Et elle est loin d'en avoir terminé avec la littérature. Avant ce Second portrait d’Irena, elle a publié chez Actes Sud Junior Jeux de portraits, illustrations de Cécile Gambini, en mai 2012, et La photo à petits pas, illustrations de Vincent Bergier, en avril 2010.
L'année précédente
Photo de portrait, était paru chez Eyrolles.Elle cumule avec bonheur les deux activités : photographe et auteur. A lire Second portait d'Irena, on devine qu'elle a décidé d'emprunter cette voie pour gagner en liberté.Elle raconte
l'histoire d'un retour provoqué par un héritage (le règlement d'une succession est un thème que l'on trouve fréquemment en ce moment, dans presque chacun des livres qui me passent entre les mains). A l'occasion d'un voyage en Pologne, Darius, le narrateur, se confronte à sa famille, à ses anciens amis et surtout à Irena, une femme qu'il a aimée, et fuie. C'est le moment aussi de "revenir" sur ses choix antérieurs, la rupture avec cet amour de jeunesse et l'exil du pays natal.Le doute n'est pas possible. Laura Berg connait la ville de Poznan en Pologne. Elle y est allée à plusieurs reprises. C’est même dans cette ville qu'elle a commencé à écrire ce premier roman il y a quatre ans alors qu'elle y séjournait quelques semaines.
Celle-ci est formidablement évocatrice de l'univers de Laura Berg. Ce n'est pas elle qui la signe mais elle aurait pu la prendre. J'ai remarqué cette autre photographie, toujours sur son site, dans sa collection "
la banlieue d'un monde magique".Elle emploie le stylo sans perdre son regard de photographe. Elle a la capacité de géolocaliser l'espace en mettant au point sur un focus intérieur.
Son écriture est un prolongement parfait de son regard artistique. Raconter l'histoire au masculin, du point de vue de Darius, est une manière de continuer à maintenir le sujet à distance ... juste un peu puisque le jeune homme est lui aussi photographe.
A coté de Darius et d'Irena gravitent un groupe de personnages secondaires mais essentiels, plus ou moins liés entre eux : l'oncle Mikolaj, la mère Malgorza, son ex-amour Zagraw dont la mort provoque le retour, la soeur Halina,
Haruko, la locataire asiatique, et puis Piotr, Pawel. Chacun semble forgé d'un alliage deforce de caractère et d'une certaine fragilité.L'auteur a l'art de provoquer une tension chez le lecteur qui n'a de cesse de comprendre ce qui a fait que Darius a quitté la Pologne, ce qui ferait qu'il y resterait de nouveau ... ou pas. Il faudrait qu'il abandonne sa posture d'idéaliste, qu'il accepte d'aimer sans avoir jamais rien à pardonner (p. 66).
Faut-il aimer donc le Grand Est, la Żubrówka, les hivers glacés, les barbecues insensés, le théâtre classique de Tchekov, Dostoïevski, ou la contemporanéité de
Michèle Lesbre avec qui je lui trouve des points communs ? Il n'est pas nécessaire de connaitre cela pour saisir ce morceau d'âme slave que la romancière, nous met sous le nez avec des mots simples.Le photographe est aveugle à l'instant où il déclenche (p. 137). C'est peut-être pour cela que l'écriture devient essentielle à Laura Berg.
Si elle ne déserte pas la photographie où elle exerce toujours en free-lance, elle n'abandonne pas l'écriture. Elle travaille en ce moment sur un projet très différent (encore un autre) qui consiste à écrire le texte d'une bande dessinée dans une collection de Grands Destins. Son projet de scénario est parait-il déjà très prometteur.
Second portrait d'Irena, le premier roman de Laura Berg aux éditions Naïve Livres, février 2014
Je précise que Laura Berg m'a autorisé à employer ses photos.