En préambule d’une critique très bien écrite sur ce film, je tenais à ajouter que Renoir est un metteur en scène hors pair. Dans ses mains, le cinéma est un art : profondeur de champ, mouvement de caméra, entrée et sortie du cadre des acteurs, sens de l’ellipse habile surtout dans ce film,… Et les dialogues co-écrit avec Charles Spaak sont d’une finesse, d’une justesse et d’une fluidité rare.Monument du film français, la seule limite de ce film à mon sens est qu’il s’étire beaucoup trop en longueur.CAMIF écrit : « Renoir réalise ici un film majeur de l'histoire du cinéma mondial. A la fois dénonciation de la guerre et de l'antisémitisme, "La grande illusion" est aussi une fresque de la société française de l'après guerre. Empli de pessimisme et de réalisme sur cette guerre qui approche et que personne ne semble ni pouvoir, ni même vouloir éviter ( le film date de 1937 ), « La grande illusion » défie le temps, par sa vision fine des moeurs humaines et des sociétés. Sorti à une époque où l'on pressentait bien que la seconde guerre mondiale approchait, « La grande illusion » se veut un film pacifiste qui démontre qu'en réalité ce ne sont pas les peuples et les nations qui s'opposent mais les classes sociales ( Renoir est alors très proche du parti communiste et surtout il est marqué par les idées progressistes et humanistes du « Front populaire » et cela se sent dans sa manière de décrire le genre humain, des «Bas-fond » à « La vie est à nous » en passant par « le Crime de Monsieur Lange » ou « la Marseillaise ».)
L'action se situe pendant la première guerre mondiale ( vers 1916 ) dans un camp pour officiers français prisonniers. Maréchal et de Boëldieu, deux officiers français, sont faits prisonniers après que leur avion fut abattu par un commandant allemand. Ils sont rapidement envoyés dans un camp en Allemagne. Ils n'y seront pas mal traités, mais ils chercheront par tous les moyens à s'évader pour regagner la France.
C'est après de multiples tentatives qu'ils seront finalement envoyés dans une forteresse pour les prisonniers agités.
Là-bas, ils retrouvent Rauffenstein, devenu infirme suite à un combat, et Rosenthal, un juif qu'ils avaient croisés dans le premier camp. Ils seront là aussi bien traités, mais Maréchal ne renonce toujours pas à ses tentatives d'évasion. Boëldieu lui, se rapproche du commandant allemand, ayant en commun une même classe sociale et une même éducation.
Véritable témoignage d'une période capitale de l'histoire, "La grande illusion" est un film qui permet de comprendre la situation de la France au lendemain de la guerre. Car bien que le film se déroule pendant la première guerre mondiale, ce n'est pas de la guerre dont il est question, il traite en réalité de la situation des populations en France et en Europe dans une période située entre les deux guerres mondiales. La grande illusion montre des gens qui se rassemblent en fonction de leur milieu, et non en fonction de leur pays.
Ainsi le noble français de Boëldieu se lie d'amitié avec le noble allemand von Rauffenstein tandis que Maréchal, ancien ouvrier, trouve des points communs avec un soldat allemand qui fut ouvrier dans la même usine que lui. De même si Rosenthal et Maréchal restent proches, de Boëldieu lui, reste distant, affirmant même à Maréchal quand celui-ci lui fait remarquer qu'ils se vouvoient encore alors qu'ils vivent dans la même cellule depuis plusieurs mois "qu'il vouvoie sa femme et sa mère". Le fossé ne se trouve pas donc entre les peuples mais entre les classes sociales. Boëldieu et Rauffenstein paraissent être les vestiges d'une époque passée, dans une période en plein changement.
Autre aspect capital de ce film, la critique de la guerre. La guerre y est présentée comme absurde ( prise d'une ville un coup par les Allemand, le lendemain reprise par les Français .. ) et meurtrière ( la veuve allemande ). De plus, les Allemands sont présentés positivement et proches des Français par leurs conditions, ce qui montre bien que ce sont les dirigeants des pays qui se trompent et qui envoient se battre à mort des peuples qui ont tout en commun.
Dénonçant par la même occasion l'antisémitisme, Renoir était bien conscient que lorsqu'il réalisait son film en 1937, la guerre n'était pas loin. Hitler, depuis quatre ans au pouvoir fit d'ailleurs interdire ce film, non pas parce qu'il le jugeait mauvais, mais parce qu'il présentait les différents peuples trop proches les uns des autres. Mussolini en fit autant en Italie. Interdit par le régime de Vichy pendant l'occupation, "La grande illusion" est un film humain dans une époque en proie au doute et à la certitude qu'une autre guerre allait venir.
La brillante interprétation de ce qui pouvait se faire de mieux à l’époque (Jean Gabin, Pierre Fresnay, Erich von Stroheim, Julien Carette ) et la maîtrise technique de Jean Renoir décrivant à merveille ce huit clos, reflet d’une société à bout de souffle, qui se cherche une nouvelle identité au travers de rapports sociaux plus justes et plus fraternels.
La paix n'est qu'une illusion tant que toutes les conditions sont réunies pour que la guerre éclate à nouveau, donnant à l’oeuvre un côté hélas prophétique ».
Sorti en 1937