Serions-nous capables de moduler notre délai de prise de décision pour prendre de meilleures décisions? Cette étude constate en effet que la justesse d’une décision peut être améliorée en la retardant d’une fraction de seconde et que ce processus peut-être plus ou moins « sous contrôle ». Au-delà des enjeux du quotidien, ces conclusions, présentées dans la revue PLoS ONE, pourraient contribuer à améliorer notre compréhension de certains troubles neuropsychiatriques de la fonction cognitive. En particulier la procrastination, ou la tendance à remettre systématiquement la décision au lendemain…
Pourquoi commettons-nous, parfois, des erreurs de perception puis de décision? Les auteurs de la Columbia University nous expliquent que cela se produit quand le processus de décision est lancé trop rapidement, avant que notre attention sélective ait bien sélectionné les données sensorielles pertinentes et les ait bien séparées de données de « distraction ». Mais sommes-nous capables de prolonger ce processus de décision pour augmenter la justesse de la décision? Ici, les chercheurs confirment que la précision de la prise de décision peut être améliorée en retardant cette prise de décision d’une fraction de seconde.
La prise de décision n’est pas toujours facile et nous faisons parfois des erreurs sur des tâches apparemment triviales, en particulier lorsque plusieurs données contradictoires monopolisent notre attention, explique le Dr Tobias Teichert, chercheur en neuroscience à la Columbia University et professeur adjoint de psychiatrie à l’Université de Pittsburgh.
Un nouveau mécanisme efficace pour améliorer la précision de la décision! Le mécanisme existe bel et bien. Retarder le début du processus de décision de si peu que 50 à 100 millisecondes permet au cerveau de se concentrer sur l’information la plus pertinente et de bloquer les éléments distrayants non pertinents. Plutôt que de « mouliner » plus longtemps à traiter un trop grand nombre d’informations, dont certaines non pertinentes, le cerveau reporte simplement la prise de décision à un moment plus bénéfique. La tâche serait rendue plus difficile si des informations non pertinentes interfèrent avec les données à traiter. Cependant, bien que le cerveau soit capable de filtrer, ce mécanisme prend un peu de temps. Des études ont déjà démontré, écrivent les auteurs, que la précision de la réponse peut être améliorée en prolongeant le processus de décision, afin de laisser le temps au cerveau de collecter les bonnes données.
Un compromis entre la vitesse et la justesse : « speed-accuracy trade-off », c’est le nom de ce compromis cérébral, que les chercheurs ont tenté de tester , avec leurs expériences :
· Dans la première expérience, les sujets face à un écran d’ordinateur représentant un essaim de points mobiles disposés en aléatoire (« stimulus cible ») ont été invités à juger si le mouvement d’ensemble allait vers la gauche ou la droite. Une deuxième série de points lumineux en mouvement (« groupe distracteur ») apparaissait simultanément dans le même emplacement, venant perturber l’information. Lorsque les points distracteurs se déplaçaient dans la même direction que les points cibles, la précision des participants s’avère quasiment parfaite, mais lorsque les points distracteurs vont dans la direction opposée, le taux d’erreur augmente. Lorsque les chercheurs demandent aux sujets d’effectuer la même tâche en prenant leur temps, le taux de précision, évidemment s’améliore.
· La seconde expérience était identique, si ce n’est que les sujets devaient rendre leur réponse lors d’un signal sonore. Le temps alloué à la prise de décision variait entre 17 et 500 millisecondes, un peu comme dans la vie réelle. Et dans ces conditions, il faut environ 120 millisecondes pour détourner l’attention d’un stimulus distracteur pour prendre la bonne décision, montre lexpérience.
Retarder plutôt que prolonger le processus de décision est donc bénéfique à la justesse de la décision. Ce délai permet à l’attention de se concentrer sur les données pertinentes et prévient toute interférence avec les données non pertinentes. Fondamentalement, en retardant la décision, vous avez plus de chances de prendre la bonne décision, conclut l’auteur. Car, la première expérience suggère aussi que le moment de la prise de décision est, dans une certaine mesure, sous contrôle cognitif : Les sujets utilisent spontanément ce mécanisme pour améliorer la précision de leur réponse. Des stratégies de formation qui permettrait de renforcer le contrôle conscient de ce mécanisme pourraient ainsi bénéficier à une prise de décision plus juste, en particulier en situation de crise, mais aussi dans certaines maladies telles que le TDAH ou la schizophrénie.
C’est la première étude scientifique qui vient expliquer la procrastination, souligne l’auteur, cette propension à remettre systématiquement au lendemain.
Source: PLoS ONE March 05, 2014 DOI: 10.1371/journal.pone.0089638 Humans Optimize Decision-Making by Delaying Decision Onset
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