Voilà deux ans que la littérature érotique fait son come back dans les libraires, à la vue et au plaisir de tout lecteur/lectrice.
Qu’est ce que la littérature érotique ? D’abord, reprenons son étymologie, une littérature de l’amour (eros en grec signifiant le désir amoureux) qui amène au désir sexuel, aux plaisirs de la chair. L’érotisme peut aussi signifier la relation entre deux individus, née après l’analyse de ce sentiment d’attraction (Les lois de l’attraction de Brest Easton Ellis qui définit avec raffinement cette attraction qui est à l’intérieur de tout individu, décrivant les impasses des désirs - livre pas particulièrement incroyable cependant). Le désir sexuel et l’Éros sont présents à la naissance de la littérature : Kamasoutra, L’Art d’aimer d’Ovide, puis le Marquis de Sade, enfin Apollinaire, Georges Bataille, Henry Miller, E.L. James. Le sexe est un tabou qui traverse et intéresse toute l’humanité.
Dès lors notre littérature érotique est une littérature qui fait naître un désir charnel, on veut lire l’amour mais à travers les ébats sexuels. Le nu, la femme, le sexe, les ébats, les seins, les fesses, tout cela envahit la littérature d’aujourd’hui. Les gens recherchent du sexe, non plus l’amour de Benjamin Constant ou de Musset (au sens romantique) ? Pourquoi Julien Sorel n’est-il pas plus farouche avec Mme de Rénal? Pourquoi Kundera ne décrit-il pas les ébats de Tomas et Sabina ? Une main entre les cuisses ne suffit plus comme passage « chaud », il faut renommer les choses et les décrire, les faire vivre. Car la littérature érotique est une sorte de cinéma écrit. Elle doit avoir une capacité d’imager ce que l’on écrit, une sorte de mimesis littéraire géniale, un tiroir à imagination.
Nuance : aujourd’hui, les lecteurs veulent du cru, de l’imagé, mais pas trop littéraire non plus, il ne faudrait pas choquer avec des mots de plus de trois syllabes. Ainsi Sade est-il revenu à la mode ou se retourne-t-il dans sa tombe avec la nouvelle littérature érotique ? Sade, c’est la poétique de l’érotisme, les mots, les actions, les positions, les idées : tout est cru, même trop cru. Il faudra distinguer la littérature pornographique et érotique : Sade c’est l’érotisme retranché à fond, il sublime la sexualité avec l’Idée. La pornographie, c’est un jugement plus direct, sans pudeur, avec un but de jouissance directe, sans réflexion. Lisons La Philosophie dans le boudoir : d’enivrantes scènes à cinq qui ne sont absolument pas réelles, ni réalisables, ni sensuelles, Sodome et Gomorrhe, un livre terrifiant mais derrière ces œuvres, une idée de liberté qui allait avec la personnalité du Marquis et le XVIIIe siècle.
La mode est revenu aujourd’hui avec Fifty Shades of Grey, il faut l’avouer – ce roman de ménagère de cinquante ans a fait frissonner aussi beaucoup de minettes. C’est un buzz, un phénomène littéraire qui a relancé l’attrait de la littérature érotique qui est pourtant une tradition française. La collection Harlequin vend depuis si longtemps des histoires d’amour avec un peu de scènes érotiques, l’érotisme est toujours vendeur. Le porno l’est moins à cause de son impudeur, on dit qu’il va trop loin, on ne se transposerait pas dans un récit pornographique, plus dans une scène érotique. La littérature érotique est abondante, sous toutes les formes : romans, guides, livres d’arts, expositions.
L’érotisme est de plus en plus présent même dans la littérature générale, des scènes de vies intimes sont intégrées dans les romans d’aujourd’hui. Houellebecq, Toussaint, et d’autres jouent avec humour avec le style érotique et la sexualité des personnages fictifs (ou non d’ailleurs).
La littérature érotique est une filière à part entière ; des maisons d’éditions s’y intéressent de plus en plus : Lattès a signé pour Fifty Shades of Grey, Marabout fait des guides sexuels humoristiques. D’autres maisons d’édition sont d’hors et déjà spécialisées depuis longtemps ; la Musardine a un site internet et un surtout un blog bien personnalisé, original... Ils publient la littérature érotique depuis son ouverture, bien que ce ne fût pas avantageux rapidement. En d’autres termes, il faut se concentrer sur cette nouvelle vague qui envahit d’abord la littérature, les librairies et les esprits. Lire de la littérature érotique n’est pas péché, tout le monde peut y aller, n’ayez pas honte de lire Fifty Shades of Grey mais préférez aussi certains classiques.
Restons snob même en érotisme.
Quelques lectures conseillées :
Vénus erotica, Anaïs Nin parce que c’est de la même plume qu’Henry Miller.
Les onze mille verges, Apollinaire parce que c’est un classique qui dévoile toutes les formes de sexualité possibles.
Histoire de l’œil, Georges Bataille parce que c’est le livre qui m’a fait découvrir la littérature érotique.
Fanny Hill, John Cleland, parce que c’est le premier livre érotique.
Jin Ping Mei pour un érotisme exotique.