Or, pour moi, la culture, c’est tout ce qui refuse les similitudes, l’immobilisme des racines, les miroirs de la mémoire close, tout ce qui refuse ou écarte le semblable ou le similaire pour rechercher ce qui est différent, ce qui est dissemblable. Etre cultivé aujourd’hui, ce n’est pas lire Tacite ou Homère dans le texte (ça c’est l’érudition), ce n’est pas non plus connaître par cœur les composantes chimiques du sol de Mars ou de Saturne, c’est simplement admettre jusqu’en sa propre création la culture des autres, c’est même au besoin se mêler à elle et la mêler en soi. Etre cultivé aujourd’hui, c’est porter en soi à sa mort des mondes plus nombreux que ceux de sa naissance. C’est s’enrichir et s’agrandir en se tissant, se métissant de la culture des autres.
Jacques Lacarrière
Extrait de « Nous ne sommes plus des paramécies »
Texte publié dans la revue Gulliver (93)