Decapage #49

Publié le 07 mars 2014 par Lorraine De Chezlo
Revue paraissant 3 fois par an
Editions Flammarion - hiver-printemps 2014
Parution 6 mars 2014
Jeune revue littéraire des éditions Flammarion qui en est déjà à son 49e numéro en ces temps difficiles pour la presse française. Où des écrivains écrivent sur d'autres écrivains. Des livres dans un livre, une revue qui fait lire, qui donne à lire, qui suscite l'envie de lire davantage, et qui est un formidable terrain pour de jeunes auteurs fertiles, peu connus, inconnus de moi - jusqu'ici.
Une fois n'est pas coutume, c'est une revue que je reçois de la part de Babélio. Un décapage donc, un décapage de neurones, un moment de distraction littéraire, de "chroniques décapantes, rencontres inattendues et autres bonnes nouvelles" dixit la une. Alors ça commence, première prise en main : bonne surprise car l'objet est maniable, au format A5 voyageur, poids plume, sans papier glacé lourdissime.Dans ce numéro 49, on démarre avec le journal d'un écrivain, Bernard Quirigny, qui a écrit sur un mois autour de ses déplacements, de sa vie d'auteur, de ses réactions sur l'actualité. Agréable sans plus. Le voyage continue avec un hommage à Christian Gailly (ouf ! un auteur dont j'ai déjà lu un livre et même deux !), un hommage multiple par Jean Echenoz, Laurent Mauvignier et autres publiés chez la même maison des Editions de Minuit. C'est touchant, ça nous dessine un homme discret, ça résonne en moi comme un rappel : d'urgence, continuer à savourer cet auteur que j'ai trop peu lu, puisque sa mort ne l'empêche pas. Plus loin, on change de ton avec l'interview imaginaire de Paul Léautaud, une conversation anachronique inattendue montée de toutes pièces - sauf les réponses qui sont de vraies extraits - avec un écrivain légèrement misanthrope - un de plus à découvrir... Ensuite Thomas Vinau nous donne envie de lire un autre poète, le facteur Jules Mougin ; puis on lit une quatrième de couverture sous forme de dialogue BD ; Vincent Delecroix nous offre un intermède bienvenu avec une petite vulgarisation de la philosophie sous la forme d'un texte à mettre dans la bouche de Kierkegaard mourant : qui est-elle, cette elle dont il parle ? Un texte vibrant d'un homme à l'agonie qui salue, déçu, le monde des hommes qui le laissent incompris, et n'attend plus que sa visite à "elle", personne mystère ou métaphore de la pensée ?Après 3 pages autour de la place des appartements dans les livres de Christian Oster et une page de pseudo questionnaire à la Prévert à Laurent Graff, on plonge dans la thématique choisie pour ce numéro : les oeuvres qu'on a honte d'aimer. On lira donc des auteurs parler de France Gall, Léonce Bourliaguet, Fred... (Beigbeder ?), Patrick Bruel, Louis de Funès, Harlan Coben, L.-F. Céline, Duran Duran, Oui-oui et la gomme magique, et même Lunatic. C'est éclectique, divertissant et décomplexant.
Ensuite, grand honneur, on est invité chez Arnaud Cathrine. Honneur d'autant plus grand qu'il m'est fait alors que je ne connais rien de ce dernier, ni sa vie ni son oeuvre, pas même un bouquin. Et je crois que je passe à côté de quelquechose car chez lui j'aime bien l'ambiance, les étagères qu'il nous présente, son ordi rescapé mais pas remplacé, son amour pour la Normandie et le Luberon (attention, pas d'accent aigü pour Luberon, vous risquez de vous faire taxer de parigots ! et en même temps....), ses amours littéraires, ses vieilles pages de cahier.
Et puis, pour finir, impossible de déroger à la règle de la nouvelle, nous en avons donc cinq au menu. "Roy Orbison emballé dans du film alimentaire" est vraiment très décevante. Du coup, on apprécie d'autant plus celles qui suivent : un rendez-vous galant au centre de Paris où il est question des jours de la semaine, puis une fable de la crise, joliment tournée, quand les vieilles poupées se font réparer voire recyclées en prothèses humaines (écrite par Bruce Bégout, ma préférée), puis un instant loufoque et grave où l'"abondance de bien nuit parfois", drame d'un célibataire endurci qui gagne un an de colis de viande format famille, et enfin "Le chat du bord de mer" par Alice Zeniter, désespérée mais coquine.
Je garde de Décapage l'idée d'une revue ouvreuse d'appétit livresque, que l'on parcourt nonchalamment, avec des lectures plus ou moins captivantes, mais qui indéniablement esquissent des pistes, suggèrent des découvertes (Sweet Home d'Arnaud Cathrine, Mal de coeur de Jules Mougin (trouvable ?), Un soir au club de Christian Gailly...), ouvrent des chemins littéraires... en plus d'avoir livré de belles heures à bouquiner, jusque dans le jardin !_______[merci à Babélio !]Décapage 49tous les livres sur Babelio.com