INTERNATIONAL > Ukraine "la belle", objet de toute les convoitises

Publié le 06 mars 2014 par Fab @fabrice_gil
En rejetant en novembre 2013 un accord d’association avec l’Union européenne au profit de la Russie, le président Viktor Ianoukovitch, à la tête d’un pays au bord de la faillite, a déclenché une véritable fronde populaire. La répression qui a soudainement précipité le court du conflit a poussé le président Ianoukovitch vers la sortie. La rue l’avait déjà désavoué.

© teeic.anl.gov

Le 21 novembre 2013, le président Viktor Ianoukovitch, sensible aux arguments sonnants et trébuchants du président Poutine, tournait le dos aux propositions de partenariat élargi avec l’Union européenne. Moscou ne pouvait tolérer sur son flanc ouest un État potentiellement puissant eu égard à des ressources minières actuellement sous-exploitées… encore moins remettre en cause son accès à la Mer Noire via la Crimée et le port de Sébastopol. Le partenariat Europe/Ukraine condamnait en grande partie le projet en cours de réalisation d’une union douanière voulue par Moscou, laquelle comprenait en plus la Biélorussie et le Kazakhstan.
Sautant sur l’occasion de venir au secours de l’Ukraine en quasi cessation de paiement, les Euratlantistes savaient que le partenariat entre Kiev et l’Union européenne battait en brèche cet ambitieux projet régional. La dimension géopolitique de la question ukrainienne, sans en omettre les déterminismes historiques, sont en effet à considérer en priorité si l’on veut comprendre le mécanisme des événements. Ce pourquoi la situation ne se réglera pas sur un coup de baguette magique, ni avec la sortie précipitée de la scène politique du président déchu.
Au regard de l’évolution de ces derniers jours et du coup de force parlementaire qui est intervenu le 22 février dernier, Ianoukovitch dénonçait, non sans raison, un "coup d’État". Le fractionnement du pays pourrait être une hypothèse envisageable, au moins pour les régions russophones -la Crimée l’est à plus de 70 %. Forts de l’expérience des printemps arabes, les nationalistes de la place Maïdan, manipulés ou non, se battront pour conserver leur "victoire", accédant ainsi aux "avantages" qu’offre l’Europe.
Trois mois en arrière… Dès le lendemain du refus immédiat de Ianoukovitch de se rendre à Vilnius en Lituanie pour y parapher l’accord prévu -négocié de longs mois durant- en partenariat avec Bruxelles, Kiev était témoin de ses premières manifestations place de l’Indépendance, à l’appel notamment de l’ancienne égérie de la Révolution orange, Loulia Timochenko, hospitalisée et détenue. Ce funeste revirement doit aujourd’hui enseigner à Ianoukovitch, qu’en politique la versatilité peut s’avérer mortelle, surtout dans un pays ruiné économiquement et dont la jeunesse plaçait tous ses espoirs ; un changement qui doit coûte que coûte se répendre sur le pays, une fois le partenariat avec Bruxelles signé. D’autres dans l’opposition et non des moindres, tel le Parti Svoboda national-socialiste, espère aussi s’arracher à l’orbite russe et tourner définitivement la page de l’ère honnie du communisme, celle des grandes famines et de l’Holodomor, génocide de la paysannerie ukrainienne qui, de 1932 à 1933, essuyait plusieurs millions de morts.
Le 24 novembre 2013, la colère populaire enfle progressivement. Quelque cent mille contestataires se rassemblent. Ianoukovitch déclare alors agir dans l’intérêt supérieur de la Nation : "Je veux que la paix et le calme règnent dans notre grande famille ukrainienne… Je n’agirai jamais au détriment de l’Ukraine et de son peuple, je veux qu’on le sache !", tandis que le gouvernement annonçait poursuivre malgré tout les discussions avec l’Union européenne. Au bout du compte, deux jours plus tard, la rupture des pourparlers avec Bruxelles est définitive quoique Ianoukovitch, assez stupidement, déclare toujours poursuivre l’objectif d’une intégration dans l’Union. En réponse à cette incohérence politique, les oppositions réclament la démission du chef de l’État.

Le vent de la sédition souffle désormais sur les occupants de la place Maïdan : ceux-ci ne manifestent plus simplement en faveur d’un rattachement de l’Ukraine à l’Union européenne mais exigent, comme dans les Printemps arabes, le remaniement d’un pouvoir dénoncé pour sa corruption. S’instaure alors une logique de "renversement" caractéristique de la réorientation subversive d’une fronde, au préalable pacifique. Très vite les signes d’une volonté de faire dévier le mouvement contestataire de ses objectifs premiers apparaissent, conduisant de cette façon à dégénérer nécessairement dans la violence. À partir de là, des incidents et des provocations, d’abord isolés puis de plus en plus fréquents, naissent. Et c’est dans ce contexte que, le 1er décembre, l’ex-ministre de l’Économie Arseni Iatseniouk, l’ancien boxeur Vitali Klitschko tête de file de l’Alliance démocratique ukrainienne pour la réforme et le nationaliste Oleh Tiahnibok, appellent conjointement à la démission du chef de l’État alors que des manifestants encagoulés tentent de pénétrer dans les locaux de l’administration présidentielle.  On relèvera près de 200 blessés. Le 6 décembre, au retour d’un voyage en Chine populaire, Ianoukovitch fait étape à Sotchi où il rencontre le président Poutine. Quarante huit heures suffisent pour que plusieurs centaines de milliers de personnes défilent dans Kiev. La statue monumentale de Lénine, la plus grande de la capitale, est mise à bas à l’image de la mise en scène du 9 avril 2003 à Bagdad, quand l’effigie de bronze de Saddam Hussein avait été arrachée de son socle place Ferdaous. Le 15 décembre, le sénateur néoconservateur du parti Républicain John McCain, partisan d’une politique de fermeté à l’égard de Moscou, vient exciter les occupants de Maïdan. Visite que le quotidien Kievski Telegrafqualifie de "vengeance contre la Russie pour son rôle dans le conflit syrien"…Le 17 décembre, Ianoukovitch se rend à Moscou. Vladimir Poutine propose à l’Ukraine un plan de sauvetage financier de €11Mds dont la première tranche est débloquée la veille de Noël, à la date du calendrier grégorien. La Russie se propose également de réduire d’un tiers le prix du gaz qu’elle vend à l’Ukraine. Sans accord signé de libre-échange. Accusé avec virulence d’avoir vendu à vil prix la souveraineté ukrainienne, Ianoukovitch tente de se justifier en dénonçant les ingérences extérieures dont l’Ukraine fait l’objet. Sont visés les États-Unis, l’Allemagne, et la France notamment.

Au-delà, de la répression tragique qui déchire le pays, l’Europe, aidée des américains sait ce qu’elle fait pertinemment. La "belle" et lucrative Ukraine dispose d'un potentiel économique particulièrement séduisant : ressources minières et énergétiques, terres agricoles immenses et fertiles représentant 22 % des terres arables européennes. Le pays est le 8ème producteur mondial d'acier. Au détriment d’une "liberté" souhaitée par tout un peuple, chacun se forgera sa propre opinion.
Depuis ce matin, alors que les tractations diplomatiques s'intensifient, la situation en Crimée reste toujours floue. Hier, le président Hollande a reçu plusieurs ministres des Affaires étrangères, dont le russe Sergueï Lavrov, pour un sommet officiellement consacré au Liban, mais qui devait permettre aux diplomates de parler de la crise en Ukraine, au moins en coulisses. Les forces russes ont, elles, pris le contrôle partiel de deux bases de lancement de missiles en Crimée, selon le porte-parole du ministère de la Défense ukrainien. Des soldats ont même pénétré dans la base située à Fiolent, à proximité du port de Sébastopol, où sont entreposés des missiles "désarmés", selon une source officielle…FG