Le soir, le musée du Quai Branly offre ses collections au visiteur dans un rapport presque d'intimité ; nous laissant, par endroit, croire que les objets sont là pour nous seuls, prêts à nous parler...
Hier, le discours du commissaire de l'exposition Bois Sacré, Aurélien Gaborit, nous guida dans le parcours des masques du Poro avec grande intelligence, nous faisant découvrir des objets méconnus.
En guise d'introduction, j'ai remarqué avec intérêt les pierres Kissi. Je les avais évoquées dans une précédente note, donnant l'interprétation de Denise Paulme sur ces statuettes.
Pourquoi les placer au début de cette exposition ? L'hypothèse que développe Aurélien Gaborit est intéressante et est issue de sa recherche sur les origines du Poro.
Cette institution aurait été fondée au XVIème siècle par les Toma. Le Poro est à la fois une société d'initiation mais aussi un pouvoir qui contrôle les grandes décisions politiques et économiques de la société.
Mais nous ne disposons d'aucun témoignage de cette origine lointaine ; les masques de bois n'ont pas survécu au temps.
Or il existe ces pierres sculptées découvertes dans le sol de Guinée, dont les plus anciennes dateraient du XVIème siècle.
Leur iconographie surprend : le corps est schématiquement rendu, souvent dépourvu de bras, un visage émerge aux traits inquiétants, parfois des bouches ouvertes montrent des dents acérées.
Aussi, si l'institution du Poro était aussi importante dans un lointain passé qu'elle le fût au XIXème et XXème, siècles pour lesquels nous avons des témoignages, pourquoi ne pas voir dans ces figures de pierre des porteurs de masques ?
L'hypothèse est bien séduisante et lorsqu'on regarde, un peu plus loin dans l'exposition, la physionomie des différents masques Toma, on est rapidement convaincu de la pertinence de cette conjecture.
Photos de l'auteure, musée du Quai Branly, mars 2014.