Magazine Culture

La terre est bleue comme une patate douce

Par Absolut'lit @absolute_lit

shuang.jpg

« Je lui ai fait découvrir le désir. L'étrange goût du désir. Le désir d'aimer. Le désir d'apprendre. D'apprendre à aimer. Le désir d'amour. Le désir, tout court. Toutes les formes du désir. Le désir d'apprendre ; Le désir de comprendre. Le désir d'être. Le désir de vivre. Intensément. Le désir de l'absolu. »

« Elle m'a fait découvrir le plus beau de tous les désirs. Le désir du désir. »


Il y a Conf', Faguo Laoshi, professeur de français à Chendung, consumé de tant de consumérisme, d'un amour grivois grisonnant en silence, amour sublimé en vers à soi, à soie. Elle rêve de satin, il pense à son teint de lune, au goût sucré et suave de patate douce, fruit défendu par un drapeau complètement marteau et pas encore fossilisé.
Conf', interdit devant tant d'interdits , lui qui vient d'un pays où depuis plus de quarante ans (sûrement ceux qui les ont séparés) « il est interdit d'interdire ».
Conf', indigné de cette dignité controversée qui passe et regarde passer sous silence les pires atrocités, qui s'interdit de s'interroger sur un prix Nobel de la Paix emprisonné, qui n'ose remettre en cause le bien-fondé de la Révolution culturelle, au cours de laquelle un Petit Cahier Bleu souffre d'un Petit Livre Rouge.
Et Shuang, la « romantérialiste » : « le jour où tu auras des jeans Rimbaud, un sac Verlaine, du vernis Maupassant et des chaussures Socrate, et que tout ça m'aille et me plaise, je dirai oui à tes marques. », aussi paradoxale que le pays qui l'a vue naître, qui l'a vue n'être, qui la voit Avoir, qui veut l'Avoir, veut son aura, et l'aura. Chine qui veut la voir consommer, la consommera, à son tour. Shuang, « jolie lueur d'espoir. Au cœur du pays du capitalisme rouge, au cœur de l'empire de l'Avoir, beau rêve d'Être.»
Conf' la met en garde :« Aujourd'hui la Chine fait la pute et le mac, le macro, le proxo, le proxénète, c'est son gouvernement. La Chine se vautre dans le lit du libéralisme mondial. Elle vend son corps et son âme pour de l'argent. » mais elle s'en fout, tout en étant choquée. Le garde à vous, c'est du passé. Lui, risque la garde à vue.
Il y a aussi la Chine communiste communiant avec le capitalisme à coups de cérémonies du Coca et de mets raffinés du KFC, où Lénine se tape l'affiche, publicitaire.
Confucius aurait mieux fait de se lancer dans la pub, lui aussi, et adapter ses Analectes en slogans publicitaires, la jeunesse actuelle s'en porterait peut-être mieux. Il aurait pu faire des débats télévisés avec Socrate. A la place il préfère aller en virée avec Conf', boire du saké et chanter K-Oké.
Simple : c'est la Contemplation qui tente de raisonner la Consommation. À quelques lettres près. A quarante années près, leurs idées auraient pu se rejoindre, leurs idéaux se ressembler, se rassembler.
C'est une tentation de détournement d'âme en la mineur sans succès, tentative de love story cantonnée aux pieds de Confucius, confessionnal au grand air de péchés jamais consommés.
C'est l'histoire d'un Sage au pays d'un Fou qui hante le ciel de Chine dans son voile épais et gris, et pollue encore bon nombre d'esprits.
Un mélange réussi d'assonances, d'allitérations, de paradoxes et de ressemblances. Où l'on découvre que vingt-cinq siècles sont plus jeunes que quarante ans.
Une histoire d'amour, comme toujours, bien souvent. Un homme au couchant de sa vie, dans un pays pas très loin du soleil levant.

Bref, c'est un roman.

Note : au moins autant que tes 20 ans mes 60


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Absolut'lit 804 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines