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Les soirées Salle Pleyel se suivent et ne se ressemblent pas. Hier, la salle de la rue du Faubourg Saint-Honoré a vibré au son du piano d’Elena Bashkirova. Vous ne la connaissez pas ? On fait les présentations. Elena Bashkirova est une pianiste d’origine russe. Elle étudie au conservatoire Tchaïkovski de Moscou et commence à tourner avec les orchestres de l’époque avant, très vite, de s’orienter vers la musique de chambre. Véritable passionnée, elle fonde en 1998 le festival de musique de chambre de Jérusalem. Elle se produit avec l’ensemble issu de ce festival dans le monde entier et poursuit une carrière de soliste en tant qu’invitée d’orchestres prestigieux ou seule notamment au festival de Verbier, Rheingau et hier soir donc, à la Salle Pleyel. Au programme pour commencer, deux œuvres de Liszt. La première est tirée du cycle des Années de pèlerinage. Il s’agit de Vallée d’Obermann, œuvre la plus consistante de la première année de pèlerinage en Suisse, mélancolique, profonde et méditative. La seconde est un extrait des Deux Légendes, autre cycle de Liszt. Il s’agit d’une pièce très narrative, un dialogue entre des oiseaux et Saint-François d’Assise. On poursuit ensuite avec Robert Schumann et la célèbre Grande Humoresque, qu’Adam Laloum a récemment enregistré pour notre plus grand bonheur. Œuvre romantique et poétique de Schumann presque lyrique, qui donne au piano l’occasion de s’épanouir pleinement. Après l’entracte, Tchaïkovski et Les Saisons. Douze pièces qui font un tout. Douze pièces pour les douze mois de l’année (il s’agit à la base d’une commande d’un magazine mensuel). Absolument délicieux, et trop rarement joué, ce cycle du compositeur russe est une véritable pépite. Mais avant cela, le programme se fait plus téméraire avec une œuvre de la compositrice russe et ancienne élève de Chostakovitch, Galina Ustvolskaia. On doit avouer qu’on découvre cette compositrice contemporaine (décédée en 2006) a priori puissante et explosive. Bel hommage à la musique russe dans cette seconde partie de concert. On demande à voir ! Et le rendu ? On démarre avec la première année de pèlerinage de Liszt. Dès les premières notes Elena Bashkirova fait preuve d’une belle profondeur et paraît habitée par la pièce. Elle est très très investie, et offre une interprétation véritablement entière, brute. Elle joue parfois quasiment debout, souffle, grimace… Elle faute parfois mais ses chutes rendent la pièce encore plus belle. Elle enchaîne rapidement avec l’extrait des Deux Légendes. Le morceau commence par les oiseaux qui piaillent avant que Saint-François n’arrive et ne se mette à parler. La soliste est très inspirée pour les oiseaux et fait pétiller le piano avant de marquer véritablement la différence stylistiquement parlant avec l’arrivée de Saint-François d’Assise. L’oeuvre est plus aérienne et Elena Bashkirova frôle le mystique. Après Liszt, Schumann et la Grande Humoresque. Là, la pianiste est beaucoup moins convaincante, plus rigide sans véritable fraîcheur. Néanmoins l’interprétation est solide et se développe au fur et à mesure mais toujours avec moins d’intensité que pour Liszt. Bref, on finit par trouver le temps long. Après l’entracte, et alors qu’on aurait envie de demander son avis à Daniel Barenboim présent dans la salle, on reprend avec une oeuvre contemporaine russe de Galina Ustvolskaia. Partition compliquée qui demande beaucoup d’investissement de la part de la soliste. On reste un peu hermétique à ce genre musical. Ici on ressort crispé et même s’il se dégage une très belle puissance (le piano en tremble) le tout reste très conceptuel. Pour finir le concert, Elena Bashkirova s’attaque à Tchaïkovski et Les Saisons. Et là, impossible de déterminer si l’on apprécie ou non. L’interprétation est fidèle, juste, mais le jeu de la soliste manque toutefois d’une petite étincelle. Pourtant on ne s’ennuie pas, on se laisse porter mais peut-être justement parce qu’on sait où l’on va et qu’il n’y a aucun risque. Rassurant. Saluons le programme de ce récital particulièrement consistant avec en plus, pour les rappels, une pièce de Schumann mais surtout une oeuvre d’Albeniz qui ne laisse pas Elena Bashkirova souffler et qui nous a bluffé avec une très belle énergie. Bref, une soirée agréable, un programme prestigieux, une soliste solide mais pas de coup de cœur. Notre dernier concert à Pleyel ? Souvenez-vous.