Pelmen en Amérique : premier bilan

Par Eguillot

Le jeudi 27 février (la semaine dernière) sortait The Breath of Aoles, la version anglaise du premier tome du Cycle d'Ardalia, Le Souffle d'Aoles, et la nouvelle A Brief History of Ardalia. Ces sorties conjointes sont la concrétisation de lourds investissements et de plusieurs mois d'efforts intenses, à telle enseigne qu'à certains moments, j'ai interrompu complètement l'écriture de mon prochain recueil de nouvelles, qui a pris du retard. Bien qu'ayant depuis la sortie poursuivi mes efforts, cette fois sur le plan promotionnel, je m'attendais à de très faibles ventes. Sur ce plan-là, du moins, je n'ai pas été déçu.

J'avais prévenu en novembre 2013 dans mon billet l'aventure américaine que le marché outre-Atlantique était très difficile à pénétrer. Nombre d'auteurs français s'y sont cassés les dents, je ne serai donc pas le premier.

Connaissant la prédominance d'Amazon sur le marché anglo-saxon de l'ebook, j'ai pour la première fois utilisé KDP Select pour la nouvelle A Brief Story of Ardalia, afin de mettre cette nouvelle gratuite pendant les cinq premiers jours.

En principe, je suis opposé à la notion d'exclusivité attachée à ce type de promotion Amazon, c'est pourquoi je n'ai utilisé KDP Select que pour la nouvelle, pas pour le roman The Breath of Aoles que l'on peut retrouver sur Kobo, Apple, Smashwords et bientôt sur Barnes&Noble (Nook) en plus d'Amazon.

J'estime que donner une simple nouvelle pendant 6 mois (la période pendant laquelle je compte jouer avec KDP Select) exclusivement à Amazon ne porte pas trop préjudice aux autres plates-formes.

Pendant les cinq jours qu'a duré la promotion, A brief story of Ardalia a été téléchargée 89 fois sur Amazon.com. La nouvelle a été téléchargée 12 fois sur Amazon.co.uk (Angleterre) 6 fois sur Amazon.de (Allemagne), 1 fois sur Amazon.fr et 8 fois sur Amazon.ca (Canada). Rien sur Amazon Australie ou Inde.

Donc 116 fois en tout. Pas grand-chose à voir avec les 60000 téléchargements qu'est capable d'obtenir un auteur comme Joe Konrath en cinq jours sur le même support.

A son plus haut, alors qu'une quarantaine d'ebooks avaient été téléchargés sur Amazon.com, A brief History of Ardalia s'est hissée vers la 4800ème place sur Amazon.com, et dans deux sous-listes de best sellers gratuits (environ à la 50ème place pour les Fairy Tales pour enfants et à la 85ème place en Sword & Sorcery).

Dans le même temps, avec 8 ebooks téléchargés sur Amazon.co.uk, A brief History of Ardalia s'est hissée à la 4300ème place. On peut donc estimer que pour obtenir un rang équivalent au rang britannique avec Amazon.com, il faut avoir 5 à 6 fois plus d'ebooks gratuits téléchargés.

Cela signifie que le potentiel de téléchargement d'oeuvres gratuites est bien plus important aux Etats-Unis que dans le pays européen où les ebooks ont le mieux percé. Par extension, on peut en déduire qu'il en va de même pour les oeuvres payantes.

The Breath of Aoles s'est quant à lui vendu à deux exemplaires sur Amazon.com, deux sur Amazon.co.uk, un sur Amazon.ca, et un sur Amazon.fr. Zéro sur les autres pays. 

Sur les autres plates-formes comme Google Play, Apple, Kobo ou Smashwords, aucun exemplaire de The Breath ne s'est vendu.

Donc, six ventes en tout environ une semaine après sa sortie. Il m'en reste encore 29994 à vendre pour pouvoir donner sa prime de plus de 2000 dollars à Stephen Harmon, le second traducteur du livre, et pouvoir commencer à toucher de l'argent dessus. Ou bien 9994 après le 27 mars, lorsque le prix de The Breath of Aoles aura été remonté à 2,99$ (je toucherai alors 1$ par exemplaire et non plus 0,30$).

Les ebooks qui se sont vendus sur Amazon.com l'ont surtout été au début, il n'est pas évident que ce soit lié à la promo sur A brief History of Ardalia, qui comprend les cinq premiers chapitres de The Breath.

Il est possible, en revanche qu'une ou deux ventes soient liées aux mails de promo que j'ai envoyés à une soixantaine de blogueuses américaines (en très grande majorité des femmes, donc la féminisation est volontaire de ma part) afin d'obtenir des critiques, non seulement sur les blogs, mais aussi sur Amazon.

J'ai trouvé beaucoup plus aisé de contacter les blogueuses et blogueurs américains que français: il y a très souvent un lien "review policy" expliquant comment s'y prendre et les genres acceptés, avec le contact par email.

En revanche, il est très difficile d'obtenir des commentaires: seules, deux réponses favorables pour l'instant, dont l'une (The Review Board) pour une critique qui ne se fera qu'en février 2015. Quand les blogueuses ne répondent pas au bout d'une semaine, c'est que la réponse est négative.

Les blogs A TiffyFit's Reading Corner (le 25 mars) et Celtic'sLady Review (le 13 mars) ne donneront pas d'appréciation, mais ont accepté d'annoncer la sortie du livre (Spotlight).

De nombreux blogs proposent aussi bénévolement des interviews d'auteur, mais j'avoue que j'ai un peu peur de perdre mon temps avec cela. En tout cas, on sent qu'il existe une vraie solidarité avec les auteurs indépendants, avec une énorme majorité de blogs qui acceptent de lire la version ebook du livre.

Je suis même tombé sur une blogueuse qui disait à peu près cela: "Je n'aurais jamais cru pouvoir écrire cela un jour, mais envoyez-moi de préférence la version Kindle".

De la SF? De l'utopie? Non, du réel. Du vécu. Vive 2014!

Pour ceux qui s'y connaissent un peu, j'ai tenté une promo avec Pixel of Ink, mais ils n'ont pas donné suite. Bookbub m'a de son côté signifié son refus, arguant que seuls 20 à 30% des demandes (contre rémunération) de promo dans leur newsletter étaient validées.

Le blog kboards, dédié aux auteurs Kindle, et figurant parmi les 5000 blogs les plus regardés aux Etats-Unis, a accepté mes 15 dollars pour annoncer la sortie du livre le 18 mars.

Vous allez me dire, malgré tout, la déception doit être terrible, les ventes et téléchargements sont vraiment microscopiques. C'est sûr, je pense qu'il faut être costaud dans sa tête pour accepter plus de 7000 dollars de perte (l'argent que j'ai dépensé en frais de traduction/révision, et qui ne comprend pas l'éventuelle prime de 2000$ en cas de ventes, que Stephen Harmon pourra toucher dans les trois premières années).

Néanmoins, je ne considère pas tout à fait cet argent comme une perte sèche. J'ai appris. Pendant plus de deux mois, Stephen Harmon et moi-même avons échangé plus de 180 e-mails. Il corrigeait la première traduction cinq pages par cinq, je lui signalais au fur et à mesure les erreurs d'interprétation, changements stylistiques et améliorations que je désirais, et on en discutait tous les deux pour garder la meilleure solution.

Ce furent des échanges très riches d'enseignement et appréciables pour moi. Je ne dirais pas que je me sens capable de traduire facilement les deux tomes suivants par moi-même, mais disons que mon précédent billet (écrit sans aide) me semble démontrer que je ne suis pas totalement une quiche en anglais.

Donc, si je devais continuer à prendre ma loupe pour examiner mes ventes américaines, il m'est désormais possible d'envisager de faire la traduction moi-même, et de passer dans un deuxième temps par un correcteur anglais, qui serait bien meilleur marché qu'un traducteur. L'avantage que nous autres auteurs avons sur les traducteurs, c'est que nous savons exactement ce que nous avons voulu dire. L'inconvénient, c'est la maîtrise sur les tournures de phrases et la structure de celles-ci, nettement plus difficile à acquérir.

Je ne souhaite toutefois pas sacrifier mon temps d'écriture à une autre traduction dans l'immédiat. Et je préférerais bien sûr repasser par Stephen Harmon, avec lequel je bosse bien.

Pour l'instant, je fais beaucoup de promo en contactant les blogs de langue anglaise, mais je me suis aussi remis à écrire (en français), et ce temps-là reste sacré. Ce qui sautera, à terme, sera ma promo vers des blogs de langue anglaise.

Il ne faut pas se le cacher, l'investissement en temps et en argent reste colossal pour toucher le marché anglo-saxon, mais l'avantage, lorsqu'on est autoédité, c'est que l'on peut se permettre des choses que de petites maisons d'édition ne se permettraient pas (sauf très fortes relations entre l'auteur et l'éditeur).