Hier, c’était la Journée de la Femme. Vous l’aviez peut-être remarqué si vous suivez notre page Facebook, mais nous essayons (à notre petite échelle) d’en faire un peu plus qu’une célébration de 24h. Oui, nous sommes une petite équipe à 95% féminine, mais nous pensons qu’il n’est pas nécessaire d’être directement concerné pour souhaiter soutenir une cause. C’est bien ce qu’a fait Mansour Fahmy, un homme, musulman, en rédigeant en 1913 sa thèse sur la Condition de la Femme dans l’islam. Il ne s’agit pas là d’un pamphlet, mais bien d’une étude audacieuse à la rigueur scientifique.
Je ne sais pas si je suis féministe, mais il est sûr que je veux me battre pour notre reconnaissance et notre émancipation en tant que femmes, et pas notre assimilation dans une société masculine. Je suis également passionnée par la culture islamique, son art et sa langue, ce qui m’a amenée à approcher la religion musulmane (islam et Islam étant deux choses bien distinctes, j’en ai conscience). Je suis parfaitement convaincue que l’on peut vivre pleinement et librement sa féminité tout en étant musulmane, et chaque jour d’incroyables personnalités me le prouvent, conciliant tout naturellement hijab et autonomie. J’ai eu notamment l’occasion de discuter avec la créatrice de la marque New Rebels, qui aime à tourner en dérision la peur que le monde occidental a de ce "voile" qui peut être porté comme un marqueur identitaire et éthique, volontairement, et non pas comme un signe de soumission. Mais niqab, burqa, là n’est pas le débat, du moins le mien aujourd’hui.
Il y a quelques mois, en faisant un tour à la librairie de l’Institut du Monde Arabe, je suis tombée sur ce tout petit livre, dans un coin. "La Condition de la femme dans l’islam" : beau programme, j’achète. Cet ouvrage est en fait la thèse de Mansour Fahmy, soutenue en 1913 ; elle lui aura coûté sa carrière, et presque sa vie en Égypte. En effet, à l’époque, les recherches dans ce domaine encore quasiment inédit ne font pas vraiment rire le gouvernement égyptien, qui l’accuse de raconter des sornettes sous l’emprise de son professeur de confession juive, et l’empêche d’enseigner dans son pays d’origine.
Quoi qu’il en soit, cette publication désormais centenaire est une véritable mine d’or. Elle se distingue de bien des textes contemporains, puisqu’elle se fonde sur des recherches universitaires et non seulement sur des ouï-dires, encore loin des débats sur l’immigration et la construction des mosquées en territoire français. Mansour Fahmy remonte aux origines de l’islam et de la situation de la femme musulmane pour essayer de comprendre pourquoi et comment elle peut être victime d’excès. Il se demande d’où viennent les coutumes vestimentaires de cette religion, comment fonctionnait la politique conjugale du temps de Mahomet, comment les règles instituées en leur faveur ont finalement desservi les femmes. Pourquoi la femme dite "libre" l’était finalement moins que l’esclave.
Sans apporter une seule réponse, ni condamner aveuglément qui que ce soit, l’auteur nous apporte des éléments de réflexion sur cette question, vaste et complexe, de la condition de la femme dans l’islam. A méditer.
Louise Deglin
Raconte-moi l’Histoire a elle choisi d’aborder les conditions des fileuses françaises au XIXe siècle. C’est ici, et c’est passionnant !
La Condition de la femme dans l’islam, Mansour Fahmy (thèse soutenue à la Sorbonne en 1913)
Editions Allia, 2002
6€20, 144 pages
ISBN: 2-84485-090-1
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