Jirô a toujours voulu être aviateur mais sa vue ne lui permettait pas, alors il s'est reconverti dans la construction d'avions. Nahoko est une jeune peintre qu'il a rencontré autrefois lors d'un tremblement de terre. Ensemble, ils vont s'aimer et ce malgré la fatalité de la vie...
La critique hommage de Borat
Il y a des réalisateurs qui ont réussi à tirer leur épingle du jeu ces dernières années dans l'animation japonaise, en particulier Mamoru Hosoda et le regretté Satoshi Kon, patissant une oeuvre là où certains n'ont pas réussi à dépasser l'essai (on pense aussi bien à Katsuhiro Otomo et Mamoru Oshii). Mais cruellement, la retraite d'Hayao Miyazaki sonne la fin d'une époque, celle où Ghibli rayonnait par dessus le monde. Aujourd'hui, le studio a des réalisateurs pouvant succéder à sa gouverne comme son fils Goro ou Hiromasa Yonebayashi (réalisateur d'Arrietty), mais certains des projets étaient encore superviser par Miyazaki. Le vent se lève apparaît donc comme la fin d'une ère pour le studio mais aussi pour l'animation japonaise. Alors savourons Le vent se lève comme un adieu chaleureux à l'un des meilleurs réalisateurs du cinéma d'animation. Ce film aurait très bien pu être un biopic classique sur Jirô Horikoshi, créateur d'avions au cours de la Seconde Guerre Mondiale, mais il décide de l'associer à un personnage fictif basé sur un poème de Tatsuo Hori. Il ne s'agit donc plus d'un vulgaire biopic, mais d'une fiction avec des éléments réels.
Ce qui est d'autant plus visible dans le fait que Miyazaki utilise une imagerie parfois rêvée en rapport avec le point de vue de Jirô et notamment ses rencontres avec son idole, Giovanni Caproni, qu'il ne verra jamais durant sa vie en dehors de ces moments imaginaires. Néanmoins, leurs entrevues s'avèrent essentielles, montrant deux êtres ayant tout en commun y compris leur amour pour les avions qu'ils voient partir pour être détruits quasiment aussitôt à la guerre. Outre le fait de confondre réalité et fiction avec l'existence de Jirô et son personnage féminin issue de la poésie, Miyazaki se permet donc un trip entre réalité et rêve lui permettant d'analyser le subconscient de son héros. C'est d'autant plus pertinent que Miyazaki ouvre son film par une séquence de rêve. Le spectateur ne fait pas attention, absolument émerveillé par le tour de force, mais des indices nous permettent de voir qu'il s'agit d'un rêve. On peut le voir par l'avion que Jirô pilote avec ses ailes étranges rappelant un peu trop celles des oiseaux, mais aussi par le rapprochement entre l'avion et les décors passant quasiment inaperçu malgré sa taille.
Sans compter le fait que le héros n'a pas ses lunettes mais ça, le spectateur ne le sait pas encore et la vocation de Jirô (à savoir de pouvoir faire des avions même en étant myope) viendra des mots de Caproni dans ses rêves. Après cela, Miyazaki fait un saut dans le temps en montrant l'entrée à l'université de Jirô par un impressionnant tremblement de terre. Mais curieusement rien à voir avec un habituel séisme, ici on a l'impression d'un cartoon où la terre bouge comme un tapis mal mis. C'est seulement en voyant les immenses flammes noircissant le ciel que l'on comprend le drame en place. Mais même là nous n'avons jamais l'impression d'être face à un biopic. L'effort de guerre que doit faire Jirô est montré d'une manière anti-patriotique. Avec un sujet aussi brûlant que la Seconde guerre mondiale vu depuis un point de vue japonais, Miyazaki aurait pu tomber dans l'apologie de la guerre. Mais Jirô nous est montré comme un pacifiste faisant des avions afin de tutoyer la perfection. Preuve en est avec cette réplique qui fait rire ses collaborateurs: "Mon avion irait beaucoup plus vite si on enlevait ces mitraillettes".
Outre cela, il y a aussi cette magnifique histoire d'amour entre réalité et fiction. Lui est inventeur d'avion, elle peintre. Le problème est que lui n'est pas assez là, elle est atteinte de la tuberculose. Encore une fois, Hayao Miyazaki évoque sa mère, elle aussi atteinte de la maladie, avec une tendresse incroyable. On ressent un réel amour entre les deux, peut être la plus belle histoire d'amour des films du maître. Un amour pur entre deux êtres unis par un tremblement de terre et dévasté par la mort. Indéniablement, Miyazaki livre une magnifique histoire d'amour particulièrement pudique que l'on peut notamment voir par la nuit de noce qui s'arrête dès que la lumière est éteinte. (attention spoilers) Mais surtout pour éviter le pathos, le réalisateur évite la scène d'enterrement qui aurait pu être particulièrement pathos. Il préfère nous montrer un rêve dans lequel son ami italien lui montre sa femme dans un coin de prairie en train de lui faire ses adieux. En la montrant installée dans son imagination, Miyazaki se permet ainsi de montrer qu'elle restera toujours dans sa mémoire et ainsi de pouvoir faire son deuil. Il a une nouvelle fois touché au but en suscitant l'émotion dans un pareil moment. Une beauté qui apparaît comme le dernier plan d'un testament incroyable pour le cinéma d'animation. (fin des spoilers)
Un dernier film tout simplement magnifique, entre réalité, rêve et fiction. Jamais retraite d'un cinéaste n'a été aussi triste.
Note: 20/20