de Jim Jarmusch.
Sorti le 19 février 2014.
Adam (Tom Hiddleston) et Eve (Tilda Swinton) sont deux vampires. Mais Only Lovers Left Alive n'est pas un banal film de vampire. Certes il est souvent question de sang et de la vie nocturne des protagonistes, mais Jim Jarmusch s'empare de ce thème pour créer un film extrêmement esthétique et photographique. Il joue durant tout le film sur le contraste produit par la blancheur et la lumière d'Eve (cheveux, peau, costumes, lumières blafardes de Tanger) et la noirceur d'Adam (sa dépression, les habits en cuir, ses cheveux, l'obscurité de la nuit à Détroit). Le film est bourré de plans qui confrontent ces deux univers visuels. L'apothéose étant ce plan/tableau d'Adam et Eve, nus, d'une blancheur cadavérique, allongés sur un drap noir. Ils sont l'un à côté de l'autre, endormis, les corps sont parfaits et la composition est sublime. Le plan reflète l'entente entre ces deux êtres, qui sont mariés depuis des siècles (mais qui ne vivent pas pour autant ensemble). et liés pour l'éternité.
Le scénario du film se focalise d'ailleurs sur les doutes d'Adam, qui trouve l'existence trop longue et peine à trouver une raison de vivre. Eve, qui vit à Tanger, vient à Détroit le réconforter. Ils ont tout connu (et tout le monde, le film distille avec humour les noms de leurs connaissances célèbres, de Galilée à Schubert en passant par Shakespeare), et la question existentielle liée à l'immortalité se pose donc. Adam est musicien. C'est un prétexte pour Jarmusch pour débuter son film sur une séquence très « tournante », basé sur une bande sonore composée de guitare saturée. La caméra est fixe pour filmer un disque vinyle qui tourne, mais elle se met à tourner ensuite pour filmer Tom Hiddleston puis Tilda Swinton, avachis sur leur canapé. On a le tournis et on sait alors que l'on rentre dans un monde torturé. L'image suit parfois la musique, comme dans cette séquence dans laquelle le réalisateur sample littéralement Tom Hiddleston à l'écran, alors qu'il joue un morceau.
Tout le film se déroule de nuit, dans des lieux aux rideaux fermés et sur fond de la guitare électrique au son un peu « sale » qui rappelle celle de Dead Man. Les friches industrielles, filmées dans la nuit de Détroit, créent un climat inquiétant. On voit très peu de « mortels » et l'accent est mis sur le vide qui règne dans la ville. La photographie du film est absolument fascinante, ce qui compense la lenteur de l'histoire qui s'enlise un peu. L'histoire d'Adam et Eve se résume finalement à chercher du sang pour survivre. En effet, cela constitue un but bien mince pour remplir une existence fragilisée comme celle d'Adam. Et si l'on apprécie pas particulièrement le travail esthétique effectué dans film, le temps risque de paraitre un peu long. La problématique du film n'est peut-être pas traitée avec toute la passion qu'elle aurait mérité. Sinon, Only Lovers Left Alive aurait été un véritable chef d'œoeuvre.
Pauline R.