Atteinte à la liberté
En revanche, l'affaire des écoutes est, elle, d'ores et déjà jugée : le procédé utilisé par la justice dans la poursuite de ses enquêtes est un abus de pouvoir inadmissible et une scandaleuse atteinte à la liberté. Il nous semble utile de résumer les épisodes essentiels de cette procédure afin que le lecteur puisse mesurer le niveau d'acharnement qu'elle révèle et qui ne peut qu'obéir à une volonté politique. Depuis près d'un an, donc, Nicolas Sarkozy et son défenseur Me Thierry Herzog sont sur écoute. Jamais en France ancien président de la République ne connut ce sort. Il n'est pas illégal, puisque l'ancien chef de l'État est redevenu un justiciable comme les autres. S'agissant d'un avocat, le problème est plus complexe. Un avocat peut être écouté et perquisitionné, mais à certaines conditions, qui ne semblent pas toutes avoir été remplies s'agissant de cette affaire. D'où l'émotion considérable que celle-ci provoque dans le milieu judiciaire.Ces écoutes furent ordonnées dans le cadre de l'information relative au soutien financier supposé de la Libye à la campagne présidentielle de Sarkozy. Elles ont permis au pouvoir judiciaire et au pouvoir politique de se tenir informés 24 heures sur 24 de tous les propos tenus au téléphone par Sarkozy, relatifs aussi bien à sa vie publique qu'à sa vie privée, et à son insu, bien évidemment. Rien n'a échappé aux enquêteurs des conversations échangées par leur proie avec ses interlocuteurs sur tous sujets, notamment ceux qui nourrissent la chronique judiciaire dont Sarkozy est le héros, par exemple l'affaire Tapie, l'affaire Bettencourt et également la question en suspens de la saisie des agendas de l'ancien président.
Chasse à l'homme
À
ce sujet, les enquêteurs saisirent un jour une conversation entre
Sarkozy et son avocat, d'où il ressortait que les deux hommes étaient
informés de l'évolution de ces dossiers par un de leurs amis, Gilbert
Azibert, avocat général près la Cour de cassation, et que ce dernier
avait exprimé le souhait que Nicolas Sarkozy soutienne sa candidature au
poste de conseiller d'État à Monaco. La justice avait enfin découvert
le crime, elle avait prétexte à piéger la bête. Dans une procédure
accélérée, elle allait faire son oeuvre. Le tout récent parquet national
financier, nommé sur proposition de Taubira par François Hollande et
contesté par la majorité du monde judiciaire, fut, à peine installé,
saisi de ce dossier. Il ouvrit le 26 février dernier une information
judiciaire visant Nicolas Sarkozy pour "trafic d'influence". Une
gigantesque opération policière fut engagée lundi dernier :
perquisitions à la Cour de cassation et au domicile de Me Herzog et de
Gilbert Azibert, saisies de courrier, de documents, de téléphones. On en est là. Cela signifie qu'à l'heure qu'il est et sous bénéfice d'inventaire, la chasse à l'homme menée sans relâche par les enquêteurs depuis un an n'aura donné, si l'on en croit les révélations du Monde, que ce piètre résultat : Sarkozy coupable de trafic d'influence. Trafic d'influence, l'intervention d'un ancien président de la République en faveur d'un haut fonctionnaire à la veille de sa retraite pour un enjeu dérisoire : la nomination à un poste honorifique à Monaco ! Tant d'efforts, de moyens, d'énergie ; cette traque obstinée, cette montagne de haine pour accoucher d'une souris dérisoire. Mieux : il apparaît, selon les plus récentes informations, que la principauté de Monaco n'a jamais été l'objet d'une intervention extérieure dans la procédure de recrutement d'un conseiller à sa cour, et que de surcroît la candidature de M. Azibert n'avait même pas été retenue.
Une justice politique
Tout dans cette affaire des écoutes - les procédures utilisées, les méthodes, la précipitation, les violations du secret, l'abus des pouvoirs, l'atteinte aux libertés et aux droits de la défense -, tout atteste d'un acharnement qui éveille le soupçon. Et comme l'enjeu de cet acharnement est politique - c'est un ancien président de la République qui est visé, objet de la sourde rancune affirmée depuis son élection par son successeur, dans un contexte difficile pour ce dernier -, comment le soupçon pourrait-il être autre que politique ? Ce n'est pas faire injure aux juges que de le penser.Depuis si longtemps se pose dans ce pays le problème du respect par le pouvoir politique de l'indépendance du pouvoir judiciaire ! La création du récent parquet financier ne procède-t-elle pas d'une décision politique imposée aux juges, qui, dans leur majorité, ne la souhaitaient pas ? Sur les traces de François Mitterrand, qui, en 1981, conquit le pouvoir sur le procès implacable fait au gaullisme d'avoir instauré en France une justice politique pour mieux soumettre par la suite durant ses deux septennats la justice à sa loi, François Hollande reconduit ce schéma.
Assouvissement d'une haine
Qui peut croire que l'obstination qu'il montre aujourd'hui à poursuivre l'ancien chef de l'État, en utilisant à cette fin des procédés à la limite du droit, répond davantage à un souci de justice qu'à d'autres mobiles : l'assouvissement d'une haine à peine dissimulée, la destruction politique d'un concurrent, une manoeuvre de diversion propre à masquer ses embarras personnels ? Le tout habillé par ce discours moral dont les socialistes enrobent le moindre de leurs actes pour en cacher la vilenie.Si Sarkozy a commis les crimes que lui imputent François Hollande et ses amis, la justice le dira, et l'on respectera son verdict. Mais l'actuel président n'a ni la fonction ni le pouvoir de se substituer à elle en cautionnant des manoeuvres douteuses - les écoutes - dont la seule mise en oeuvre jette l'opprobre sur ceux qui en sont victimes avant même que la preuve de leur culpabilité ne soit avérée. Or, à l'heure qu'il est, les écoutes dont Sarkozy est l'objet depuis un an n'aboutissent visiblement qu'à un pétard mouillé. Mais le mal est fait.
source : lepoint.fr