Sublime “Village de l’Allemand”

Par Davidme

De retour de vacances au paradis polynésien, je voulais vous parler de l’un de livres que j’ai eu l’occasion de lire pendant ces congés.
C’est avec ce genre de livres que l’on comprend pourquoi on aime la lecture et aussi pourquoi libraire est un métier sublime. L’ouvrage s’appelle Le “Village de l’Allemand ou le journal des Frères Schiller”. Les frères Schiller justement c’est d’eux dont il s’agit. Leur mère est algérienne, leur père est allemand. Eux-mêmes vivent en banlieue parisienne, l’un qui a réussi, il est cadre dans une multinationale, l’autre “zonant” parmi les jeunes de la cité. C’est l’époque de la sale guerre en Algérie, dans les années 90, et leurs parents feront partie des victimes d’un de ces raids meurtriers perpétrés à l’époque par le GIA.
C’est alors que surgira aux yeux des deux fils le passé nazi de leur père, pourtant porteur dans son village algérien du titre prestigieux de moudjahid. Basé sur une histoire authentique, le roman est composé en alternance du journal tenu par chacun des deux frères.
Et les thèmes abordés sont audacieux : L’actualité de l’islamisme radical, y compris dans sa présence insidieuse au sein des communautés immigrées, souvent abandonnées à leur sort, se fait l’écho de la politique d’extermination menée par les Nazis. Le fascisme continue à faire des émules, notamment parmi certains nationalismes contemporains.
On est pas loin de la pensée de Primo Levi dont l’expérience de l’inhumain est devenu un témoignage universel. De plus, le livre écrit de manière très juste et émouvante, est une lecture civique et morale. Civique car le roman sera, à n’en point douter comme l’ont été les précédents, censuré et l’auteur menacé. Morale car il s’attaque au silence et à l’obscurantisme. Il pointe l’occultation de la Shoah dans les pays arabes. Malik - l’un des deux frères - écrit dans son journal « je ne pense pas que le gouvernement enseigne ces choses dans ses écoles, les enfants pourraient s’émouvoir, se prendre de sympathie pour le Juif, et de là appréhender certaines réalités. Je crois plutôt qu’il enseigne la haine du Juif et qu’il maintient les esprits fermés à toute lumière ». Cela il l’a bien compris et il peut lancer à l’imam de sa cité : « si on avait le pouvoir sur terre, par quel génocide on commencerait ? » Il faut saluer le courage de Boualem Sansal. Son roman tiré d’un fait réel est un coup de poing contre « la talibanisation des banlieues », le négationnisme, le jeu ambigu du pouvoir algérien. Pourquoi lire « le Village de l’Allemand » ? Rachel le dit page 57, « Ma propre humanité est en jeu ».
Vous l’aurez compris, ce “journal des frères Schiller” est un éclairage sur le monde où nous vivons, et un livre bouleversant sur la difficulté des fils à assumer les fautes de leurs pères. Il faut le lire absolument !