Dumas nous propose avec ce livre un conte fantastique voire gothique sur Hoffmann.
Tout commence par une lettre de Dumas à Marie Nodier. Cette rédaction évoque des souvenirs de jeunesse chez l'écrivain. Celui-ci nous explique combien il a été proche de Charles Nodier, introduit dans son salon de l'Arsenal, le Cénacle, avec les plus grands (Hugo ou Lamartine entre autres). S'ensuit un véritable hommage à Nodier, à sa bibliophilie et à sa curiosité intellectuelle. Mais cet hommage est aussi une façon d'introduire la dernière histoire que lui a livré le bibliothécaire.
Cette histoire concerne la jeunesse d'Hoffmann, le talentueux écrivain allemand. Celui-ci souhaite de tout cœur partir à Paris (au plus fort de la Terreur) avec son ami Werner. Mais une jeune fille retient son attention, Antonia, fille du compositeur Gottlieb. Il reste pour elle. Mais il se languit de découvrir le monde. Antonia l'encourage à partir en lui faisant jurer, devant elle et devant Dieu, qu'il lui sera fidèle et se tiendra éloigné des tables de jeu.
Hoffmann promet.
A Paris, la guillotine fait rage, le musée est fermé. Hoffmann découvre l'opéra. C'est là qu'il découvre Arsène, une danseuse fabuleuse, qui porte un collier de velours avec un pendant en forme de guillotine. Le voilà sous le charme...
Ce court roman, dans la lignée des histoires de fantômes de Dumas, est intéressant à plusieurs titres. Tout d'abord, il nous fait bien sentir le regard de la fin du XIXe siècle, sur son temps et sur la Révolution. Puis, il rend perceptible la folie de la Terreur, propice justement à une histoire fantastique. Enfin, il nous propose un récit sur un écrivain, par un autre écrivain, dont il se fait la plume. L'ensemble se dévore avec passion !
Voilà un petit mot sur la passion du jeu, l'un des sujets du roman : "Le joueur a toutes les vertus de son vice. Il est sobre, il est patient, il est infatigable. Un joueur qui pourrait, tout à coup détourner au profit d'une passion honnête, d'un grand sentiment, l'énergie incroyable qu'il met au service du jeu, deviendrait instantanément un des plus grands hommes du monde. Jamais César, Annibal ou Napoléon n'ont eu, au milieu même de l'exécution de leurs plus grandes choses, une force égale à la force du joueur le plus obscur. L'ambition, l'amour, les sens, le cœur, l'esprit, l'ouïe, l'odorat, le toucher, tous les ressorts vitaux de l'homme enfin, se réunissent sur un seul mot et sur un seul but: jouer. Et n'allez pas croire que le joueur joue pour gagner ; il commence par là d'abord, maïs il finit par jouer poux jouer, pour voir des cartes, pour manipuler de l'or, pour éprouver ces émotions étranges qui n'ont leur; comparaison dans aucune des autres passions de, la vie ; qui font que, devant le gain ou la perle, ces deux pôles de l'un à l'autre desquels le joueur va avec la rapidité du vent, dont l'un brûle comme le feu, dont l'autre gèle comme la glace, qui font, disons nous, que son cœur bondit dans sa poitrine sous le désir ou la réalité, comme un cheval sous l'éperon, absorbe comme une éponge toutes les facultés de l'âme, les comprime, les retient, et le coup joué, les rejette brusquement autour de lui pour les ressaisir avec plus de force. Ce qui fait la passion du jeu plus forte que toutes les autres, c'est que, ne pouvant jamais être assouvie, elle ne peut jamais être lassée. C'est une maîtresse qui se promet toujours et qui ne se donne jamais. Elle tue, mais elle ne fatigue pas. La passion du jeu c'est l'hystérie de l'homme. Pour.le joueur tout est mort, famille, amis, patrie. Son horizon, c'est la carte et la bille. Sa pairie, c'est la chaise où il s'assied, c'est le tapis vert où il s'appuie."