A une époque où les séries prolifèrent autant sur le petit écran que les « selfies » inondent les réseaux sociaux, difficile pour le spectateur avide de nouveautés de s’y retrouver. Pourtant, au milieu de cette pléthore de productions haut de gamme que ne cesse de nous proposer des chaînes américaines telles que HBO ou AMC, l’une d’entre elles a réussi à se démarquer. Attendue et épiée en ce début d’année, True Detective a tenu ses promesses depuis le début de sa diffusion le 12 janvier dernier sur HBO.
Preuve en est, la chaîne câblée payante a dû lutter bec et ongles – face aux autres diffuseurs - pour s’attribuer la retransmission de cette série policière écrite par Nic Pizzolatto et réalisée par Cary Fukunaga.
Là où réside le véritable tour de force du romancier néo-orléanais Nic Pizzolatto, Prix du Premier Roman étranger de l’Académie Française en 2011 avec Galveston (Belfond), c’est dans cette capacité d’élever un polar au rang d’OVNI artistique, aussi ambitieux qu’intriguant. Une prouesse qui résulte d’un casting, d’un scénario et d’une ambiance à faire de l’ombre au 7ème art.
L’ambiance justement. True Detective s’inscrit dans la lignée royale des séries qui ont fait le bonheur de HBO. Tout comme The Wire, il y a quelques années ou Game Of Thrones plus récemment, le ton est donné d’entrée. Le générique interpelle, captive. Au gré des épisodes, on y cherche même des indices potentiels en se laissant bercer par cette lugubre musique country. A lui seul, c’est un véritable bijou.
La spécificité de True Detective est que son intrigue est à l’image de sa toile de fond, la Louisiane : pesante, profonde, sombre… C’est dans cette moiteur du Sud des Etats-Unis, donc que l’on retrouve deux détectives, Rust Cohle (Matthew McConaughey) et Martin Hart (Woody Harrelson), chargés d’enquêter sur la mort d’une prostituée, probablement victime d’un serial killer. A première vue, le scénario n’a rien de bien original. A première vue seulement.
Car la force de ce polar/thriller réside dans sa narration. Dans sa double narration pour être plus précis. L’intrigue se noue minutieusement – et ce dès le pilote – entre deux chronologies bien distinctes. En 1995, date de l’enquête sur le meurtre de la prostituée et en 2012, qui nous amène à l’interrogatoire par la police des deux associés, Rust Cohle et Martin Hart, à propos de cette même affaire qui a eu lieu dix sept-ans auparavant. Ces voyages temporels entre présent et passé apportent une richesse et une complexité aussi déroutante que jouissive tant à l’intrigue policière qu’aux deux personnages principaux.
Matthew McConaughey, au sommet de son art
S’il bouscule – à juste titre – quelques codes établis, True Detective est loin d’avoir révolutionné son genre. Le scénario, aussi excellent soit-il, est avant tout sublimé par ses deux héros. Deux personnages profonds, complexes, incarnés à merveille par les deux acteurs principaux. Woody Harrelson est bluffant de maîtrise dans son rôle de flic modèle, à priori bon père de famille, mais ô combien tourmenté.
Et que dire de Matthew McConaughey. Ce dernier est sur un nuage depuis deux ans. Si pour les cinéphiles de la première heure, sa consécration actuelle n’est autre qu’une juste récompense, il n’en est pas de même pour tout le monde. Souvent raillé dans le passé, l’acteur américain a prouvé depuis son rôle dans Mud, qu’il pouvait avoir une vraie dimension dramatique. Après ses collaborations avec Steven Soderbergh (Magic Mike), William Friedkin (Killer Joe) ou encore Martin Scorsese (Le loup de Wall Street), Mattew McConaughey vient tout juste d’être distingué par l’Oscar du meilleur acteur pour sa sublime prestation dans Dallas Buyers Club. Un opprobre, selon les dires des plus fervents défenseurs du non moins talentueux Leonardo Di Caprio. Mais dans son costume de Rust Cohle, McConaughey ne laisse place à aucun débat. Il est hors-norme, envoûtant, comme possédé. On s’attache très vite à ce policier sombre, énigmatique. Mais paradoxalement, c’est de sa noirceur que surgit sa beauté.
Si de nombreux sériephiles se sentent orphelins depuis la fin de Breaking Bad, ils pourraient trouver un certain réconfort grâce à True Detective. Le nouveau petit bijou de HBO est assurément dans l’air du temps. Un temps – une époque même – où la télévision, par l’intermédiaire des séries, cristallise de plus en plus l’attention des spectateurs. Elle va même jusqu’à confisquer au cinéma, ses codes, ses acteurs, son budget.
Avec son intrigue soignée, et diablement efficace, renforcée par une ambiance prenante et des personnages déroutants, True Detective est la série policière de cette année. A vous de mener votre propre enquête désormais.