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La contemplation selon Aristote

Publié le 09 mars 2014 par Joseleroy

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Aristote (427-346)

"Une telle vie sera au-dessus de celle qui est selon l’homme ; car ce n’est pas en tant qu’homme qu’il vivra de cette manière mais en tant que quelque chose de divin est présent en lui-même. Et autant ce quelque chose de divin diffère du composé, autant aussi son acte diffère de celui qui est selon l’autre vertu. Si donc le noûs est divin par rapport à l’homme, la vie selon le noûs (l'esprit) est divine par rapport à la vie humaine. Il ne faut donc pas suivre ceux qui conseillent à l’homme, parce qu’il est homme, de borner sa pensée aux choses humaines, et mortel, aux choses mortelles. Mais l’homme doit, autant qu’il le peut, s’immortaliser, et tout faire pour vivre selon [la partie] la plus excellente qui est en lui ; car même si elle est petite par la masse, par la puissance et par la valeur elle dépasse de beaucoup tout le reste. On peut même penser que chaque homme s’identifie à cette partie même, puisqu’elle est principale et plus précieuse. Il deviendrait alors insensé s’il ne choisissait pas la vie qui lui est propre mais celle de quelqu’un d’autre. Ce que nous avons dit plus haut s’appliquera aussi maintenant : ce qui est propre à chacun est par nature ce qu’il y a de plus excellent et de plus agréable pour lui. Pour l’homme, c’est la vie selon le noûs, puisque c’est cela avant tout, l’homme. Cette vie-là est donc aussi la plus heureuse."

Aristote, Éthique à Nicomaque, X, 7, 1177 b 26 – 1178 a 8

 

Et voici un excellent article sur la contemplation dans l'encyclopédie Universalis (déjà mis enligne en mai 2010)

Par Alain Delaunay dans l'Encyclopédie Universalis.

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Delphes, photo de José Le Roy

"La plupart des philosophes grecs, et essentiellement pour le courant de pensée qui relie le pythagorisme, Platon et le néoplatonisme, la contemplation (théôria, de Théa : déesse, et oraô : voir) désigne une attitude de connaissance qui permet à l’être humain de se libérer d’une condition commune d’esclavage du sensible, des désirs et des opinions, et d’atteindre ainsi la perfection de sa nature et l’autarcie qui en résulte. La contemplation serait à la fois connaissance suprême, maîtrise de soi, vision directe des réalités célestes et proximité ou contact avec le divin. Par là, la philosophie grecque est en accord avec la sagesse traditionnelle, telle qu’on la retrouve formulée dans toutes les grandes voies spirituelles.

(...)

Théôria ne désigne pas la pensée pure, mais la vision directe, sans médiation, de la réalité, vision résultant d’un long effort de maîtrise et d’accomplissement de soi. La sagesse traditionnelle la désigne comme éveil, lumière et vision. Il s’agit de transformer l’homme en l’amenant à la lente prise de conscience de cette puissance de dépossession de soi. La finalité de la contemplation est de libérer l’humain d’une «chute», d’une «calamité originelle» qui le condamne à vivre en dehors de soi, dans un ordre qui est un «monde à l’envers». La catharsis philosophique consistera précisément à remettre à l’endroit la réalité humaine, puis à s’élever dans la connaissance de la réalité restaurée dans son orientation métaphysique originaire. Cette connaissance, traversant des niveaux de réalité de plus en plus englobants, reflète notre niveau d’être.

La contemplation est le moment de cette progression où l’être humain rejoint son centre. Elle ne constitue nullement un terme à la quête philosophique de la réalité, mais le passage décisif où s’opère une complète mutation de l’être et un abandon de la condition déchue, c’est-à-dire l’inconscience et la non-connaissance des principes premiers. Seulement alors, l’être humain est capable d’action. Car, après s’être purifié de l’emprise de cet inconscient qui l’habite et qui est opacité, il voit, par une illumination soudaine, la réalité en soi et pourra ainsi désormais référer tous ses actes à ce centre intelligible de soi. La contemplation réalise un intermédiaire nécessaire dans la «progression mystique» qui se scande en trois moments: 1ère     purification, représentant la vie humaine authentique; 2ème  contemplation, correspondant à la vie «daïmonique »; 3ème  enfin, la communion réalisant la vie divine en l’humain.

Les états de conscience contemplative correspondent à une série d’expériences supranoétiques, suggérées par des énigmes et des symboles (cf. Timée, 28 c). Plotin évoque l’état contemplatif comme «un contact ineffable et inintelligible, antérieur à la pensée» (Ennéades,V,3-10). Selon pseudo-Denys, le contemplatif ne s’élève dans ces expériences qu’«autant qu’il peut recevoir la lumière» (Hiérarchie céleste, IV,2). Cela revient à reconnaître que ce que nous connaissons nous le sommes. Le terme contemplation recouvre ainsi plusieurs niveaux d’ouverture de la conscience à la réalité. En ce sens, il ne s’agit pas d’un savoir, mais d’une attitude  d’attention, d’une expérience de présence à soi de l’être, d’un éveil qui est suprême recueillement sur soi de l’intellect contemplatif. Cette présence est témoignée par la symbolique de la lumière et est évoquée comme une fusion où la lumière fait conjoindre le regard qui contemple et la réalité contemplée. La fusion du contemplant et du contemplé est fréquemment traduite à travers un symbolisme de la hiérogamie. »

Alain Delaunay, Article Contemplation

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