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Stephen King et effarement géographique, par Alain Gagnon…

Publié le 08 mars 2014 par Chatquilouche @chatquilouche

Délectations à lire Écriture ; mémoire d’un métier de Stephen King.  Dans un de ses avant-propos – on en trouve trois CA: Premiere Of Paramounts' Remake Of !… – il parle de cette formation rock qu’il a mise sur pied avec d’autres écrivains prolos et il écrit : « Nous sommes des écrivains et nous ne nous demandons jamais les uns aux autres où nous pêchons nos idées, car nous savons que nous l’ignorons. »  Criant de vérité.  Il y a quelques années, j’ai fondé, avec d’autres écrivains originaires du Saguenay-Lac-Saint-Jean, une association professionnelle.  J’en ai même été le président pendant deux ans et demi.  Le tout roule assez bien puisque d’une douzaine nous sommes passés à plus de trente membres et les écrivains de la Côte-Nord se sont joints à nous.  Aussi longtemps que nos activités tournaient autour de réalisations concrètes (notamment, ces recueils de textes réunis sous le titre Un Lac un Fjord), les choses se déroulaient plutôt bien.  Lorsque venu le temps maudit des échanges sur l’intime – le pourquoi écrire ?  - pour être bref, et demeurer minimalement civil, nous avons obtenu, au mieux, des fiascos polis.  Existent des réalités qui ne se discutent pas et ne s’échangent pas entre créateurs ; elles font partie du domaine de l’inconnu, du mystère.  Lors de rencontres, les écrivains, plutôt que de ne rien dire, disent n’importe quoi.  Et comme le n’importe-quoi de l’un ne s’accorde pas nécessairement avec les n’importe-quoi des autres, démarrent les disputes stériles autour de mots, de phrases privées de pieds et de mains, c’est-à-dire de toute réalité.

Dans les rencontres scolaires, lorsque j’en arrive à déborder sur le paratexte, à devenir verbomoteur hors de l’intrigue, je me déteste encore plus qu’à l’habitude.  Dieu, que nous nageons avec aisance savante dans les eaux du mensonge !

(Le chien de Dieu)

(Note de l’auteur :  Ces carnets, intitulés Le chien de Dieu, couvraient les années 2000 à 20004.  Pour être honnête, je me dois de préciser que, depuis ce temps, cette association, l’APES, a su franchir des pas difficiles et se tirer passablement bien d’affaires. AG)

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Un étudiant de l’Estrie fait un travail sur Le ruban de la Louve et m’interroge par courrier sur l’effarement provoqué par la proximité de la taïga et de la toundra dans mes ouvrages.  Cet effarement, je n’en avais jamais été réellement conscient avant que je ne voyage fréquemment par avion, dans les années ’70-80′, entre le Saguenay, Montréal et Kingston.  Par temps clair, ça frappe en plein front de là-haut : de minces rubans urbains le long du fjord et du fleuve.  Et tout le reste ?  De la forêt, des vallées, des escarpements chauves, des lacs où s’insinuent de rares et brefs chemins de pénétration.  Solitude et écrasement.  Comme je l’expliquais à un ami français qui me racontait s’être promené dans la campagne du Périgord et avoir abouti dans un hameau qu’il ne connaissait pas :  « Chez moi, si on s’égare, on n’aboutit nulle part et on risque la mort.  Au large des terres défrichées, c’est la taïga, puis la toundra.  » On pourrait marcher ainsi jusqu’au pôle – à condition d’en avoir l’énergie.  Tout cela ne peut que marquer l’enfance, la psyché collective des habitants du lieu, donc, les textes de fiction ou de réflexion qui en émergent.

(Le chien de Dieu)

L’auteur :

Auteur prolifique, Alain Gagnon a remporté à deux reprises le Prix fiction roman du Salon 

Stephen King et effarement géographique, par Alain Gagnon…
du Livre du Saguenay–Lac-Saint-Jean pour Sud (Pleine Lune, 1996) et Thomas K (Pleine Lune, 1998).  Quatre de ses ouvrages en prose sont ensuite parus chez Triptyque : Lélie ou la vie horizontale (2003), Jakob, fils de Jakob (2004),Le truc de l’oncle Henry (2006) et Les Dames de l’Estuaire (2013).  Il a reçu à quatre reprises le Prix poésie du même salon pour Ces oiseaux de mémoire (Le Loup de Gouttière, 2003), L’espace de la musique (Triptyque, 2005), Les versets du pluriel (Triptyque, 2008) et Chants d’août (Triptyque, 2011).  En octobre 2011, on lui décernera le Prix littéraire Intérêt général pour son essai, Propos pour Jacob (La Grenouille Bleue, 2010).  Il a aussi publié quelques ouvrages du genre fantastique, dont Kassauan, Chronique d’Euxémie et Cornes (Éd. du CRAM), et Le bal des dieux (Marcel Broquet).  On compte également plusieurs parutions chez Lanctôt Éditeur (Michel Brûlé), Pierre Tisseyre et JCL.  De novembre 2008 à décembre 2009, il a joué le rôle d’éditeur associé à la Grenouille bleue.  Il gère aujourd’hui un blogue qui est devenu un véritable magazine littéraire : Le Chat Qui Louche 1 et 2 (https://maykan.wordpress.com/).


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