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BROADCHURCH – Saison 1

Publié le 11 mars 2014 par Onrembobine @OnRembobinefr

[Critique série] BROADCHURCH – Saison 1

Titre original : Broadchurch

Note:

★
★
★
★
½

Origine : Angleterre
Créateur : Chris Chibnall
Réalisateurs : James Strong, Euros Lyn
Distribution : David Tennant, Olivia Colman, Andrew Buchan, Jodie Whittaker, Pauline Quirke, Arthur Darvill, Jonathan Bailey, Vicky McClure, Susan Brown, Charlotte Beaumont, Simone McAullay, Matthew Gravelle, Joe Sims, Oskar McNamara…
Genre : Thriller/Policier/Drame
Diffusion en France : France 2
Nombre d’épisodes : 8

Le Pitch :
Le corps sans vie d’un enfant est retrouvé sur la plage de Broadchurch, une petite ville du comté de Dorset. Immédiatement, l’inspecteur Alec Hardy est dépêché sur les lieux pour prendre en charge l’enquête. Il prend ainsi le poste du lieutenant Ellie Miller, qui accepte bon grès mal grès de collaborer avec cet homme impassible au passé trouble. Ensemble, ils vont tenter de percer à jour l’identité de l’assassin, non sans bouleverser la vie de cette bourgade jusqu’alors plutôt paisible…

La Critique :
Quand on parle de séries britanniques, le nom de Chris Chibnall est incontournable. Peut-être pas autant que celui de Steven Moffat, mais cela ne saurait tarder, vu le succès retentissant de Broadchurch, la dernière création en date de Chibnall, qui a su réunir le public et les critiques au sein d’un même élan enthousiaste, aussi spectaculaire que soudain.
Chris Chibnall dont la trajectoire rejoint d’ailleurs celle de Moffat, vu que les deux hommes ont bossé sur Doctor Who, à savoir LA série britannique. Chibnall qui reste également l’un des principaux scénaristes de Torchwood, le spin-of de Doctor Who et par ailleurs du show policier Londres, police judiciaire.
Avec Broadchurch, Chibnall est donc sorti de l’ombre du Docteur, s’émancipant via une création ambitieuse, portée par une volonté noble et par un cahier des charges exigeant. Aujourd’hui, alors que le monde -et notamment la France, via la chaîne pour une fois clairvoyante France 2- a découvert la première saison de Broadchurch, les choses s’affolent. Une version américaine, chapeautée par la Fox est en chantier. David Tennant reprendra son rôle, tandis qu’Anna Gunn, alias Skylar White dans Breaking Bad, se chargera d’incarner le personnage d’Olivia Colman. La France aussi prévoit une adaptation à sa sauce, tandis qu’une saison 2 a d’ores et déjà été commandée en Grande-Bretagne. Broadchurch est sur toutes les lèvres. Plus de 6 millions de téléspectateurs ont vibré au rythme de cette enquête tortueuse visant à démasquer l’assassin du jeune Danny Latimer, laissant la star de TF1, Joséphine Ange Gardien sur le carreau. Un succès incontestable qui a rappelé au monde à quel point la Perfide Albion demeure un formidable vivier de talents -à la télé ou au cinéma- et peut sans problème rivaliser avec les productions yankees qui squattent toute l’année les grilles de programmation.

On a souvent comparé Broadchurch à Twin Peaks, la série de David Lynch. Une comparaison dans un premier temps légitime vu les nombreux points communs que partagent les deux shows, notamment au niveau de leur postulat de départ. Alors que Twin Peaks débute par la découverte du cadavre d’une jeune fille, Broadchurch commence par la mort d’un gamin. De plus, dans les deux cas, l’action prend pied dans une petite communauté qui verra ses secrets révélés au fil de l’enquête.
Cependant, Chibnall n’est pas Lynch et inversement. Twin Peaks porte la marque de son créateur. Même chose pour Broadchurch et son ambiance si particulière. Particulière au point de permettre à la série de se démarquer considérablement et rapidement.
Il y a tout d’abord cette patte, so british, qui nous rappelle en permanence que l’on n’est pas devant une production américaine. Très immersive, l’ambiance se rapproche par certains côtés de celle des écrits d’Agatha Christie. La tonalité, très feutrée et jamais dans l’excès, sert d’écrin à une intrigue à tiroirs relativement classique mais remarquablement racontée. Ce qui nous amène à l’autre caractéristique primordiale de la série, à savoir son caractère posé. À l’inverse des Experts ou de NCIS, Broadchurch ne cherche pas l’esbroufe ou le rebondissement ultra spectaculaire. Elle préfère entretenir une tension croissante sans tomber dans les clichés trop bling-bling dans lesquels beaucoup de séries policières se vautrent. Installer un cadre, s’intéresser aux personnages, ne rien survoler, ne rien s’interdire, Broadchurch ne caresse pas son public dans le sens du poil. Ce même public qui a, de par son plébiscite massif, prouvé qu’il était demandeur de ce genre de récits où drame et suspense se côtoient dans la plus parfaite harmonie.

Le duo qui porte Broadchurch est aussi pour beaucoup dans la réussite de la série. Tandem classique car mettant côte à côte deux personnalités radicalement opposées (voir les codes du buddy movie), la série, là encore, surprend par sa faculté à sortir des chemins balisés pour nourrir sa propre identité. David Tennant, certainement le plus célèbre des comédiens ayant incarné le Docteur dans Doctor Who, apparaît usé, à mille lieux de l’image que la série fantastique a contribué à forger. Usé, maladif, mais aussi tenace et perspicace, il est la pièce rapportée. Lui qui mène son enquête auprès de gens qu’il ne connait pas. Lui qui opère froidement, en considérant tous les habitants de cette petit ville côtière comme des suspects potentiels. En face, Olivia Colman, vue notamment dans Hot Fuzz, d’Edgar Wright, s’avère tout aussi fantastique dans sa capacité à tordre le cou aux idées reçues véhiculées depuis des décennies par les films et autres séries policières. Son personnage est flic, mais c’est aussi et surtout une mère au foyer aimante et soucieuse. Elle fait de plus partie intégrante de cette communauté qui semble avoir tant à cacher.
Un duo efficace, original, tout à fait dans le ton de l’ensemble, superbement entouré par une distribution aux petits oignons, où l’on peut croiser quelques têtes connues, à l’image de David Bradley, populaire auprès des fans de Game of Thrones pour sa composition crépusculaire sans pitié en Walder Frey.

Minutieusement mis en scène, Broadchurch conserve une personnalité forte qui en fait une série unique. Unique même si au fond, son histoire ne l’est pas. C’est dans son traitement et dans sa façon de ménager ses effets que cette saga se détache de la masse. Dans son désir de laisser poindre une émotion qui explose lors de l’acte final aussi, nous faisant alors réaliser à quel point l’empathie pour les personnages s’est installée au fil des épisodes. Difficile de résister à ce dénouement qui s’avère non seulement déchirant mais aussi surprenant, sans chercher le retournement de situation (le fameux twist) cher à un certain cinéma hollywoodien.
Coup de maître, sans aucun temps mort, Broadchurch se pose comme une réussite totale. Voici une série difficile, déchirante et passionnante. Une série qui ne cherche pas l’affection de son public pour mieux fédérer. Un spectacle soigné, jouissant d’une photographie superbe et d’un cadre qui l’est tout autant, garantissant alors son lot d’émotions mêlées.

@ Gilles Rolland

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