Vous êtes l’héritier d’une victime qui n’a pas déposé plainte de son vivant.
Pouvez-vous obtenir réparation devant une juridiction répressive ?
A priori oui, car la victime pouvait elle-même le faire : l'action civile en réparation du dommage causé par une infraction appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction (article 2 du Code de procédure pénale).
La victime décédé pouvait donc agir et son droit à réparation est naturellement transmis à ses héritiers selon les règles du Code civil en matière de succession (articles 731 et suivant du Code civil).
Mais pour autant, vous ne pouvez être considéré comme victime directe de l’infraction…
Alors ?
La réponse vient d’être donnée par deux arrêts de l’assemblée plénière de la Cour de cassation : votre action sera recevable si ministère public lui-même a mis en mouvement l'action publique.
Cour de cassation - Assemblée plénière - Arrêt de cassation partielle n° 566 du 9 mai 2008 - 05-87.379
Vu les articles 2 et 3 du code de procédure pénale, ensemble l'article 731 du code civil ;
Attendu que toute personne victime d'un dommage, quelle qu'en soit la nature, a droit d'en obtenir réparation de celui qui l'a causé par sa faute ; que le droit à réparation du préjudice éprouvé par la victime avant son décès, étant né dans son patrimoine, se transmet à ses héritiers ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu sur renvoi après cassation, que MM. Jacques et Lionel X..., parties civiles, demandaient devant la cour d'appel saisie des seuls intérêts civils, en leur qualité d'héritiers de Antoine X..., la réparation des préjudices matériels et moraux causés par les faits de falsifications de chèques et usage dont leur auteur avait été victime ;
Attendu que pour déclarer cette demande irrecevable, après avoir dit constitués à la charge de Mme Ana Y..., renvoyée devant le tribunal correctionnel par ordonnance du juge d'instruction du 17 juin 2002, les éléments des infractions de falsifications de chèques et usage, l'arrêt retient que MM. Jacques et Lionel X... ne peuvent être considérés comme victimes directes de ces faits, alors même que leur auteur, bien qu'il en fût informé, n'avait jamais déposé plainte ni même manifesté l'intention de le faire ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le droit à réparation des préjudices subis par Antoine X..., né dans son patrimoine, avait été transmis à ses héritiers qui étaient recevables à l'exercer devant la cour d'appel saisie des seuls intérêts civils, peu important que leur auteur n'ait pas introduit d'action à cette fin avant son décès, dès lors que le ministère public avait mis en mouvement l'action publique et que la victime n'avait pas renoncé à l'action civile, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Cour de cassation - Assemblée plénière - Arrêt de rejet n° 567 du 9 mai 2008 - 06-85.751
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 7 juin 2006), que Mme Angèle X... a cité directement devant le tribunal correctionnel M. Jean-René Y... et d'autres personnes, des chefs d'abus de faiblesse et d'autres infractions, pour obtenir réparation tant de son préjudice personnel que de celui de sa mère Irène X..., alors décédée ;
Attendu que Mme Angèle X... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la citation directe qu'elle a délivrée pour les faits dont aurait été victime sa mère, alors, selon le moyen, qu'est recevable l'action civile des ayants droit de la victime tendant à la réparation du préjudice personnel directement causé à cette dernière par l'infraction ;
qu'ainsi la cour d'appel n'a pu légalement déclarer irrecevable la citation directe de Mme Angèle X... à raison des faits dont avait été victime sa mère décédée, sans violer les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 223-15-12 du code pénal, 2, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
Mais attendu que, sauf exceptions légales, le droit de la partie civile de mettre en mouvement l'action publique est une prérogative de la victime qui a personnellement souffert de l'infraction ; que l'action publique n'ayant été mise en mouvement ni par la victime ni par le ministère public, seule la voie civile était ouverte à la demanderesse pour exercer le droit à réparation reçu en sa qualité d'héritière ;