Qu’est-ce qu’on a au programme aujourd’hui? Hum… 300 : Naissance d’un empire.
Euh… Ils ont fait une suite à 300? Comment est-ce possible? Parce qu’à la fin du péplum gonflé à la testostérone de Zack Snyder, il ne reste plus grand monde de valide. On peut même dire qu’ils partirent 300, mais un prompt renfort de combats sanglants sur fond gris anthracite et la trahison d’un Quasimodo local, ils se virent zéro en arrivant au bord des Thermopyles. Aucune chance de les voir revenir jouer du glaive devant la caméra, sauf à l’état de morts-vivants…
Bon, en fait, 300: Naissance d’un empire est à la fois une préquelle expliquant pourquoi les Perses ont envahi la Grèce et comment Xerxès s’est transformé en démon mordoré, une histoire se déroulant en parallèle de la bataille de Thermopyles et une suite racontant la vengeance des spartiates. Rien que ça.
Le héros de ce second opus de la saga n’est plus Léonidas mais son cousin, Zeph de Bruges, et…
Ah pardon, on nous dit qu’en fait, il s’agit de Thémistocle, le héros grec de la bataille de Marathon. Notre erreur vient du fait que l’acteur qui l’incarne, Sullivan Stapleton, passe lui aussi son temps à exhiber ses tablettes de chocolat abdominales face à la caméra.
Le problème, c’est que c’est à peu près tout ce qu’il nous offre en terme de “performance artistique”. Comme Gerard Butler dans le premier opus, nous direz-vous. Oui, c’est vrai, le jeu d’acteur de ce dernier était tout aussi peu raffiné, mais au moins avait-il une présence forte à l’écran. Ce qui n’est pas le cas de Stapleton, d’une fadeur assez surprenante.
Comment se passionner pour un récit dont le personnage central possède à peu près autant de charisme qu’un bocal de féta avarié? Il ne suffit pas de nous dire qu’il a gagné la bataille du Thermolactyl ou qu’il et champion de marathon pour que l’on s’identifie à lui. C’est pourtant le parti pris par le réalisateur Noam Murro, et les scénaristes Zack Snyder et Kurt Johnstad. Intenable…
Deuxième problème, l’esthétique du film.
Comme pour 300, le visuel a été trituré dans tous les sens pour coller à l’esprit du roman graphique original : clairs-obscurs, images aux couleurs insaturées, gris-bleutées, où éclatent quelques touches de bleu flashy, de rouge écarlate et d’orangé flamboyant, vernis glacé atypique…
Ah, c’est beau! Du moins c’est ce qu’on se dit au début. Car après avoir passé vingt minutes dans ces décors anthracite, on commence à fatiguer, et la déprime nous guette. Surtout si on voit le film en relief, les lunettes 3D assombrissant davantage une photo déjà peu lumineuse…
Mais le plus agaçant, c’est le parti pris de filmer les batailles avec force ralentis sur les gorges tranchées, les têtes coupées, les membres arrachés…
C’est bien simple, on a plus l’impression de voir un film éducatif à l’usage des apprentis bouchers-charcutiers qu’un péplum…
La violence et le gore ne nous gênent pas plus que cela. C’est juste la répétition des mêmes scènes de combat, filmées de façon pompière et soutenues à grand coups de musique tonitruante et d’effets sonores envahissants, qui finit par nous ennuyer profondément.
Et des combats, ce n’est pas ce qui manque dans le film de Noam Murro : batailles navales ou affrontements sur la terre ferme, corps à corps ou attaques à distance, au glaive ou à l’arc… Le cinéaste a choisi de délaisser les considérations politiques propres à la Grèce Antique pour se focaliser exclusivement sur l’action. Mais, conscient qu’il ne tiendra pas la route juste avec cela, il essaie néanmoins de glisser quelques notions tactiques dans les plans de Thémistocle, afin de pimenter le récit de considérations intelligentes sur l’Art de la Guerre. L’idée était probablement de réaliser un équivalent des 3 Royaumes, version péplum. Mais évidemment, la comparaison n’est guère flatteuse, le film de John Woo surpassant mille fois ce navet ridicule.
Les 3 royaumes traitait avec subtilité de stratégies guerrières, d’alliances et de trahisons, de politique et de considérations humaines, là où 300 : Naissance d’un empire se contente d’aligner les poncifs les plus réactionnaires sur la camaraderie virile des soldats et la nécessité de se sacrifier pour sauver la Liberté et la Démocratie.
Mmm… Drôle de conception de la liberté, d’ailleurs, que celle véhiculée dans le film, où les ennemis sont systématiquement abattus, décapités, réduits en morceaux, et où les forces vives qui font avancer les navires sont des esclaves que l’on fouette jusqu’au sang…
Bon, on ne va pas refaire l’histoire. C’était sûrement comme cela que ça se passait à l’époque. Mais cela plombe quelque peu le message idéaliste du film sur la nécessité de se battre pour la défense des grandes valeurs et de la civilisation…
Au moins, le cinéaste a pris soin de gommer l’un des principaux défauts du premier film : le manichéisme douteux opposant les valeureux spartiates, bien blancs, aux infâmes perses – mélange de Noirs, d’Arabes, d’Asiatiques, de traîtres handicapés et de démons des enfers… On ne peut pas tout avoir…
C’est le seul point sur lequel Murro tente de se démarquer de 300, car pour le reste, il s’est contenté de copier/coller les caractéristiques du premier opus.
On peut le comprendre. Le film de Zack Snyder, malgré ses nombreux défauts et les controverses qu’il a pu susciter, a acquis auprès de certains spectateurs le statut de film-culte.
Parmi les éléments qui ont contribué à cette réputation, il y a la fameuse scène où Leonidas “négocie” avec l’émissaire perse – et l’envoie dans le vide d’un coup de tatane rageur, tout en beuglant “THIS IS SPARTAAAA!”. Murro en a conscience. Aussi, il ne manque pas une occasion de mettre en scène le fameux coup de pied. On peut même dire qu’il en abuse. Une fois, ça passe, c’est un clin d’oeil. Deux fois, à la limite. Mais au-delà, ça devient lassant. Une telle lourdeur mériterait des coups de pied au culte…
Même constat pour les répliques, qui se voudraient marquantes mais ne sont que ridicules. Le plus bel exemple : “Ton glaive est plus ardent que ta queue” (“You fight better than you fuck”, en VO, ce qui n’est guère plus raffiné).
Résumons la composition de ce sandwich grec : beaucoup de viande, saignante ou carbonisée, dans des slips moulants rouge-tomate, des répliques bien grasses, des acteurs expressifs comme des feuilles de laitue, des ralentis qui piquent les yeux comme des oignons, le tout nappé de sauce grisâtre peu appétissante. Un peu indigeste tout ça…
Pour faire passer ça, vous prendrez bien un doigt de Xerxès?
Ah ben non, tien, il n’y en a plus… Euh, à quoi ça sert de nous raconter dans le détail comment Xerxès, le fils du souverain de Perse, est devenu le Dieu-Roi et s’est forgé son look assez original, si c’est pour le cantonner ensuite à un rôle insignifiant? On s’attendait à ce qu’il intervienne dans la grande bataille finale, contre les flottes grecques et spartiates réunies. Mais non, il quitte la zone de combat avant le début des hostilités… Il y aura peut-être un troisième épisode où il aura une importance plus grande, d’accord, mais en attendant, son histoire monopolise plusieurs minutes de ce second volet, au détriment des autres personnages. Et puisqu’on n’a pas vraiment l’occasion de s’attacher aux héros grecs – hormis l’agaçant duo père-fils, qui charrie à lui seul une demi-douzaine de poncifs, et le monolithique Thémistocle – on ne vibre pas à leurs aventures…
Le seul personnage qui tient la route – à peu près – c’est Artémise. Une femme aussi belle qu’impitoyable, qui a intrigué pour que Xerxès obtienne les pleins pouvoirs, puis l’a manipulé pour qu’il déclare la guerre aux grecs. Elle dirige la flotte perse d’une main de fer et tente d’user de ses charmes pour pousser Thémistocle à rejoindre l’armée perse. Eva Green, le regard charbonneux, comme dans Dark shadows, et la poitrine généreuse, semble beaucoup s’amuser à incarner cette féroce guerrière. Mais, faute de situations intéressantes à jouer et de répliques intelligentes à déclamer, sa performance reste assez vaine, insuffisante pour tirer l’ensemble vers le haut.
Car si la flotte grecque finit par l’emporter sur l’armée perse, le film, lui, fait naufrage.
C’est du moins notre avis. Il est probable que certains inconditionnels de la saga, peu exigeants sur la qualité, ne le partageront pas et nous agoniront d’insultes pour avoir osé critiquer négativement ce “chef d’oeuvre”. Officiellement, c’est le jeu de la Démocratie, on l’accepte. Officieusement, on a très envie d’envoyer valser ce film et ses partisans dans le royaume d’Hadès, à coups de pieds et en beuglant “C’EST UN NANAAAAAR!”. L’élégance spartiate, quoi…
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300 : Rise of an Empire
Réalisateur : Noam Murro
Avec : Sullivan Stapleton, Eva Green, Lena Headey, Rodrigo Santoro, Jack O’Connell, Callan Mulvey Origine : Etats-Unis
Genre : sandwich grec écoeurant
Durée : 1h42
Date de sortie France : 05/03/2014
Note pour ce film :●●○○○○
Contrepoint critique : Les Toiles héroïques
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