Frigide Barjot était hier soir l' invitée de Laurent Ruquier dans « On n'est pas couché ».
On se perd en conjectures sur l'opportunité d'une telle invitation. Elle a un livre à vendre : « Qui suis-je pour juger ? » sous titrée « les confessions d' une catho républicaine ». Elle doit aimer le plagiat : en 2013, elle avait publié « Touche pas à mon sexe », retiré de la vente dès le lendemain pour plagiat sur le titre.
Or « Qui suis-je pour juger ? », c'est une déclaration du pape actuel à propos des homosexuels. Peut-être un jour Frigide Barjot publiera-t-elle des livres dont elle aura imaginé les titres ?
Ces deux livres ont un point commun : le premier était paru aux éditions Mordicus, dirigées par Robert Ménard, dont il ne semble pas utile de commenter la neutralité politique. (Je me méfie des procès...)
Le second paraît sous la houlette des éditions « Salvator » , une vieille maison d'édition d'ouvrages chrétiens qui, d'ailleurs, ne se vante pas de ce petit dernier sus sa page d'ouverture de son site, même au rayon des nouveautés. ....
Donc, Frigide Barjot a écrit un livre. De nombreux Français ont écrit des livres, religieux ou pas. Combien passent chez Ruquier ? Pourquoi a-t-telle droit, elle, au fauteuil de cette tribune dirigée par un homosexuel assumé ? Une suprême élégance faite aux tenants d'une opposition aveugle et systématique à l'égalité des droits pour les homosexuels ?
Il eût fallu, cher Laurent Ruquier que eux, les opposants, manifestassent également une élégance suprême, ce que je n'ai pas cru distinguer sur les pancartes brandies et les slogans proférés par ces hordes de croisés qui ont suivi cette étrange égérie... Alors tendre l'autre joue ? Monsieur Ruquier... Laissez cela aux chrétiens.
Homophobes ou pas ?
A une époque où on ne peut plus qualifier « d'extrême droite » les gens qui sont à la droite de la droite sans risquer un procès, on hésite presque à qualifier d'homophobe ceux qui s'opposent à l'égalité des droits pour les homosexuels.
C'est arrivé en Irlande où une artiste drag-queen a été traînée en justice pour avoir qualifié d'homophobes des détracteurs qui s'en prenaient à sa personne en tant qu'homosexuelle.
Du coup, la troupe du théâtre où elle se produit chaque soir lui laisse, à la fin de chaque représentation, interpréter le sketch suivant, qui aussi percutant qu'émouvant, et que je vous conseille de ne pas manquer. Les sous-titres fonctionnent, il suffit de cliquer sur le bouton sous l'image.
On notera que la chaîne de télévision où Panty Bliss avait parlé d'homophobie a payé 85 000€ aux « détracteurs pas homophobes » pour qu'ils retirent leur plainte, ce qu'ils ont fait, mais ils continuent de poursuivre la pauvre Panty en justice... On notera également que le théâtre en question est le « Abbey Theater » de Dublin, qui n'est pas une scène marginale folklorique, mais le grand théâtre national de création de Dublin...
Alors essayons d'être simples et logiques: si on refusait l'égalité, la plénitude des droits citoyens aux Arabes ou aux Juifs, on serait immédiatement et à juste titre condamnés pour racisme et antisémitisme... Alors en vertu de quelle étrange dérogation ce même refus de ces même droits à l'encontre des homosexuels ne vous rangerait-il pas sous l'étiquette « homophobe » ? Notons que les lois françaises et européennes répriment ce délit d'homophobie de la même manière que le racisme et l'antisémitisme, comme des circonstances aggravantes à la discrimination ? Pratiquer cette discrimination est un délit, mais lui donner un nom serait interdit ?
S'opposer, sous n'importe quel prétexte, à l’égalité des droits pour les homosexuels, c'est bien à la fois de l'homophobie et une atteinte inqualifiable à la vie privée.
La vraie égalité... Appeler un chat un chat.
Une théorie de « ces gens-là » voudrait que les homosexuels pourraient se contenter d'un « CUC » (contrat d'union civile) qui leur donnerait les mêmes droits qu'aux autres citoyens mais que donner le nom de « mariage » à une telle disposition serait interdit ? C'est salissant, l'homosexualité, au point que les « hétéros » qui contractent un mariage ne voudraient pas ce ce mot de « mariage » serve à qualifier l'union de deux homosexuels ? Frigide Barjot, avant d'entrer sur le plateau de Ruquier, a soigneusement ouvert son blouson sur son tee-shirt, qui portait une inscription se terminant par « un bon coup de CUC ». (Contrat d'Union Civile).
Mes cinquante ans de militance pour les droits LGBT ont consisté essentiellement à travailler à supprimer des codes civil et pénal toute mention spécifique à l'homosexualité. Cela a commencé par supprimer l'homosexualité de la liste des fléaux sociaux ou le député gaulliste Mirguet l'avait inscrite en 1962, puis à abolir la discrimination sur l’age du consentement sexuel, loi de Pétain qui a perduré jusqu'en 1982, puis à faire reconnaître les discriminations pour cause de préférence sexuelle comme une discrimination absolument identique aux autres discriminations, et enfin à garantir aux homosexuels la protection juridique du mariage à l'image des autres citoyens français.
Souvenons-nous qu'en 1999, lorsqu'il s'est agi de créer le PACS, les homophobes, -déjà-, manifestaient aux cris de « non au simulacre de mariage pour les homosexuels ». Le peuple français et l'histoire ont parlé : dix ans plus tard, 95 % des pacsés étaient hétérosexuels, et seulement 5 % homosexuels !!!
Vouloir recréer une loi d'exception, un CUC, ce« mariage spécial homo », c'est revenir en arrière. C'est rouvrir un ghetto que l'on espérait refermé pour toujours. C'est replacer les homosexuels dans un cachot législatif taillé sur mesure pour les marginaliser à nouveau, c'est les désigner encore comme « des citoyens pas comme les autres ». Les conservateurs savent très bien ce qu'ils font. Par tous les moyens, ils tentent de lutter contre l'égalité, d'en réécrire les lois, d'y tailler des croupières, de les vider de leur sens pour faire triompher l'inégalité, la haine, le mépris et la discrimination dont ils sont porteurs.
Tout commence par un gros mensonge...
Toute la structure de pensée de la manif pour tous est fondée sur un mensonge éhonté. Une imposture sur laquelle ils ont bâti tout l'édifice. D'après eux, l'instauration du mariage pour tous ouvrirait une nouvelle ère à notre société. Il provoquerait une multiplication invasive de couples homosexuels, qui élèveraient « mal » des enfants dont la vie serait un enfer pavé des moqueries de leurs camarades mal élevés, (leurs enfants à eux, hétéros...!), qui n'oseraient pas dire qui sont leur parents, et seraient promis à des échecs dans la réalisation de leurs carrières et de leurs vies.
Tout cela est un énorme mensonge. Non seulement ce sont des déclarations qu'aucune preuve ne peut étayer, mais toute étude sur le sujet aboutit à des résultats absolument contraires...
D'abord, les homosexuels n'ont pas attendu qu'on leur vote une loi pour s'aimer, se mettre en couple et avoir des enfants. Cela existe depuis des années, des décennies, pour ne pas dire des siècles. Juste, comme cela n'avait pas de nom et d'existence légale, on n'en parlait pas...
On estime qu'il existe aujourd'hui, en France, quelques 30 à 40 000 enfants vivant au sein de couples homosexuels, mais que plus de 300 000 seraient concernés par l'homosexualité au sein de gardes alternées ou de couples ne partageant pas le même toit.
En créant le mariage pour tous, le législateur ne vient donc pas créer une situation nouvelle, mais seulement faciliter l’existence et la reconnaissance administrative de citoyens qui vivent simplement leur vie et dont le seul problème est le vide juridique dans lequel ils doivent se dépatouiller.
Sur ce sujet comme sur de nombreux sujets sociaux, la loi ne vient pas créer de nouvelles situations, mais seulement donner un cadre administratif à des situations qui existent déjà et souffrent de ne pas être reconnues.
La société évolue, et la législation ne peut donc pas rester figée, au risque d'y perdre sa crédibilité. C'est d'ailleurs très exactement ce qui arrive à l'église catholique, dont les lieux de culte se vident à vue d’œil et au sein de laquelle les recrutements des prêtres doivent faire appel à des vocations venues de l’étranger. Les institutions doivent évoluer avec la société.
...et tout continue par de gros mensonges...
Notamment lorsque madame Barjot vient nous déclarer qu'elle représente « une majorité de Français ».
Non... Rassembler quelques dizaines de milliers de gens sur le Champ de Mars, et même un million, c'est peu de chose dans un pays de 67 millions d'habitants. Ce n'est pas une majorité, c'est un groupuscule. D'ailleurs, les sondages sont formels qui disent qu'une majorité de Français, une vraie majorité, celle-là, est favorable au mariage pour tous, et que même parmi ceux qui se disent chrétiens pratiquants, , on en trouve encore 45 %, pour affirmer que ce mariage universel ne les dérange pas.
« Catho républicaine » ?
C'est le sous-titre de son livre... Rappelons que la république est laïque, ce que madame Barjot proclame volontiers, mais pratique peu : l'immense majorité de ses suiveurs provient des rangs les plus intégristes de l'église catholique... Il n'y a qu'à lire leurs pancartes et écouter leurs slogans. Et compter les prêtres intégristes parmi leurs leaders... Frigide se se déclare « attachée de presse de Jésus », et se fait remarquer en soutenant Benoit XVI dans sa réhabilitation des intégristes de Mgr. Lefebvre. On ne voit pas pourquoi des préceptes issus d'une doctrine religieuse prétendraient influencer les positions de la république. Il va falloir qu'elle choisisse. La république est l'affaire de tous, la religion l'affaire personnelle de chacun.
Or les chroniqueurs qui ont lu le livre, (forcément, ils ne l'ont pas payé!), Aymeric Caron et Natacha Polony, ainsi que Laurent Ruquier lui même, parlent tous les trois « de grands élans mystiques » qui émaillent la prose du pensum.
Vraiment républicaine ?
L'égérie de la manif pour tous nous montre les jupons peu affriolants de ses convictions politiques lorsqu'elle affirme que la responsabilité de tous les désordres qu'elle a provoqués en exhortant ses croisés revient à François Hollande ! François Hollande, que le bouillant homo-de-service de la manif pour tous Xavier Bongibault a qualifié de dictateur et même comparé à Hitler ! Si ce n'est pas là le dépit et la frustration hystérique de droitistes furieux d'avoir perdu les élections, expliquez-moi ce que c'est !
De droite, Frigide a toujours été.
Comme Astérix, elle est tombée dans la marmite lorsqu'elle était petite : son père, industriel lyonnais était un généreux donateur du front national dont il recevait le père fondateur Jean Marie dans son château de Rilleux-la-Pape. Elle même n'en fait pas mystère, qui décrit volontiers dans des interviews les virées qu'elle a pu faire avec ce « bon vivant et épicurien » de Jean Marie LePen... Son père, auteur du livre « La préférence nationale, une réponse à l'immigration » publié en 1985 chez Albin Michel dans une collection dirigée par le frontiste Le Gallou.
A droite, elle reste, en épousant Bruno Tellenne, qui fut de 1986 à 88 rédacteur des discours du « très lisse » Charles Pasqua... , et condamné le 15 janvier 2001 avec Xavière Tiberi à une peine de prison avec sursis pour avoir occupé un emploi fictif.
De droite, elle reste représentative, en créant un mouvement qui a attiré toute l'extrême droite française comme un aimant attire la limaille de fer, au point qu'elle a fini par être jugée « trop modérée » et dépossédée de son jouet par ses trop remuants petits camarades.
Exister à tout prix ?
En faisant le grand écart, au propre et au figuré. Désavouée par son beau frère Karl Zéro, elle lui répond en lui rappelant les valeurs familiales dont elle semble pourtant s’accommoder plutôt mal puisque, pendant des années, elle a été une fêtarde invétérée égérie des boites gay en général et du Banana Café en particulier, où elle chante en tutu « Fais moi l'amour avec deux doigts ».... Mais sans doute tous ces folles soirées de cotillons devenaient-elles monotones à ses yeux.
La Manif pour tous a été pour elle une occasion inespérée de redevenir au devant de l'actualité, après les splendeurs passées de « Jalons ».
Mais voilà... Elle dit qu'elle en est sortie, les nouveau maîtres du mouvement qu'ils l'ont virée. Le livre « Touche pas à mon sexe » est saisi... Qu'importe la manière, le résultat est le même : le filon est porteur, mais il faut-tout recommencer.
Nouvelle association, nouveau livre, nouveau slogan, « le bon coup de CUC ». On ne demande plus l'abrogation de la loi, le créneau est occupé par le printemps français. On se contentera de demander sa réécriture. Sa dissection. Sa vivisection, la vider de son sens jusqu'à ce que mort s'en suive...
Alors, de l'opportunité de participer à la « résurrection » de Frigide, qu'en pense Laurent Ruquier ? Fallait-il attendre qu'un homme pas du tout de gauche, Bernard Menez, également invité, vienne dire que la France avait d'autres chats à fouetter ?
Avant, les médias concourraient à la meilleure information. Mais c'était avant.
Maintenant, ils concourent à la meilleure vente, aux plus gros bénéfices.
Alors, tout leur est bon. Ce n'est plus l'information qui compte, mais son petit côté sulfureux, choquant, ce petit détail qui fait jouir les voyeurs.
De la marche des fiertés et de la gay-pride, la télévision ne voit plus les centaines de milliers de gens qui défilent à travers les villes, mais le seul gogo avec une plume dans le cul juché au sommet du char. Il aura fallu trente ans de cinéma et de théâtre pour avoir des « Invisibles », des « Inconnus du lac » et autres films crédibles sur le sujet. Pendant des décennies, l'homosexualité n'a rien pu être d'autre que « la cage aux folles » et « pédale douce ».
Quid des dizaines de milliers d'enfants traînés par leurs parents dans les manifs pour tous, au milieu de slogans homophobes, portant des pancartes qu'ils ne comprennent pas et dont les enjeux les dépassent ? Un sur dix ou un sur douze, en grandissant, va découvrir son homosexualité. Comment va-t-il l’assumer après avoir été baigné dans un tel purin de haine, de contre-vérité et de discrimination ?
Chez les 13-19 ans, le suicide est la deuxième cause de mortalité immédiatement après les accidents de la circulation. Avec, presque toujours, cette lettre qui reste sur la table : « Papa, maman, pardonnez-moi, vous ne pouviez pas me comprendre... »
Que croyez-vous que Papa-Maman ne pouvaient pas comprendre ?
La manif pour tous protège-t-elle la jeunesse ou l'encourage-t-elle au suicide ?
Laurent Ruquier, avant d'inviter n'importe qui, de grands inutiles, voire des carrément nuisibles à s'exprimer dans votre émission, songez au rôle que le service public, auquel vous être attaché, doit jouer dans ce pays.