Le 4 mars, Franck Johannès, journaliste au Monde, rendait compte dans ce quotidien d’un livre de Christine Taubira, Paroles de liberté. A cette occasion, il rappelait une phrase de Pierre Desproges, « il est plus économique de lire Minute que Sartre, pour le prix d'un journal, on a à la fois la nausée et les mains sales ». Le soir même, Le Point nous apprenait que Patrick Buisson, ancien directeur de ce même Minute, était capable, en prime, de nous salir également les oreilles.
Quelque temps après, une chaîne de télévision donnait la parole à Maître Goldnadel, avocat de Patrick Buisson. Avec énergie, sinon aisance, le défenseur de l’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy s’appliquait à démontrer qu’il n’y avait rien de répréhensible à enregistrer les propos échangés au cours d’une réunion. Il en donnait pour preuve que, le plus souvent, les participants prenaient des notes. Je ne me souviens pas s’il s’est trouvé quelqu’un pour lui faire observer que, quels que soient les dons d’un scribe, il ne parvient jamais à consigner l’intégralité des phrases prononcées et surtout il ne lui est pas possible de rendre compte de tout ce qui est transmis par les intonations. Mais surtout, ce que Maître Golnadel feint d’oublier, c’est que la prise de notes est visible de tous, à la différence d’un enregistrement dissimulé. S’il s’agissait simplement de pouvoir disposer d’un compte-rendu complet, il suffisait de placer le dictaphone en évidence et de s’assurer qu’aucun participant n’y voyait d’inconvénient.
Ce qui est scandaleux dans cette affaire, quelle que soit l’importance ou l’insignifiance des propos ainsi enregistrés, c’est qu’un homme jouissant de la confiance du président de la République, celui même qui avait poussé Nicolas Sarkozy à emprunter des voies où il s’est abîmé, ait pu ainsi trahir sa confiance, l’espionner et le berner. Apôtre de l’identité nationale, Patrick Buisson a ainsi oublié que la traîtrise ne figurait pas parmi les valeurs de cette identité. Ou plutôt, considérant le parcours de Patrick Buisson, on pourrait avancer que, si la traîtrise n’est pas une valeur de notre nation, elle fait bien partie de son identité personnelle.
L’autre conclusion à tirer de cet épisode navrant est le manque de discernement dont Nicolas Sarkozy a fait preuve en s’en remettant si étroitement à un personnage à la morale aussi chancelante. Chacun d’entre nous peut se trouver à la merci d’un tel individu mais ce que l’on comprend de la part d’une personne privée n’est pas admissible de la part du plus haut personnage de l’État. S’il avait été habile, lors de la révélation de cette trahison, il me semble qu’il aurait pu prétendre avoir demandé à son conseiller de lui fournir après coup un compte-rendu détaillé de ces réunions, le dédouanant ainsi de l’utilisation d’un dictaphone. Cohérent avec une attitude qu’il a adoptée souvent, il a préféré prendre la posture d’une victime demandant réparation.
La France n’a pas besoin à sa tête d’une victime aussi crédule.