Jay Reatard, Better Than Something (2012)

Publié le 11 mars 2014 par Oreilles

Depuis son décès prématuré et inattendu il y a quatre ans déjà, Jay Reatard continue de faire parler de lui. Tout récemment le label lyonnais créé pour l'occasion (Teenage Hate Records, en référence au premier album de Jay) a édité un très beau disque en son honneur avec des reprises de ses "classiques" par la fine fleur des groupes garage français actuels (JC Satan, Cheveu, The Rebels Of Tijuana...) intitulé Jay Reatard, A French Tribute. Son rock nerveux mais mélodique n'a cessé d'inspirer une horde de groupes qui lui doivent tout, pas de Ty Segall ni de Thee Oh Sees sans Jay selon moi. Mais ce qui nous intéresse ici c'est ce documentaire vidéo réalisé en 2012 par Alex Hammond et Ian Markiewicz, sorti en DVD en 2013 et accompagné d'une compilation vinyle qu'il est aujourd'hui difficile de se procurer. C'est à ma connaissance le seul documentaire digne de ce nom qu'il m'ait été donné de voir à son sujet. Sans être révolutionnaire sur la forme, ce film d'1h30 explique bien des choses sur ce personnage unique en son genre, véritable étoile filante de l'alternative US, parti bien trop tôt mais à jamais au panthéon des artistes maudits.
Le film débute par un passage à la télé française en 2008 et montre le décalage entre les deux cultures. Jay Reatard invité sur le plateau après sa prestation est interviewé par un chroniqueur incompétent qui lui demande d'où lui vient tout cette collère sur scène, et l'intéressé de lui répondre avec dédain : "Je suis heureux quand je suis sur scène, mais j'ai la rage quand je réponds à ce genre d'interview de merde". Le ton est posé.
Originaire de Memphis, Jay nous explique la prédominance d'Elvis dans sa ville. La crise financière est déjà là et Jay est un inadapté de plus, qui ne se retrouvait pas dans le système scolaire traditionnel et qui, s'il n'était pas devenu musicien, serait devenu un criminel selon ses propres mots. Constamment dans une attitude destructrice et colérique, Jay semait le chaos partout où il allait. Pourtant sa famille et notamment sa petite soeur pour qui il a joué le rôle de père parlent de lui comme un être aimant et doux. Même si c'est dur à croire sur ces images, on se doute qu'il s'agissait d'une carapace.

Extrêmement solitaire (Jay a passé plusieurs années sans aucun ami), c'était surtout un insatiable compositeur. Il pouvait passer ses journées dans son petit studio du backyard à enregistrer et mixer tout seul (sans fioritures) des centaines de chansons. Il en découle sa théorie des singles, à savoir qu'il préférait largement sortir des titres individuels régulièrement plutôt que des albums. Du coup sa discographie est pour le moins éclatée : deux albums solo seulement pour près d'une soixantaine de sorties physiques. C'était aussi selon lui une manière de documenter sa vie. A chaque 45 tours correspondait un état d'esprit dans lequel il se trouvait à un moment T.
Mais ce qui caractérise le plus Jay Reatard, c'est cette course incessante contre la montre de la vie. "Certains se demandent s'ils manqueront de chansons à composer, moi je sais que je manquerai de temps". Mieux que personne, il incarnait le fameux crédo "Live fast, die young". Dans l'un des passages du documentaire, un proche de Jay raconte le coup de fil qu'il a reçu le matin du 28ème aniversaire de Jay, ce dernier regrettant presque de ne pas faire partie du tristement célèbre club des 27 (Jay, réellement Jimmy Lee Lindsay Jr, commençant en plus par un J tout comme Jimi, Janis, Jim...). Mais un an plus tard, il sera retrouvé mort dans son lit vraisemblablement victime d'un mélange d'alcool et de cocaïne. Avec le recul on se demande comment il aurait pu en être autrement.
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Le Trailer du docu :