Ni dieu ni maître ou
la vie d’Auguste Blanqui, le révolutionnaire
14 mai 1871. Paris. En plein mouvement révolutionnaire issu de La Commune contre Les Versaillais, les insurgés proposent de libérer 74 otages qu’ils retenaient à Paris contre la libération du vieux révolutionnaire Louis-Auguste Blanqui. Pour négocier, ils délègue Monsieur Flotte qui essuie un refus sanglant d’Adolphe Thiers, futur Président de la République.
Pour éviter une escalade de la violence, le pouvoir déplace Blanqui de la prison de Cahors à la caserne de Plouezoc’h dans le Finistère. Après un énième procès, le révolutionnaire de 67 ans est de nouveau enfermé.
Cinq années plus tard, dans sa cellule qu’il a bien aménagée, il reçoit la visite de Aurélien Marcadet, un journaliste parisien qui souhaite écrire un papier sur la vie de l’éternel insurgé. Très malade, il éconduit plusieurs fois le jeune homme. Tous les vendredis à 14h et pour l’amadouer, il lui laisse les quotidiens de la presse nationale, l’un de ses seuls liens avec l’extérieur. L’ombrageux écrivain accepte alors de raconter sa vie et ce à partir de l’âge de 17 ans, pour lequel il lui confiera : « J’avais 17 ans lorsque j’ai appris à haïr cette société… ». Le 21 septembre 1822, Blanqui assiste à l’exécution d’hommes ayant voulu renverser la monarchie. Ce jour-là est née sa révolte, sa haine contre Napoléon, les nobles et les grands bourgeois. Il entre alors dans une société secrète La Charbonnerie, opposée à La Restauration. Dans le même temps, il commence à écrire dans un journal révolutionnaire et devient professeur d’histoire et de lettres dans une pension de jeunes filles.
Touché au cou par une balle lors d’une manifestation ouvrière et étudiante, il devient rédacteur au journal Le Globe. C’est le début de sa vie d’insurrection où il prône la violence pour renverser le pouvoir. Avec le journaliste, il évoque ses souvenirs, sa vie de couple avec Amélie, son parcours politique, ses relations avec Barbès ainsi que ces nombreux procès et ses longues années de captivité ; ce qui lui a d’ailleurs valu le surnom de L’enfermé, passant 43 années de sa longue vie en prison. Entre les manifestations, les créations de différents journaux et différentes sociétés secrètes, où l’on apprend à se battre et à tuer, la vie de Blanqui est très remplie.
Pendant ses visites, Aurélien rejoint la Société des Amis du Peuple, ses premiers articles sont publiés. Dans le même temps, Georges Clémenceau, le futur homme fort de la République, prend la défense de Blanqui.
Dans cet album de 198 pages, Maximilien Le Roy raconte d’une sublime manière la vie incroyable de Blanqui, éternel insurgé mais peu connu du public. L’homme a beaucoup fasciné, dérangé et terrifié, accusé tour à tour d’être un « démon sans âme » ou encore un « tyran au sang de serpent ». L’auteur de Nietzsche se créer liberté, met en lumière un patriote et internationaliste, anticolonialiste, laïc, féministe, végétarien et écologiste avant que le mot ne soit inventé. L’homme qui n’accéda jamais au pouvoir, apparaît tour à tour de manière ombrageuse et lumineuse, détestable et agréable, violent et pacifiste. Ce sont ces sentiments mêlés que peut entr’apercevoir le lecteur à la lecture de ce récit richement documenté. Fait de flash-backs très bien construits, cet album est un hommage appuyé à l’un des principaux inspirateurs de la Commune de Paris. Pour travailler sur l’album, Loïc Locatelli Kournwky réalise le story-board, validé par Maximilien Le Roy, puis le dessinateur s’attelle aux planches, ajoute des lavis sépia, avant une mise en couleurs et des ajustements. Le trait semi-réaliste du dessinateur d’un futur album sur Pocahontas, est efficace et très équilibré.
Ni dieu ni maître Auguste Blanqui l’enfermé : un très bel album bien documenté sur l’un des penseurs de la Commune de Paris.
- Ni dieu ni maître, Auguste Blanqui l’enfermé
- Auteurs : Maximilien Le Roy et Loïc Locatelli Kournsky
- Editeur: Casterman
- Prix: 23€
- Sortie: 28 février 2014
Blast :
plongée dans les tréfonds de l’âme humaine
Polza Mancini, homme en surpoids, porte beaucoup de souffrances en lui. Le décès de son père déclenche en lui une crise identitaire. Mi-ange, mi-démon, il est capable d’une infinie tendresse comme d’une immense violence. Echappé d’un hôpital psychiatrique, il est cuisiné par deux policiers. Il est accusé d’une série de meurtres. Mais voilà, s’il raconte beaucoup de choses précises, il ne se souvient de rien : par omission ou par véritable oubli ?
Sa vie se résume à la recherche du Blast, sorte de nirvana : ce court instant de perfection, flash improbable, qui survient parfois, lorsque, oubliant ses cent cinquante kilos, il parvient à voler.
L’homme reprend son récit, là où il l’avait laissé : en hiver, dans la maison de campagne isolée de Roland et Carole. D’un côté, le père, un homme schizophrène, condamné à plusieurs reprises pour des atteintes sexuelles sur des femmes. Bourré de médicaments, il passe ses journées à dessiner d’une façon enfantine ces corps de femmes qu’il a pu toucher, humilier ou violer. En cure de rémission, il se terre chez lui ; le tribunal l’interdisant d’approcher les femmes du village. De l’autre, sa fille Carole, une femme énergique et de caractère, qui s’abandonne pour une nuit à Polza. Entre attirance et dégoût pour l’homme obèse, elle ne sait plus trop où elle en est.
La vie de ce trio improbable va être bouleversée par l’arrêt de la prise de médicaments de l’ancien violeur. Polza devenant, par obligation, sa nounou. Veillant sur lui, il le retrouve de plus en plus souvent, la nuit, regardant par les fenêtres, les femmes se déshabillant. Lorsque Carole apprend les nouvelles pulsions de son père, elle enrage. Elle sait que tout recommence, mais comment y mettre fin ?
Au fur et à mesure que les heures s’égrènent, Polza raconte aux deux policiers d’une manière précise tous les éléments dont il se souvient, mais aussi ses égarements, ses doutes vis-à-vis de Carole, dont il est fou amoureux et qu’il ne veut pas laisser seule avec son père, qui entre de nouveau dans une profonde déchéance. Dans le même temps, la police est de plus en plus présente ; elle est en quête de retrouver le patient échappé de l’hôpital psychiatrique.
Immense roman graphique, le récit de Manu Larcenet est surpuissant, ne laissant pas le lecteur de marbre. Coup de poing, l’histoire est à la fois élégante et très sombre, mêlant les sentiments amoureux et les affaires de meurtres. Teinté d’un bel humour noir, son scénario est solide, émouvant et fait réfléchir ; il fleurte avec le genre policier. Cette œuvre forte trouve une fin intrigante, passionnante et bouleversante, à la fois humaniste et très âpre. Sans réels temps morts, le lecteur navigue entre les souvenirs de Polza et les moments d’interrogatoire des policiers. Un voyage très éprouvant à cause de la mise en abîme de ses personnages au lourd passé.
Le trait en noir et blanc de l’auteur de la sublime série Le combat ordinaire, est d’une grande précision, alternant parfois les dessins d’enfants, les collages et quelques touches de couleurs pour illuminer des planches très équilibrées. Les décors naturels, avec une belle faune, sont magnifiques. Tantôt muettes, tantôt bavardes, elles permettent à Larcenet, ici excellent conteur, de livrer un album où ses propres questions existentielles sont mises à nue.
Blast : Un grand moment de lecture et une fin en apothéose, qui ne laisse personne indifférent. On lit avec une grande délectation ce drame très sombre où les personnages tombent dans un tourbillon qui les entraînent vers une abîme sans fond. Sublime, Case Départ, vous recommande vivement de (re)lire Blast.
- Blast, tome 4 : Pourvu que les bouddhistes se trompent
- Auteur : Manu Larcenet
- Editeur: Dargaud
- Prix: 22,90€
- Sortie: 7 mars 2014
Le Horla : bête surnaturelle
Normandie, à la fin du XIXe siècle. Un homme relativement aisé vit dans une sublime demeure au bord de la Seine. Passant son temps dans sa bibliothèque à écrire, il est entouré de Jean, son serviteur et d’un chat. Pour s’inspirer, il observe les différents bateaux qui passent au fond de son jardin ou il chemine dans la forêt à côté de chez lui.
Une nuit, une drôle d’impression s’offre à lui : un poids énorme sur la poitrine, il sent une présence. Pensant que c’est un terrible cauchemar, il n’y prête que peu attention. Mais voilà, toute les nuits, cette être, qu’il nommera Le Horla, revient. De plus des objets disparaissent, la carafe sur la table de nuit est bue…
Alors qu’il pense de plus en plus qu’un être immatériel vient le visiter toutes les nuits, il décide de partir loin de chez lui. Au Mont Saint-Michel, il s’apaise, la présence disparaissant. De retour chez lui, Le Horla ne lui laisse pas de répit et réapparaît. Rapidement, il est prisonnier et ne peut plus sortir de chez lui comme happé par cette présence surnaturelle.
Œuvre pionnière de la science-fiction, Le Horla a été écrit en 1886, à la fin de la vie de Maupassant, alors qu’il sombrait dans la folie. Teinté de fantastique, ce récit chemine entre la peur de l’invisible et l’angoisse. Le narrateur ne sait pas vraiment si Le Horla existe ou s’il ne sombre pas dans la folie. Invisible à l’œil nu, cela lui confère une grande supériorité sur ce homme lettré. Cet être surnaturel le domine puis l’homme commence à le cerner et comprend ce dont il est capable. Le matériel étant d’une grande qualité, il était aisé pour un auteur comme Guillaume Sorel de créer un très bel album. L’adaptation par l’auteur de Mens Magna ou Algernon Woodcock, est une très belle réussite, efficace, magnifiée par un sublime dessin. Les décors extérieurs (la forêt, les falaises, la Seine mais surtout Le Mont Saint-Michel) sont d’une grande force. Le tout est intensifié par de belles couleurs : à dominante de bleus sombres les nuits où apparaît Le Horla ou les teintes plus claires pour les scènes extérieures. Le découpage proche du cinéma apporte beaucoup de modernité au récit.
Le Horla : une belle adaptation de la nouvelle de Guy de Maupassant, magnifiée par des planches sublimes de Guillaume Sorel. Une réussite !
- Le Horla
- Auteur : Guillaume Sorel, d’après la nouvelle de Guy de Maupassant
- Editeur: Rue de Sèvres
- Prix: 15€
- Sortie: 12 mars 2014
La jeunesse punk du Baron
Début de années 1980. Akron, capitale du caoutchouc et ville en crise des Etats- Unis. Otto Pizcok, dit Le baron, est un élève très moyen de terminale. Gros balèze pas très futé, il fait partie de la fanfare du lycée et adore Le seigneur des anneaux, dont il fait siennes les nombreuses citations. A la fois admiré et détesté par ses camarades, il est assez border-line. Il vit avec Elmo, son grand-oncle, qui passe son temps à se balader sur son tracteur-tondeuse, à Elmo’s, un village de mobile-homes. Là, il y croise la misère des petites gens touchées par la crise des années Reagan.
Au volant de sa vieille voiture au plancher troué et au mini-volant, il transporte ses potes à vive allure sur les routes de la petite ville pour rallier son lieu préféré The Bank, la principale salle de concerts punk d’Akron. Devenue la plaque tournante de ce genre musical, de futurs grands groupes s’y produisent : Les Pretenders ou encore Rebels.
A côté de cela, Otto apprécie Teri Workman, la plus jolie fille du lycée aux formes avantageuses. Avec Wes, son pote, une nuit, ils vont l’observer chez elle, en train de se déshabiller. Débusqué par le frère armé de l’adolescente, ils doivent partir et se cacher dans un buisson, puis s’endorment. De son côté Peter est fou amoureux de Lisa, mais cette dernière ne le calcule même pas. Pour qu’il soit remarqué, Le baron a un plan bien particulier : se présenter nus avoir un sac en papier sur la tête chez elle. Et ça marche, puisque quelques jours après, les deux sont officiellement ensemble.
Grâce à son impressionnant aplomb et à ses gros muscles, Otto parvient a se débarrasser de deux camés qui après un concert étaient venus incommoder les membres du groupe Les Ramones. Impressionné, le patron de la salle l’embauche pour les week-ends. Au fil des concerts, il va devenir l’indispensable guide des sommités du punk et deviendra même chanteur. Mais en plein concert, il pète les plombs et se retrouve seul à l’approche du bal de fin d’années…
Après l’excellent album Mon ami Dahmer, Prix de la révélation BD du Festival d’Angoulême 2014, Derf Backderf revient avec un album déjanté et décalé Punk rock & mobile homes. Il réédite donc la réussite de sa première bande dessinée. Cette auto-fiction mêle ses souvenirs d’adolescence, ses observations et son imagination débordante. Véritable hommage à sa passion pour la musique et plus particulièrement la punk, il nous plonge dans un univers formidable où se croisent les groupes vedettes en devenir et les anti-héros comme lui. La galerie baroque de personnages est sympathique et décalée : Otto, gros bras vantard, pas très futé, qui veut laisser un trace dans la musique expérimentale pétomane et qui deviendra indispensable à The Bank ou encore ses deux potes Wes et Peter, deux lycéens presque normaux. L’ambiance des 80′s est très bien dépeinte et le lecteur ressentira vite cette atmosphère américaine où se mêle les filles, les voitures, les potes, les cigarettes ou la musique. Le récit de l’auteur américain est surtout déjanté et désopilant et ce surtout grâce à sa troupe d’adolescents un peu ratés et des dialogues savoureux. Cet album est son premier roman graphique après avoir publié dans plus d’un cinquantaine d’hebdomadaires pendant 22 ans, son strip The City.
- Punk rock & mobile homes
- Auteur : Derf Backderf
- Editeur: çà et là
- Prix: 19€
- Sortie: 14 février 2014
A la recherche de la perfection
1510. Venise. Pendant la Renaissance italienne et sous la menace mortifère de la peste, Bellini, un grand maître italien apprend que l’un de ses plus brillants disciples, Giorgio de Castelfranco dit Georgione est touché par la maladie et qu’il en a pour peu de temps.
Son dernier élan, il veut le consacrer à sa recherche de fixer dans sa peinture, la beauté d’une femme pour l’éternité. Il veut ainsi reproduire le sentiment initial qu’il a éprouvé lorsqu’il a vu pour la première fois une toile de Antonello de Messine, le chouchou des grands bourgeois et nobles de la ville, quelques décennies auparavant.
En voyant son élève décliner, Bellini se remémore les excellents souvenirs de ce jeune peintre, génie qui arriva 35 ans plus tôt dans la cité. Antonello, à l’époque inconnu du public, par sa farouche volonté et un certain aplomb va réussir à s’imposer comme le peintre incontournable de la Renaissance italienne. Pourtant à cette époque là, les deux maîtres seront en concurrence frontale. Entre petits arrangements et trahisons, leur sort reste lié l’un à l’autre, recherchant l’effet de présence.
Mais il y a de grandes différences entre les deux peintres, Antonello a de l’avance sur son rival. Il détient les secrets de pigments très originaux et il maîtrise la Camera oscura, une invention formidable : dans une pièce sombre, il laisse passer uniquement le visage de la personne par une ouverture et par un jeu de miroir, son image se reflète à l’envers sur la paroi de la cabine. Il n’a plus qu’à repasser les contours. Gagnant du temps, il peut ainsi multiplier les portraits et s’enrichir.
Après avoir peint Le Condottierre, il se voit offrir un poste de peintre officiel à la Cour du Duché de Milan. Alors qu’il est tout proche d’accepter cette mission, Fillipo Barbarelli lui commande un portrait de sa jeune femme. Cette proposition du vieux et riche banquier va bouleverser sa vie. Il lui demande de fixer pour l’éternité la beauté d’Anna. Mais Antonello est de plus en plus attiré physiquement par elle. Au début, les séances se déroulent en présence du mari, puis continuent sans lui et enfin pendant la nuit… Il peint alors son chef-d’œuvre : La Vénus endormie.
La vision de Bacchus est seulement le deuxième album de Jean Dytar. Après Le sourire des marionnettes, se déroulant en Perse, l’auteur lyonnais parvient merveilleusement à nous questionner sur l’Art en général, sur le filiation maître-disciple et à la recherche de la perfection. Il met en lumière l’éclat de la Renaissance, le bouillonnement des ateliers de peinture mais aussi le côté sombre de Venise, sale et dont la peste fait des ravages en son sein. Il place les techniques artistiques (pigments, couleurs, la lumière, les compositions, la camera oscura, les lentilles ou les miroirs…) à la portée du lecteur et des novices. Par de simples cases, par les dialogues, tout cela nous semble facile et d’une grande compréhension. Le foisonnement de personnages connus ou non, ne perd pas lecteur et il a plaisir à suivre leurs histoires, leurs intrigues ou leurs amours. Le trait précis de Jean Dytar est très travaillé et les cases montrant les célèbres peintures sont confondantes de réalisme.
La vision de Bacchus : un très beau roman graphique sur la Renaissance italienne et sur les vicissitudes d’un grand peintre.
- La vision de Bacchus
- Auteur : Jean Dytar
- Editeur: Delcourt, collection Mirages
- Prix: 16,95€
- Sortie: 19 février 2014
A la recherche de Jim
Après avoir fugué de leur famille d’adoption, Lisa et Joey arrivent à New York dans l’espoir de retrouver leur ami et grand frère, Jim. Sur place, ils retrouvent M. Coleman, en charge du placements des orphelins à bord du train où ils voyageaient. Ce dernier, dans une file pour la soupe populaire, est dans une grande misère depuis qu’il a été licencié et poursuivi pour trafic d’enfants. En effet, un homme, qui vient d’entendre appeler son nom par les deux enfants, le menace parce qu’il aurait vendu sa fille.
Après avoir échappé au père éploré, Lisa et Joey lui apprennent que Jim est en ville. Il voit là l’occasion de faire chanter le petit garçon. Parce qu’en effet, il cache un lourd secret, il a usurpé l’identité du vrai Jim. Harvey s’est retrouvé adopté à la place du frère de Joey par un juge de Conway City. Dans un belle maison bourgeoise, il vit avec Anne, sa petite sœur, ses parents et leurs deux garçons biologiques. Se faisant passer pour un enfant modèle, il profite des largesses et de l’argent du juge.
Harvey voit d’un mauvais œil les recherches de Lisa et Joey ainsi que le chantage à l’argent de Coleman, qui pourraient mettre en péril son identité. Mais l’usurpateur très malin a plus d’un tour dans son sac pour essayer de retourner la situation et faire tourner en bourrique l’ancien placeur d’orphelins.
Voilà une belle série que Le train des orphelins, mêlant habilement l’Histoire, le suspens et les enquêtes des jeunes enfants, avec de temps à autre, un brin d’humour qui permet d’alléger ce très bon drame. Le récit vivant de Philippe Charlot alterne avec beaucoup de maîtrise la quête d’identité de jeunes héros en 1920 avec une trame de ces mêmes enfants devenus adultes en 1989. Le lecteur passe allègrement d’une époque à l’autre avec aisance, piochant des indices dans les deux moments historiques. Les adultes, âgés à la fin des années 80, continuent de faire vivre cette mémoire du Train des orphelins au travers de conférences, d’expositions ou de regroupements d’anciens enfants. Le scénario sensible et parfois touchant, met en lumière un événement quasi inconnu de l’histoire des Etats-Unis. Le trait semi-réaliste de Xavier Fourquemin illustre de belle manière cette série. Les planches comme les couleurs sont équilibrées et efficaces.
Le train des orphelins : une belle série historique faite de suspens et de quête d’identité, teintée d’un bel humour.
- Le train des orphelins, saison 2, tome 2 : Joey
- Auteurs : Philippe Charlot et Xavier Fourquemin
- Editeur: Grand Angle – Bamboo
- Prix: 13,90€
- Sortie: 12 mars 2014
ça va dégominer avec Anatole Latuile
Anatole Latuile vit avec ses parents et sa petite sœur dans un beau petit pavillon. Ce qu’il apprécie le plus c’est de n’en faire qu’à sa tête, ce qui apporte son lot de catastrophes et de gaffes en tout genre. Mais la plupart de ses gentils méfaits, il les réalise à l’école. Dans la classe de Madame Goulominoff, il y retrouve ses amis Jason Bombix, Henriette Bichon, Olympe Fayoli et Noémie Crumble, avec qui il partages ses nouvelles inventions farfelues.
Dans L’opération molaire, Jason et Anatole ont trouvé un stratagème ingénieux pour récupérer de l’argent lorsqu’ils perdent leurs dents : des moulages de molaire et la Petite Souris n’y verra que du feu !
Saphir a disparu ! Saphir c’est le chat de Madame Latouche, la voisine des deux garçons. A la clef, une belle récompense. Pour les deux copains, il n’y a pas à réfléchir, il faut retrouver le matou, et même si ce n’est pas le bon qu’ils redonnent à la maîtresse éplorée.
Pendant les vacances avec ses parents et sa petite sœur au camping, Anatole tombe sous le charme de la belle Justine. Après une petite bêtise, il est obligé de mentir et s’invente un frère jumeau Christopher. Mais voilà, la fille de ses rêves, préfère son faux frère…
Les affaires de piscine. Jason et Anatole se sont couchés très tard et ont tous les deux oubliés leurs affaires pour aller à la piscine avec leur classe. Comme le maître-nageur n’est pas commode et menace les enfants qui n’ont pas leur maillot, d’un beau zéro ; ils décident d’en louer un au distributeur de la piscine. Mais voilà, ils n’ont pas assez d’argent pour deux maillots…
Jason et Anatole doivent faire un exposé dans la classe de Madame Goulominoff. S’entraînant depuis une semaine, ils décident de faire une démonstration de karaté. Au menu : cassage d’une brique juste avec une main…
Les pickpockets. C’est jour de visite au musée. Toute la classe part en car découvrir de belles œuvres d’art : peintures, sculptures… Mais voilà, ça n’intéresse pas notre duo de gaffeurs, préférant jouer à la console. Madame Goulominoff ne l’entend pas de cette oreille et confisque l’objet…
Série BD Kids éditée par Bayard, Anatole Latuile s’est déjà vendue à plus de 15 000 exemplaires. Prépubliée dans le magazine J’aime Lire, c’est une belle série jeunesse dans la même veine que Tom-Tom et Nana ou Kiki et Aliène, dont Case Départ vous a parlé. Les mini-récits de Anne Didier et Olivier Muller sont agréables, fluides à la lecture et très inventifs. Le duo de gaffeurs Anatole et Jason, s’ils n’en font qu’à leur tête, sont de gentils malfaiteurs. Leurs inventions et mensonges gentillets sont plus amusants que méchants. Rigolos et foufous à souhait, ils plairont forcément aux jeunes lecteurs qui pourront facilement s’identifier à eux. La joyeuse équipe autour d’eux et les adultes forment une belle galerie de personnages attachants. Pour sa première série, le dessinateur Clément Devaux s’en sort merveilleusement, mettant en scène de beaux personnages, tout en rondeur. Misant sur des planches de 2 à 5 cases, il permet une grande fluidité de lecture. De plus, les couleurs pastel adoucissent les pages.
Anotole Latuile : petite série agréable et amusante, pour passer un bon moment de lecture-plaisir, à partir de 7 ans.
- Anatole Latuile, tome 7 : ça va dégominer !
- Auteurs : Anne Didier, Olivier Muller et Clément Devaux
- Editeur: BD Kids, Bayard
- Prix: 9,95€
- Sortie: 3 février 2014
Au cœur de la lutte sénégalaise
Sénégal. Sport plus populaire que le football, la lutte sénégalaise est une grande tradition dans le pays. Ce sport intègre la lutte classique et les coups de boxe, d’où son surnom de La lutte avec frappe. Si un combat ne dure que quelques minutes, les lutteurs-stars de petits comme des grands, s’y préparent parfois pendant de nombreuses années. Vecteur d’ascension sociale, elle permet aux plus démunis d’accéder à la gloire, l’argent, un métier digne voire à la politique. Parmi ces grands sportifs, trois vont se mesurer les uns aux autres : Tyson, Yékini et Balla Gaye II.
Tyson, grand homme costaud, a modernisé la lutte, a négocié de gros contrats et ses frasques font la une des magazines people.
Balla Gaye II, est un jeune homme qui fanfaronne et bastonne avec l’insouciance de sa jeunesse. Surnommé Don ’t care, il est le fils d’un ancien grand champion de lutte.
Et enfin, Yakia Diop dit Yékini, jeune homme simple, sociable, généreux et très timide, représente la tradition pure de la lutte. Originaire d’un petite île où la lutte puise ses racines, il résiste à toutes les tentations : médiatiques, politiques et financières. Les sponsors sentant le futur grand lutteur en sont pour leurs frais. Il régnera pendant 15 ans sur la discipline.
Le thème de départ de Yékini le roi des arènes est intéressant, original et captivant. Les personnages mis en place par Clément Xavier sont attachants, notamment Yékini, un homme charmant dont l’aura et le charisme dépasse le cadre de la lutte. Le duo d’auteurs Xavier-Lugrin s’est déplacé à plusieurs reprises sur le terrain, ce qui leur a permis de construire une histoire forte, bien documentée et surtout mettre en valeur un pays africain riche de ses cultures. La politique n’est pas éludée dans cet ouvrage : quelques combats se déroulent pendant la campagne pour la présidentielle de 2012 (on croise d’ailleurs l’ancien président en campagne Abdulaye Wade) ainsi que les grandes tensions en Casamance (Balla Gaye II revient souvent dans cette région pour y jouer les intermédiaires entre les rebelles et le gouvernement). Même si le récit peut souffrir de quelques faiblesses, il est agréable et le lecteur passe un bon moment. Ce long album de 373 pages est bien construit en ce qui concerne le dessin. Le trait en noir et blanc de Lisa Lugrin est sobre et très efficace.
- Yékini le roi des arènes
- Auteurs : Xavier Clément et Lisa Lugrin
- Editeur: Flblb
- Prix: 20€
- Sortie: 20 février 2014
C’est pas du jeu : hymne à la tolérance
Le hors-jeu : L’association Kemil & ses amis a décidé de faire installer une balançoire adaptée dans une aire de jeux pour enfants d’une cité. Après les tracas administratifs, arrivent les insatisfaits : l’incompréhension entre les parents d’enfants handicapés et d’autres adultes.
La journée marathon & A côté de ses pompes : Si l’on devait décerner une belle médaille, elle irait forcément aux mamans d’enfants en situation de handicap, sorte de super-héroïnes des temps modernes, jonglant entre le travail et leurs enfants.
La vie quotidienne de ses parents et de leurs enfants formidables se heurtent parfois aux administrations, aux difficultés d’accessibilité à l’école, à quelques voyageurs du TGV pas très compréhensifs, à la difficulté de prendre une photo pour une carte d’identité, aux caisses prioritaires bondées par les valides, aux envies pressantes pendant les trajets en voiture, mais aussi aux places réservées souvent occupées par des personnes peu regardantes ou encore Le jour où j’ai appris la maladie avec ses jargons médicaux incompréhensibles.
C’est pas du jeu est découpé en deux parties : d’un côté, les planches de bandes dessinées et de l’autre un dossier :
Les témoignages sont compilés dans cette première partie et mis en images par Bast. Souvent ces petites histoires en une planche sont touchantes, sensibles, parfois tout en pudeur mais toujours teinté d’un grand humour. Pour connaître de rares petits bonheurs, il faut avoir un grand courage et se heurter quelques fois aux remarques méprisantes des valides. Sans jamais donner de leçon toute faite, ces adultes discutent et argumentent auprès de ces personnes et réussissent à les retourner dans leur camp. Le trait de l’auteur de En chienneté (La Boîte à bulles, 2103) est très efficace et très lisible.
La seconde partie est dédiée à la vulgarisation des maladies rares et orphelines auprès du large public : un entretien avec Sandra Bouira, la présidente de l’association Kemil & ses amis, les maladies rares, Définition et cadre légal du handicap, Accessibilité des aires de jeux, un entretien avec l’artiste Laurent Savard papa d’un enfant autiste ou encore L’épilepsie chez l’enfant.
C’est pas du jeu : Une belle leçon de vie, un bel hymne à l’amour ! Pour plus d’informations sur l’Association Kemil & ses amis : www.kemiletsesamis.org
- C’est pas du jeu
- Auteur : Bast
- Editeur: Tartamudo
- Prix: 12€
- Sortie: février 2014
Et pour quelques pages de plus…
Pour compléter notre sélection de la semaine, Case Départ vous conseille aussi les albums suivants :
King’s game,
volume 5
Lycée préfectoral de Tamaoka au Japon. Nobuaki, un élève de Seconde B est réveillé en pleine nuit par un étrange sms qui met au défi deux de ses camarades de lycée de s’embrasser. Le mystérieux expéditeur du message prétend que la classe entière participe à un King’s Game. Jour après jour, les défis se succèdent, et les lycéens sont bien obligés de se rendre à l’évidence : ils ont 24 heures pour s’exécuter et la sanction en cas de désobéissance est la mort.
Suicides ou meurtres ? Puissance occulte ou criminel de chair et de sang ? Où qu’elles soient, quoi qu’elles tentent pour s’échapper, la mort vient trouver ses jeunes victimes, infaillible. Le couperet se rapproche dangereusement de nos héros… Parviendront-ils à découvrir la vérité avant qu’il ne s’abatte ? 1 classe, 32 élèves, 24 heures pour obéir. Une seule sanction : la mort.
Prépublié en roman sur internet puis adapté en film en 2010, King’s game est un thriller haletant et très prenant. Succès littéraire (2,2 millions de mangas vendus, 3 millions de romans et 30 millions de romans version numérique), il est mené tambour-battant. Le récit de Nobuaki Kanazawa est riche en rebondissement, perd le lecteur dans une multiplication de pistes et la manipulation mentale du Roi du jeu est prégnante. Dans ce volume, les gages s’enchaînent rapidement, la volonté de ne pas mourir continue pour les 10 derniers survivants et les manipulations entre les élèves se font de plus en plus insistantes. Graphiquement, le dessin de Hitori Renda est extrêmement efficace fait de hachures pour accentuer les expressions des visages.
A noter qu’avec la fin de ce manga, sort, le même jour, une suite King’s game Extreme où le lecteur découvrira de nouveaux élèves et un nouveau roi. Pour mettre en images, il y a aura aussi du changement avec un nouveau dessinateur Renji Kuriwama.
- King’s game, 5/5
- Auteurs : Nobuaki Kanazawa et Hitori Renda
- Editeur: Ki-oon
- Prix: 7,65€
- Sortie: 13 février 2014
Top 14,
tome 1 : La top team
La Top Team est une équipe de rugby constituée des 14 meilleurs espoirs de chaque club de l’élite française. Un technicien fédéral de la Ligue Nationale de Rugby fait le tour des clubs, regarde les matchs, repère le meilleur jeune élément et lui propose d’intégrer cette formidable équipe : le toulousain Franck, le toulonnais Diego, le bordelais Noah, le briviste Théo ou encore le clermontois Rémi. Un jeune ado pour chacun des 14 clubs, mais il en manque un pour former l’équipe. Le recruteur a plus d’une carte dans sa manche, il réserve cette place à celui qui gagnera le challenge de coups de pied au but.
Jérémy est un jeune garçon fan de rugby mais il ne peut pas pratiquer ce sport parce que sa tante Ilda, qui en a la charge, lui interdit ce sport violent. Malgré les différentes activités (poney-club, macramé, échecs), lui ne vit et ne rêve que de rugby. Dans sa chambre des posters de ses joueurs favoris et il suit même sur son smartphone, les résultats du championnat en cachette. Il est aussi le souffre-douleur de ses camarades du collège et plus particulièrement de Boris, un grand costaud pas très futé qui joue au rugby.
Top 14 est une série jeunesse qui plaira aux jeunes passionnés de rugby. Le personnage de Jérémy est agréable, plutôt rigolo et faisant preuve de malchance. Le récit de Benjamin Ferré est efficace, alternant les rencontres avec les joueurs stars du championnat et les aventures du héros. Le trait du duo de dessinateurs Christopher Lannes et Gildas Le Roc’h est dynamique, réussissant mieux les personnages inconnus que les caricatures des rugbymen (il est toujours délicat d’aboutir à de belles ressemblances dans ces cas là) ; le graphisme étant moins figé et plus agréable pour Jérémy et les autres ados.
- Top 14 rugby, tome 1 : La top team
- Auteurs : Benjamin Ferré, Christopher Lannes et Gildas Le Roc’h
- Editeur: Soleil
- Prix: 10,50€
- Sortie: 19 février 2014
Cendrillon,
tome 2 : Les 12 coups de minuit
Dans le premier tome, le lecteur découvrait Cendrillon, torturée par sa marâtre sadique, fouetté par ses terribles demi-sœurs et abusée par les domestiques de la maison. En plus de cela, elle a été affublée d’une Bonne Fée nymphomane et d’un Prince Charmant décadent. Alors qu’il s’ennuie ferme, ce dernier décide d’organiser un bal pour y trouver l’Amour. Avec l’aide sa Bonne Fée et un peu de magie, la belle jeune fille s’échappe de son cachot et se rend à la fête princière.
Rassurée par sa marraine La Bonne Fée, Cendrillon entre dans le palais. Ses conseils sont simples : arborer son plus beau sourire, bomber sa poitrine et le prince succombera à ses charmes. Pourtant, elle n’est pas la bienvenue s’attirant les foudres des femmes de la haute-société, ne la connaissant pas et la traitant d’étrangère.
Un peu enivrée, la jeune femme suit pourtant le prince pour une danse. Pendant ce temps, la Fée réussit à faire tourner la tête de Gaston, un gentilhomme. Alors que les 12 coups de minuit sonnent, Cendrillon se retrouve dénudée et donc se révèle au grand jour, au grand dam des vieilles bourgeoises et du Prince. Morte de honte, elle s’enfuit. Pourtant, le jeune prince est conquis par cet être si délurée et se met en quête de la retrouver dans le royaume.
Croisant la route de paysans qui veulent la trousser, elle est sauvée par la voiture de sa marâtre de mère. Humiliée, elle doit se soumettre au test de virginité par la méchante femme. L’honneur étant sauf, elle est enfermée dans les combles.
Voilà une version très originale et singulière du conte populaire de Cendrillon. Pourtant même s’il y a beaucoup de scènes explicites, il y a aussi du contenu dans cet album, mettant en valeur la lutte des classes : entre les nobles et les moins fortunés. Cette version de Trif est très réussie. Le trait réaliste de l’auteur italien est extrêmement efficace, mettant en lumière les courbes généreuses de l’héroïne ; le tout réhaussé par de très belles couleurs de Andrea Celestini. Cendrillon : un très bel album pour les adultes restés de grands enfants.
- Cendrillon, tome 2 : Les 12 coups de minuit
- Auteurs : Trif et Andrea Celestini
- Editeur: Tabou BD
- Prix: 15€
- Sortie: 3 février 2014