Si vous avez plus de 8 ans et que vous ne passez pas les mercredis après-midi avec votre grand-mère peut-être que le musée de la chasse ne vous paraîtra pas très sexy. Détrompez-vous !
Depuis les années 2000, le musée a créé un nouveau parcours muséographique en ouvrant la collection aux œuvres d’art contemporain. Le rapport homme-animal est au cœur de ces interventions depuis la réouverture en 2007. Lors des expositions, ces créations s’insèrent dans les collections du musée et certaines œuvres sont conservées et intégrées à la collection permanente.
Partant du sublime Jardin des délices de Hieronymus Bosch, le duo constitué par Marion Laval-Jeantet et Benoît Mangin, Art Orienté Objet, créé en 1991, propose une vision particulière, entre réflexions sur la science, l’humain et l’animal. L’étrangeté de leurs propositions dialogue avec les animaux empaillés du musée. Quitte à parfois se tromper ! Non, ce plafond d’hiboux n’est pas une création du duo mais une commande du musée au dessinateur, sculpteur, chorégraphe et metteur en scène de théâtre Jan Fabre.
L’expérience « Que le cheval vive en moi » a été réalisée en 2011. Elle part d’un refus de l’hégémonie de l’homme sur l’environnement. Par ailleurs, la recherche biologique s’est intéressée aux effets que pourrait avoir le système immunitaire animal sur celui d’un être humain, dans un but curatif. Après avoir renoncé à s’injecter du sang de panda, Marion Laval-Jeantet a décidé de se faire transfuser du sang de cheval. La performance, n’ayant pas pu être réalisée en France, s’est déroulée à Ljubljana, à la galerie Kapelica. Fruit de quatre années d’études biotechnologiques, cette expérience est aussi issue d’un rituel d’initiation pygmée au cours duquel l’humain entre en transe pendant que l’animal prend « possession » de lui.
Dans l’exposition, des échos à cette transfusion se déploient, de la sculpture de verre rouge unissant un cœur humain et un cœur chevalin à l’installation Transe fusion qui évoque l’état post transfusion de l’artiste. Les œuvres ont en grande partie été créées pour l’exposition mais certaines proviennent de la collection personnelle des artistes.
Le duo va plus loin encore en tentant de créer de nouvelles manières de communiquer avec l’animal. Les prothèses utilisées pendant la performance « Que le cheval vive en moi » sont exposées au deuxième étage. Ces dernières permettent à l’homme d’adopter la démarche du cheval. De nouveaux sons pourraient aussi être utilisés pour créer de nouveaux moyens de communications. Tel celui produit par le Cornebrame, instrument composé à partir de la dépouille d’un cerf et qui ne peut être joué que par un bouche-à-bouche dérangeant.
Les réflexions sur les barrières homme-animal sont présentes dans les reliquaires contenant le sang mêlé de Marion Laval-Jeantet et du cheval. Comme le déclarait l’artiste présente le jour de notre visite : du sang de centaure ! Autre animal hybride, le Minotaure fait son apparition sous la forme de squelettes de taureau et d’humain imbriqués.
Mais Art Orienté Objet n’est pas centré sur l’imaginaire. Les problématiques sont encrées dans le réel. Le duo semble créer et exhiber du monstrueux pour tenter de l’éviter. La Peau de chagrin invite le spectateur à contempler un ours polaire à la peau de laine aveuglé par des lumières électromagnétiques. Cette installation renvoie aux inquiétudes liées au réchauffement climatique qu’incarne la sauvegarde de l’ours blanc. Cette œuvre tricotée renvoie à celles de la série The Year My Voice Broke. Installés au milieu des autres trophées empaillés du Musée de la Chasse, ces œuvres sont une alternative à la pratique du trophée de chasse mais permettent également de collectionner des animaux interdits à la chasse, comme le panda !
Autre installation écologique, la Machine à méditer sur le sort des animaux migrateurs. Une chaise et des plumes. Tout est dans la légende : « bois, métal, plumes d’oiseaux migrateurs possiblement infectés par la grippe aviaire » ! Car le duo Marion Laval-Jeantet Benoît Mangin souhaite éveiller les consciences et rester ouvert sur les innovations de la science mais il reste avant tout un couple d’artistes qui joue de l’interdisciplinarité, qui provoque, mais avec humour.
Au visiteur de choisir son degré de lecture !
Art Orienté Objet
Musée de la chasse et de la Nature
62 rue des Archives
75003 Paris
Jusqu'au 22 mars