Schizophrène, entre autre.

Publié le 11 mars 2014 par Lana

Avant, je vivais dans le secret. Seules quelques personnes étaient au courant.

Quand je devais prononcer le mot schizophrénie, il fallait que je m’y reprenne à trois fois, en bégayant, j’avais peur que ce mot lâché devant tous soit ma vie dévoilée à tous. Quand je croisais une connaissance qui était psychiatre, je sentais le mot schizophrénie clignoter comme un néon sur mon front, je me sentais percée à jour. Mes cauchemars étaient peuplés de révélations fracassantes, involontaires et catastrophiques.  Je faisais semblant de ne pas connaître tant de choses que ça en psychiatrie. Je ne relevais pas les paroles blessantes, les préjugés sur les fous, les psychiatres, les schizophrènes. Je souriais un peu aux mauvaises blagues en taisant mon amertume. Je me demandais sans cesse: qui sait quoi? qui a deviné quoi? qui a dit quoi à qui? quelqu’un aurait-il pu voir mes neuroleptiques dans mon sac?

Le secret, c’est lourd. Garder sa colère aussi. Alors, j’ai commencé un blog. Personne n’était au courant mais au moins je soulageais un peu ma conscience. Et puis Sarkozy est arrivé. J’ai hurlé devant ma télé, souvent. Je n’en pouvais plus de ces reportages, de ces raccourcis, de ces projets de loi, de cette stigmatisation. Je me sentais capable d’aller manifester avec le mot schizophrène sur le front. Je ne voulais plus me taire, je ne pouvais plus être complice. Je voulais que tous ceux que je connaissais depuis longtemps sachent que j’étais schizophrène, que ce n’était que ça une schizophrène, quelqu’un comme eux, leur amie, leur collègue. Comme je me voyais mal les prendre entre quatre yeux pour leur annoncer ça comme si c’était une mauvaise nouvelle, j’ai créé un groupe sur facebook. Il s’appelait "Je suis schizo et ça se soigne, je suis schizo et même pas dangereuse, je prends des neuroleptiques et je ne bave pas dans un coin". Presque tous mes collègues se sont inscrits.

Voilà, j’avais fait mon coming-out. C’était dit sans le dire. C’est devenu un sujet de conversation comme un autre. Personne ne m’a rejetée. Je me suis sentie mieux comprise. Je me suis sentie libre. Je n’avais plus de lourd secret à dissimuler à tout prix. J’étais moi. Schizophrène, entre autre, entre beaucoup d’autres choses, mais ça aussi.

Un texte que j’ai écrit suite à un appel à témoignages du blog http://polyvalencemonpote.com/


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