Le Printemps des poètes a commencé hier en Franc, il met notamment à l’honneur Max Jacob, disparu il y a 70 ans. C’est avec plaisir que je vous propose à nouveau un texte de lui, et de circonstance… Bon dimanche de printemps à tous !
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L’ongle de
Dieu ! l’ongle de
Dieu
a rayé, a rayé la nue, des nues des nuits
c’est une craquelure ; l’éclair derrière la nuit
devient un glaive et rougoie ainsi qu’un météore.
Alors la bouillie verte entre en convulsions
entre en fièvre secrète, en extase secrète.
Et le cal de la terre se redresse et s’affale
le cal noir de la carapace de la terre !
Syllabe par syllabe
le
Nain au visage destructeur
piétine les syllabes du
Verbe.
Qui s’éveille, s’éveille ? le lamento des coucous !
qui s’éveille ? le madrigal des bourgeons duveteux
le baiser des invisibles buveuses de miel !
qui éveille le jeu des tigres de la mort en fuite ?
le
Printemps dont la tête oscille de boucles folles.
L’élite des génies que la musique a attirée
escorte le
Printemps, le
Printemps vétilleux
sur le corps amaigri, amaigri de la terre
escorte le
Printemps, le printemps vétilleux.
Sur la carapace calleuse de notre terre
pèsent les capsules et les boucles folles
le collier blanc des pâquerettes, le collier
et les tiges de l’amour timide, humide.
L’amour timide, dominateur du monde,
métamorphose l’épine et la haie des prunelles,
détruit les cygnes qui habitent les ascètes.
Qui éveille tes flèches impaires, ô soleil ?
Quand j’aurai vu les couleurs de ce monde
Où vivent les esprits qui n’attendent plus rien
et l’amour océan où les élus s’inondent
je croirais dur qu’ici nous sommes comme des chiens.
ô jardin fabuleux qu’encense votre grâce
Dieu, suivi des regards des saints extasiés !
Là, les sens détendus par la langueur
oubliant les fatigues des routes de la terre
ils découvrent les perspectives nouvelles du bonheur
ils s’inclinent vers la volupté comme vers une rivière
aphrodisiaque, ils puisent, fiers amants,
dans les girandoles de la grâce, elle bourdonne.
Ils réalisent l’union, et désirent ardemment
le grondement de la grâce dans la poitrine qui trombone
ils scintillent comme des cristaux, ils fleurissent
comme des astres, la grâce sort en larmes
de leurs yeux sanglants de rubis
sur les faces brillantes comme des armes.
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