En réponse au document "Le loup, 10 vérités à rétablir, la fin annoncée de l’élevage des moutons et une menace pour tous les animaux élevés en plein air", la Buvette vous propose les réactions croisées(1) de Pierre Rigaux (PR), Gérard Bozzolo (GB), Marc Laffont (ML) et Baudouin de Menten (BdM).
7ème "vérité"
"Oui, l’élevage de montagne résiste bien, si on ne lui impose pas le loup"
En France, le coût de production en élevage ovin-viande est supérieur à 10,5 €/KgPR: L’élevage ovin qui s’effondre en Poitou-Charentes ou en Limousin aurait du mal à justifier son déclin en accusant le loup… Depuis 20 ans de présence du loup dans le sud-est de la France, l’élevage s’y porte moins mal que dans beaucoup d’autres régions sans loup, et pourtant les syndicats agricoles continuent sans rire à accuser le loup de faire disparaître l’élevage.
BdM: "Si on ne lui impose pas le loup"? Le loup s'est imposé tout seul, il est revenu de lui même, quoi qu'en disent certains. Quant à la résistance de l'élevage de montagne, les chiffres de 2013 sont très nuancés... et montrent que les endroits ou l'élevage ovin s'en sort mieux sont les zones... à loups (qui profitent des mesures loups!)
Au rythme de 2012, il faudrait 18 siècles pour que les loups actuels mangent les ovins qui vivent en France en 2012. L’exode rural, la politique de la FNSEA, le vieillissement des chefs d’exploitation, la diminution de la consommation, le changement des habitudes alimentaires, les faibles coûts de production dans d'autres pays, la mauvaise image de marque des ultrapastoraux qui refusent d’entendre les demandes de leurs clients font bien plus de tort au pastoralisme que tous les prédateurs réunis.
ML: Il n’y a pas un seul département de PACA à connaître sur la dernière décennie (2000-2010) une baisse du nombre de brebis supérieure à la moyenne nationale. Les fortunes sont diverses, mais il me semble impossible de faire corréler la crise ovine avec la reconquête lupine.
L’élevage ovin viande en France, une filière sur le déclin...
En 20 ans, le cheptel français de brebis s’est réduit d’un tiers. Parallèlement, le nombre d’exploitations détenant des ovins a été divisé par 3, impactant surtout la filière viande.
Mais il résiste mieux dans les régions où le loup s’installe progressivement depuis 1992...
Certes, depuis 1990, le cheptel ovin est en baisse de 26 % en Rhône‑Alpes, et de 8 % en PACA. Mais il chute de 44 % en Auvergne, de 55 % en Charente-Poitou, de 56 % en Limousin. Il n’y a pourtant pas beaucoup de loups dans ces régions. C’est du côté de la non-rentabilité de cette filière et de sa structuration qu’il faut chercher les causes de son déclin.
Le pastoralisme, une activité extensive et peu productive, tributaire des subventions...
… grâce aux primes et soutiens de la PAC, mais aussi grâce aux aides liées à la présence du loup
Par le biais de la mesure FEADER 323 c1, le retour du loup permet la mise en œuvre de dispositifs de protection et la création d’emplois de bergers, indispensables à la pratique d’un pastoralisme de qualité, et dont l’embauche serait impossible sans le « plan loup » (500 contrats annuels). Le montant alloué atteint 6 100 €/an pour un troupeau transhumant de 500 brebis en moyenne montagne méditerranéenne.
Dans le cas d’un troupeau transhumant de 500 brebis en moyenne montagne méditerranéenne, le montant total des subventions octroyées atteignait, en 2010, 54 600 € (hors gardiennage) en moyenne, pour une production ovine de moitié moindre valeur (27 800 €).
L’agneau, une viande de moins en moins consommée, surtout par la jeune génération.
Entre 1990 et 2011, la consommation de viande ovine est passée de 5,4 à 3,2 kg équivalent carcasse par personne et par an. Seuls 56 % des français et 31 % des – de 35 ans en achètent. Pour aider la filière, plutôt que tuer du loup il faudrait manger de l’agneau français. Mais il est cher…
BdM : les éleveurs arriveront peut-être à avoir la peau du loup, mais le pastoralisme le suivra, s’il ne le précède pas…
(1) Pierre Rigaux est naturaliste dans les Alpes-du-Sud ;Gérard Bozzolo est retraité, Ingénieur Agronome, ex-maître de conférences à l'Ecole Nationale Supérieure Agronomique de Toulouse ;
Marc Laffont est Technicien en agriculture et environnement, il dispose d'une maîtrise en Ecologie ;
Baudouin de Menten, écoconseiller est le webmaster de la Buvette des Alpages.
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