Parfois, quand l’actualité cinématographique est au point mort et qu’aucun acteur phare ne sort de film, il faut bien chercher dans la niche aux sujets intemporels. Et comme on se garde Arnold Schwarzenegger pour la sortie de Sabotage (7 Mai 2014) et Nicolas Cage pour la sortie de Joe (30 Avril 2014), on va donc faire un focus sur David Ayer, un réalisateur-scénariste dont on ne parle clairement pas assez et qui est pourtant un des fers de lance du polar américain.
The Crazy White Boy
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David Ayer est né le 18 janvier 1968 à Champagne, dans l’Illinois. Contrairement à ce qu’indique sa ville de naissance, ses films sentent plus la liqueur de malt servie dans des 8-Ball que le breuvage préféré des dirigeants du Stade de Reims. En effet, chassé de la maison alors qu’il est encore adolescent chez ses parents, il va vivre chez son cousin à South Central, Los Angeles, parfaitement à temps pour vivre les scandales du Rampart avant que ceux-ci soient étalés dans les journaux. Cependant, il s’engage dans la Navy à 18 ans pour officier dans un sous-marin. D’habitude, on se moque comme de notre première chemise (arrêtons avec les chaussettes, c’est le dernier bastion de fantaisie possible chez un homme de plus de vingt ans) de la vie des cinéastes mais il se trouve qu’elle a une part très importante dans l’œuvre du meilleur réalisateur de thrillers du moment.
En rentrant de la Navy, le crazy white boy qui traîne avec des mexicains dans South Central est électricien et travaille pour Wesley Strick, scénariste des Nerfs à Vif de Martin Scorsese. Très vite, David Ayer lui tend des scénarios qu’il a écrit tout seul, très rudimentaires mais qui sont révélateurs du style Ayer. Ce dernier écrit justement Training Day en 1996 mais le scénario ne sort pas de l’anonymat et n’est pas produit. Ce sont plutôt ses réécritures de U-571 de Jonathan Mostow qui vont faire connaître le bonhomme, qui parle ici de ce qu’il connait bien, les sous-marins (il avait déjà essayé d’en écrire un film, Squids, quelques années auparavant). Le style Ayer n’est pas vraiment reconnaissable dans U-571 si ce n’est que le film est absolument remarquable, que ce soit dans la réalisation que dans le casting, pléthorique et juste. On y retrouve d’ailleurs l’immense Matthew McConaughey en rôle principal, aux côtés de Jake Weber et d’Harvey Keitel. Le film raconte le vol de machines Enigmas dans les sous-marins nazis pendant la Seconde Guerre Mondiale. Un peu attaqué par les vétérans car cette histoire n’était pas américaine mais britannique, le film reste un vrai grand moment de cinéma, réalisé par un type terriblement sous-côté (à cause de son Terminator 3, sans doute).
La carrière de David Ayer est donc lancée et Training Day est produit en 2001. Malheureusement réalisé par Antoine Fuqua, qui fait d’Alonzo Harris un type franchement cool alors que ce n’est qu’un gros flic ripou psychopathe, le film est par contre très overrated, même si certaines séquences sont franchement convaincantes. On retrouve les thèmes inhérents à l’œuvre de David Ayer : les personnages sont autodestructeurs, ultra-violents et toujours tiraillés entre le Bien et le Mal, ça se déroule dans les rues très dangereuses de L.A., où on trouve des Vatos, des Russes, des Bloods, des Crips et surtout de la corruption et un langage fleuri. Denzel Washington gagne un Oscar du Meilleur Acteur pour son interprétation parfaite du salopard de service. Malheureusement, le film n’est pas à son niveau, tout en restant un bon divertissement.
Les émeutes de Los Angeles dans Dark Blue
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La même année, on retrouve David Ayer au scénario de The Fast and the Furious, premier volet de la jouissive franchise d’Universal Pictures, réalisé par Rob Cohen. Clairement, on est très loin de son style classique, même si le film est très bon. On en reparlera au moment de la sortie de Fast & Furious 7. C’est plutôt Dark Blue (Ron Shelton) en 2002 qui renoue avec cela. En effet, le film est écrit par David Ayer et James Ellroy (tout un programme) et raconte l’histoire d’Eldon Perry, joué par l’excellent Kurt Russell, un flic ripou qui se découvre une conscience pendant les émeutes de 1992, à cause du meurtre de son coéquipier par deux tueurs sous PCP. Totalement cynique et noir comme la nuit, Dark Blue est un de ces films oubliés, mais efficaces et passionnants. Un an plus tard, c’est pour S.W.A.T. de Clark Johnson qu’on retrouve David Ayer, en collaboration avec David McKenna. Film d’action musclé avec Samuel L. Jackson, Colin Farrell et LL Cool J, le film manque malheureusement de rythme et de crédibilité pour être une véritable réussite. Il en reste que l’histoire principale du film (un trafiquant offre une grosse somme d’argent en direct à la télévision à l’homme qui le libèrera du joug du S.W.A.T.) est d’un cynisme cher à David Ayer.
En 2005, fini les tâcherons, Ayer se fait justice lui-même. Il réalise son premier film, toujours sur un de ses scénarios: Harsh Times. Le film est basé sur des éléments de sa vie, Ayer a mis sa maison en hypothèque pour le film et Christian Bale a clairement baissé son cachet pour jouer dedans. C’est un pari gagnant. Cette histoire de vétéran trentenaire souffrant de stress post-traumatique très avancé, traînant avec son pote chômeur pour trouver du boulot tout en enchaînant les joints et les 8-Ball est un véritable coup de poing dans la tronche du cinéma policier hollywoodien. Pas de concessions, une mise en scène sur le fil du rasoir qui additionne les moments de bravoure comme cette ouverture en temps de guerre sur du DJ Muggs ou cette engueulade avec un épicier asiatique qui refuse de vendre seulement 4 cigarettes aux deux protagonistes jusqu’à une demi-heure finale d’une noirceur éreintante et un acmé cathartique, Bad Times (en VF) est un pur chef d’œuvre méconnu, avec une interprétation miraculeuse de Christian Bale.
Son deuxième film est Street Kings, un film policier sur des flics corrompus dans L.A. Ecrit par Kurt Wimmer, Jamie Moss et James Ellroy, le film est une sorte de remake de Dark Blue sans les émeutes et dans un environnement contemporain. Keanu Reeves et Forest Whitaker s’en donnent à cœur joie dans leur affrontement, tandis que Hugh Laurie, Chris Evans, Cedric the Entertainer, Common et Jay Mohr se retrouvent dans des rôles à contre-emploi. Le film est très réussi, très rythmé, mais force est de constater qu’après Harsh Times, on attendait beaucoup plus subversif que de voir The Game manger ses céréales dans un bol de Jack D (même si c’est très drôle).
Une des images fortes d’End of Watch
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Sa troisième réalisation est bien plus intéressante. C’est d’ailleurs son meilleur film depuis le début de sa carrière. End of Watch est un film qui utilise le found-footage (sans pour autant ne se contenter que de cela) pour raconter une histoire de deux flics coéquipiers et amis qui patrouillent dans les rues du pire quartier de Los Angeles. Pour une fois, les flics ne sont pas corrompus et ne cherchent pas à faire du chiffre. Ils font leur boulot, comme un plombier ou un électricien le ferait et ils aiment ça. Les deux protagonistes, joués par les exceptionnels Jake Gyllenhaal (rentré dans le financement du film) et Michael Peña, sont des types sympathiques avec qui on irait bien boire une bière après le service. Ils se trouvent recherchés par un cartel mais ils continuent à patrouiller en évitant le pire. Le film est rythmé par leurs discussions dans la voiture de patrouille, qui sont un plaisir à écouter tant elles sentent le vécu. Le style Ayer s’y adapte parfaitement et se prend à exprimer de la tendresse pour ces deux chics types avant de retrouver son habituelle noirceur et son cynisme dans un troisième acte d’une virtuosité déstabilisante. End of Watch est clairement un des meilleurs films de 2012 et mérite d’être beaucoup plus connu.
Sabotage, son prochain film, librement adapté des 10 Petits Nègres d’Agatha Christie (dix agents de la DEA sont assassinés un par un à cause d’un butin appartenant à un cartel), vient d’être présenté à Columbus. David Ayer a réécrit le scénario de Skip Woods et a casté Arnold Schwarzenegger, Joe Manganiello, Mireille Enos, Sam Worthington, Harold Perrineau ou encore Terrence Howard. Ayer a annoncé avoir détruit le mythe de Schwarzy. Alléchant, non ? Il est d’ailleurs en train de tourner Fury, un film de guerre contant une mission suicide de l’équipage du tank ”Fury” dans les rangs ennemis avec Brad Pitt, Shia LaBeouf, Logan Lerman, Michael Peña et Jon Bernthal.
La déconstrution du mythe de Schwarzy démarre par le look.
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Ces deux films seront peut-être la clé de la célébrité pour David Ayer, qui le mérite énormément et qui est le meilleur réalisateur de thrillers aux USA, surtout depuis que LA n’intéresse plus Michael Mann. En tout cas, ce sont deux films qui ne ressemblent pas vraiment à ce qu’il a pu faire auparavant. Il y a de quoi espérer.
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