un astéroïde sous influence
Depuis le début de l’année 2013, l’astéroïde poursuit lentement mais sûrement sa désagrégation. Se dispersant à une vitesse moyenne de 1,6 km/h (soit une vitesse inférieure à celle d’un marcheur), les morceaux apparaissent de plus en plus nombreux sur les dernières images collectées.
Pour expliquer la fragmentation de P/2013 R3, les astronomes exclut l’hypothèse d’une collision avec un autre astéroïde. Soudaines et brutales, celles-ci ont des conséquences visibles sur la vélocité. Évoluant dans un milieu froid, bien au-delà de la limite de glace, les scientifiques ont également abandonné l’idée d’une sublimation de l’eau gelée qu’il pouvait contenir.
In fine, l’enquête privilégie davantage un certain « effet YORP » comme principal responsable de la rupture de la cohésion du corps cosmique âgé de plusieurs milliards d’années. Un processus qui rappellera aux lecteurs le cas de P/2013 P5, un étrange astéroïde à six queues de poussières également étudié avec Hubble à la demande de David Jewitt, peu de temps après sa découverte le 27 août 2013. La pression du rayonnement solaire, aussi faible soit-elle, aurait dans les deux cas, modifié leurs destins en augmentant progressivement leurs vitesses de rotation. Parce que la structure interne de P/2013 R3 était trop lâche pour résister à la force centrifuge, celui-ci est en plein éparpillement… Il s’agit d’une rare démonstration observée directement de l’effet YORP.
Expulsés, les débris sont désormais voués à l’errance. Gageons que certains iront s’abimer dans le Soleil tandis que d’autres pourraient, un jour, s’échouer à la surface de la Terre ou d’une autre planète.