Pour être valable, un contrat doit avoir, conformément aux articles 1108 et 1129 du Code civil, un objet certain et déterminé. En présence d’un ensemble contractuel, c’est-à-dire de plusieurs contrats conclus pour une même opération, cette condition s’impose à chacun des contrats pris isolément.
Ce principe a récemment été rappelé par la Cour de cassation en matière de transfert de droits incorporels.
Une personne physique avait développé un concept immobilier nommé « Phenicio » couvert par une marque du même nom auprès de l’Institut national de la propriété intellectuelle. Il était ainsi offert à des clients la possibilité d’acheter un appartement, d’y effectuer des travaux à fins de rénovation et d’aménagements spécifiques et d’ensuite les louer en studio de location meublée par l’intermédiaire du concepteur de Phenicio.
Un client avait alors souscrit à ces prestations au moyen de deux contrats distincts :
- le premier contrat, intitulé « cession des droits concernant la rénovation et l’aménagement d’un appartement selon la norme Phenicio », portait sur la cession du concept immobilier Phenicio ;
- le second contrat, intitulé « cession de licence », conférait un droit d’exploitation sur la marque Phenicio protégeant le concept.
Le cocontractant versait alors au concepteur de Phenicio une redevance forfaitaire au titre du premier contrat et des redevances proportionnelles aux loyers et charges au titre du second.
Constatant le caractère financièrement désastreux de ces opérations, ce dernier a demandé la nullité du contrat de cession des droits au motif que celui-ci serait dépourvu d’objet. Il invoquait au soutien de sa demande que ce contrat se bornait à céder un concept dépourvu de toute protection légale : le contrat de cession ne transférait ainsi aucun droit à proprement parler.
La Cour d’appel a rejeté la demande en nullité du contrat de cession en observant que le concept avait fait l’objet d’un dépôt de marque. Les juges du fond ont ainsi considéré que le contrat n’était pas dépourvu d’objet dans la mesure où le concept transmis était bien protégé par un droit de propriété industrielle.
Les demandeurs se sont alors pourvus en cassation en faisant notamment valoir que le contrat de cession en lui-même n’organisait pas le transfert des droits d’exploitation de la marque Phenicio.
Dans un arrêt du 4 février 2014, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a considéré que la Cour d’appel n’avait pas donné de base légale à sa décision dès lors qu’ils auraient du prendre en compte le fait que « la marque Phenicio faisait simultanément l’objet d’un contrat de licence de marque ».
Le contrat de licence, en effet, conférait un droit d’exploitation sur la marque Phenicio contre des redevances. Le contrat de cession, quant à lui, ne transférait que le seul concept soit, au final, rien. Les deux contrats avaient ainsi un seul et même objet et le cocontractant payait en réalité deux fois pour la même chose.
Lorsqu’ils concluent plusieurs contrats pour une même opération, il est donc conseillé aux cocontractants de s’assurer que chacun de ces contrats aient bien un objet réel.